Besnard 03 pp 145-200
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LIVRE TROISIEME
66 ‑
Mission à Saint-Jean de Montfort
Monsieur de Montfort, après s'être séparé des missionnaires
avec qui il venait de travailler, se retira à son ermitage de St Lazare. Le
bruit qui s'était répandu du succès de ses travaux porta le curé de St Jean de
la ville de Montfort à le prier de donner une mission dans cette ville, lieu de
la naissance du saint missionnaire. La crainte de ne pouvoir être prophète dans
sa patrie ne l'empêcha pas de consentir à ce que l'on demandait de lui, et de
se prêter à une bonne œuvre à laquelle la chair et le sang ne purent être ni un
attrait, ni un obstacle. Son père et sa mère ne l’eurent pas plutôt appris
qu'ils revinrent exprès de Rennes où ils demeuraient alors. Leur dessein était
non seulement de le loger[1] chez eux avec les autres
ouvriers de la mission, mais encore d'en faire tous les frais. L'homme de Dieu
fut touché de leur zèle. Il ne voulut cependant accepter ni leur maison, ni
tous les secours qu'ils lui offraient, disant que dans son pays, comme partout
ailleurs, il s'abandonnait entièrement aux soins de la Providence. Il avait
l'expérience qu'elle ne lui avait jamais manqué et elle ne lui manqua pas non
plus dans un lieu où il la préférait à toute autre ressource. En effet il eut
abondamment tout ce qui lui était nécessaire pour lui et pour ses collègues. Il
trouva même de quoi nourrir une quantité prodigieuse de pauvres sans savoir
souvent d'où les provisions lui venaient. Il semblait quelquefois compter sur
des miracles, et peut-être Dieu en faisait-il pour récompenser son parfait
abandon. Un jour qu'il y avait plus de soixante pauvres qui l'attendaient dans
la cour du prieuré, sans qu'il e
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rien à leur donner, il dit au frère cuisinier qui préparait le dîner des
missionnaires, d'apporter tout ce qu'il pouvait avoir dans sa cuisine. Il le
distribua à tout ce monde disant que Dieu pourvoirait aux besoins de ses
ouvriers. Il ne se trompa pas et leur table fut servie en abondance.
Les fruits que son zèle produisit dans cette mission ne
furent pas moins /27/ sensibles que dans toutes les autres. Us habitants de la
paroisse et des lieux circonvoisins se rendaient en foule aux exercices. Il
leur en donna un où sans en ire, fit sur eux une impression que n'aurait pas
fait le discours le plus touchant. L'heure du sermon étant venue, il monte en
chaire. fait le signe de la croix, tire le crucifix qu'il avait apporté de
Rome, le tient entre ses mains et au lieu de parler à son auditoire se pénètre
si fort lui-même des sentiments de douleur et d'amour que la vue d'un Dieu
mourant en croix fait naître dans
son cœur, qu'il ne peut plus arrêter le cours de ses larmes et qu'il les répand
avec abondance sur l'image de ce Dieu crucifié. A ce spectacle tout le peuple
éclate en gémissements et en sanglots, tous les yeux[2] sont baignés de pleurs. Le saint prédicateur voyant
son auditoire ainsi attendri, ce qui était l'unique but qu'il s’était Proposé,
descend de chaire sans dire une seule parole et présente à chacun des
assistants son crucifix à baiser. Les larmes recommencent à couler, les
sentiments de componction augmentent. Tout le monde demeure touché, contrit,
consterné ! Le sermon avait été court mais il ne faut pas moins que toute la
vie d'un saint pour en préparer un semblable.
67 ‑ Le projet d'un Calvaire à Montfort
échoue
Mr Grignion qui aurait voulu voir[3] la dévotion et l'amour de
Jésus-Christ crucifié gravés dans le cœur ut ses compatriotes, comme ils
l'étaient dans le sien, forma le dessein de placer une croix avec un Christ[4] de sept pieds de haut sur
une élévation très belle par son aspect, et qui dominait sur la ville et tout
le pays voisin.
Il communiqua son projet aux principaux habitants.
Il fut goûté et reçu. Il ne perd pas de temps : il met la main à l'œuvre. Tout
le monde s'y porte avec ardeur. Déjà le dessus de la butte était aplani afin
d'y placer, avec décence le pied de la croix. On avait creusé des fossés autour
pour empêcher les animaux d'y monter. La chapelle du château grande et
magnifique, était[5]
tous auprès. Elle se serait trouvée accompagnée de plusieurs petits oratoires
que Mr de Montfort voulait faire bâtir pour servir de stations. Tout cela
préparait un glorieux triomphe à Jésus crucifié. Il en voulait un autre dans le
cœur même de celui qui s'empressait si fort à honorer sa croix, et il aima
mieux lui en faire un peu sentir l'amertume. Il permit que l'on[6] fit échouer une entreprise
si pieuse et si édifiante ; mais dont le succès lui eut peut-être procuré moins
de gloire que la résignation parfaite avec laquelle le saint missionnaire reçut
cette disgrâce. /28/
Il en essuya une autre qui lui[7] fut moins sensible parce
qu'elle le regardait personnellement et à laquelle Dieu[8] fit succéder de près la
consolation. Quelques recteurs de la ville crurent se faire un mérite auprès de
leur Évêque de lui parier de ce qu'ils regardaient comme des singularités dans
M. de Montfort. Il est vrai[9], c'était quelque chose de
singulier de voir un prêtre seul, sans titre, et sans place, se faire suivre
d'une foule prodigieuse[10] de peuple à qui il
faisait quelquefois des instructions sous les halles, dans les places
publiques, les églises n'étant pas assez spacieuses pour[11] contenir la multitude,
nourrir quantité de pauvres sans avoir ni biens, ni revenus, vivant lui-même
des charités qu'on lui faisait. Ces singularités étaient connues, et il n'était
pas difficile d'en donner la preuve ; mais il n'était pas si aisé d'en faire
des chefs d'accusations. Cependant on trouva le moyen de les représenter sous
un jour le plus désavantageux. On dit que M. Grignion ne rassemblait[12] que des troupes de
vagabonds, qu'il entretenait les pauvres dans la fainéantise, que c'était un
homme qui ne cherchait qu'à se singulariser pour se faire un nom dans le monde,
et qui dans le fond n'était qu'un hypocrite.
68 ‑
Pouvoirs retirés puis rendus à M. Grignion
Ce fut sous ces couleurs qu'on le
dépeignit à M. l'évêque de Saint-Malo. Le prélat qui se trouvait alors dans le
lieu fit appeler le missionnaire accusé et lui parla en présence de ses
accusateurs. Il le reprit fortement, lui reprocha de ne pas se comporter comme
il le devait dans son diocèse, et lui défendit d'y prêcher ni d'y confesser. M.
Grignion reçut cette réprimande debout[13] derrière la porte de
l'appartement, n'osant avancer plus loin par respect pour son Évêque tandis que
tous les autres prêtres étaient assis à table avec lui. Il se tenait
modestement les yeux baissés[14] en posture de coupable,
et il dut le paraître en effet aux yeux de sa Grandeur, car il ne dit pas une
seule parole pour sa défense. Mais Dieu qui avait permis cette humiliation pour
le bien de son serviteur prit soin de le justifier sur le champ.
Monsieur Hindré, recteur de Bréal, petite ville située à
deux lieues et demie /29/ de Montfort, ayant su que l'évêque y était s'y rendit.
Le trouvant à table. et en compagnie, il crut devoir abréger ce qu'il avait à
lui exposer et lui dit simplement : «Monseigneur, deux motifs m'amènent ici. Le
premier pour vous rendre mes très humbles
respects, le second pour vous demander M. Grignion pour donner une mission à la
jeunesse de ma paroisse». Mr de Saint-Malo qui connaissait le mérite supérieur
de ce digne recteur, comprit dans le moment que le témoignage qu'il rendait
indirectement[15]
à M. de Montfort devait au moins balancer ce que les autres avaient dit contre
lui. Il ne voulut cependant ni montrer son embarras ni commettre le recteur de
Bréal avec ceux à qui il avait trop légèrement donné sa confiance, ou plutôt
l'esprit de Dieu lui dicta à l'instant sa réponse. «Volontiers», lui dit-il :
sans ajouter autre chose. M. de Montfort, qui était resté dans le coin de
l'appartement, s'approcha aussitôt et dit : «Si quelques autres personnes
s'adressent à moi, votre Grandeur me donne-t-elle ses pouvoirs ? » ‑ «Oui.
répondit le prélat,[16] je vous les donne.» Par
cette réponse le zèle missionnaire se trouva rétabli dans l'exercice de son
ministère, et il ne resta à ses ennemis que la honte d'avoir surpris la
confiance de leur évêque.[17]
Jamais, peut-être, mission ne fut plus fervente que celle
de Bréal. M. de Montfort la commença vers la Toussaint 1707. Il y fit des
prodiges de conversion. Les petits et les grands, le peuple, les soldats qui y
étaient en quartier d'hiver s'y rendirent[18] avec assiduité, et
profitèrent de ses exhortations toujours plus pathétiques et plus touchantes.
On a déjà remarqué qu'il avait en effet un talent particulier pour attendrir et
pour émouvoir. Il le sentait lui-même, et bien loin de s'en attribuer la
gloire, voici de quelle manière il s'en expliqua un jour au recteur de Bréal.
son ami intime, qui ne Pouvait assez s'étonner de voir qu'il suffisait de
l'entendre pour se sentir pénétré de l'amour de Dieu et de la douleur de ses
péchés. «Monsieur et cher ami, lui dit-il, j'ai fait près de deux mille lieues
de pèlerinage pour demander à Dieu la grâce de toucher les cœurs, et il m'a
exaucé. » Les soldats qui venaient tous assidûment l'entendre en firent
l'heureuse expérience. Il en fit autant de héros chrétiens, et pour les /30/
soutenir dans leurs bonnes résolutions, il les engagea dans une pratique de
dévotion d'autant plus propre à les attirer qu'il la leur présenta sous
une idée militaire ce fut de s'enrôler dans cette confrérie des soldats de St
Michel, dont nous avons déjà parlé[19], afin d'obtenir par son
intercession la grâce de la persévérance.
69 ‑ M.
de Montfort en danger d'être tué
Une action de zèle qu'il fit pendant cette mission, pensa
lui coûter la vie. Un soir qu'il venait de l'église à la maison presbytérale,
il entendit dans une maison un grand bruit de personnes qui se battaient. Il
entre et trouve que c'était un homme qui maltraitait sa femme. Comme il voulut
lui faire quelques remontrances, ce furieux, ayant trouvé près de lui sa hache,
la tire de toutes ses forces pour en fendre la tête au saint prêtre qui se jette
aussitôt à genoux pour recevoir le coup qu'il croyait inévitable. Il l'eût été
en effet si, par une espèce de miracle, la hache ne fut tombée des mains de ce
misérable dont les bras devinrent comme engourdis. «J'ai connu, dit M.
Dousseau, recteur de Pipriac et de St Quenton, ce malheureux qui, pendant son
vivant, me l'a raconté, lui-même. C'était un très méchant homme et sa maison
une maison de scandale. M. de Montfort après plusieurs semonces et avis
charitables[20]
lui prédit qu'il mourrait pauvre et dans la misère. J'ai vu cette prédiction accomplie.
Cet homme qui avait plus de trois cents livres de rente perdit tout son bien
qu'il vendit morceau à morceau avant de mourir. Je lui ai donné l'aumône, et
l'ai vu pendant ses dernières années mendier son pain aux portes. Je lui ai
donné les derniers sacrements et l'ai vu expirer couché sur un peu de paille
dans une maison d'emprunt.»
70 ‑ Avant de quitter Saint-Lazare M. de Montfort y établit
une gardienne
Après la mission de Bréal M. de Montfort fut passer quelque
temps dans sa chère solitude de St Lazare. C'était là que dans le silence et
l'oraison, il puisait de nouvelles forces pour travailler au salut des âmes. Ce
temps lui paraissait bien court, et il l'était en effet, car on le demandait de
tous côtés pour des missions ou des retraites.
M. le recteur de Bréal lui écrivit pour aller chez lui
pendant les trois jours gras de l'année 1708. Ne pouvant y aller à cause de ses
grandes occupations, il se contenta de lui recommander ses chers soldats. Voici[21] sa réponse toute entière
datée de Saint-Lazare le 17 février. /31/
«Monsieur
et cher Ami,
Que je
suis fâché de ne pouvoir satisfaire vos désirs et les miens ! Je suis promis
ces trois jours pour trois endroits auxquels je ne puis manquer. Cependant,
j'enverrai Mathurin mardi chez vous pour dire le rosaire publiquement, chanter
des cantiques, et porter de ma part soixante petites croix de St Michel à nos
soldats, lesquelles vous aurez la bonté de leur distribuer, après que vous les
aurez avertis dimanche de se trouver mardi. Cela ne servira pas peu à les
retirer des excès si fréquents en ces jours. Vous les saluerez tous de ma part
dès dimanche, et leur direz que je les prie instamment de garder fidèlement
leurs règles, particulièrement lundi prochain, et que je les irai voir un des
dimanches de carême. Je suis en Jésus et Marie tout vôtre.
L. Marie de Montfort, prê(tre) »
Au
mois d'avril suivant M. de Montfort fut faire la mission à Romillé et revint ensuite
dans sa retraite de Saint-Lazare. Ce fut alors que M. l'évêque de Saint-Malo
faisant la visite des trois paroisses de la ville de Montfort, le clergé de
cette ville toujours plus indisposé contre notre saint missionnaire fit de
nouveaux efforts pour détruire dans l'esprit du prélat la bonne opinion qu'il
en avait conçue. Ces Messieurs réussirent en partie et il lui fut défendu[22] de faire aucune
instruction ailleurs que dans les églises paroissiales, pas même à sa chapelle
de St Lazare. Dès ce moment[23] il pensa sérieusement à
se retirer de Montfort. Cependant avant de quitter cette ville il donna une
retraite aux filles dans l'église de St Jean, sa paroisse. A la fin après leur
avoir fait une exhortation, il leur demanda laquelle d'entre elles se destinait
à être la gardienne de Notre-Dame de la Sagesse à St Lazare. Ensuite ayant fait
un tour dans l'église, il dit à une qu'il fit remarquer aux autres : «C'est
vous, ma fille, qui serez la gardienne de notre bonne Mère à St Lazare. » Cette
vertueuse fille s'appelait Guillemette Rouscel, de la paroisse[24] de Talensac. Elle était
du tiers-ordre de St François, et pouvait avoir 45 ans. Elle a assuré que Mr
Grignion ne la connaissait pas, et que jusqu'alors, elle ne lui avait jamais
parlé mais, qu'au moment que Mr de Montfort parlait, elle se sentit fortement
inspirée de lui obéir. Elle se rendit donc /32/ aussitôt dans une petite
chambre proche la porte de la chapelle de St Lazare, où elle a vécu d'aumônes
qu'on lui portait, étant presque toujours en prières dans cette chapelle, dont
elle ouvrait la porte à ceux qui venaient honorer la sainte image, exercice
qu'elle a fait constamment jusqu'à soixante ans.
71 ‑ M.
Grignion prend sa route vers Nantes
Cependant. M. Grignion[25] déterminé à abandonner le
lieu de sa naissance, prit sa route vers Nantes, après avoir prédit et déploré
les malheurs qui devaient arriver à la ville de Montfort-la-Canne sa patrie qui
était alors très florissante et dans laquelle on compte aujourd'hui plus du
tiers des maisons qui sont en ruines ou désertes. Les plus nobles familles s'étant
retirées pour aller prendre des habitations ailleurs, ce qui lui reste et ce
que la suite des siècles ne pourra lui enlever, c'est la gloire d'avoir donné
au monde un si grand homme.
Le diocèse de Nantes où il avait huit ans auparavant
reprendre ses fait ses premiers essais, le vit avec plaisir y fonctions
apostoliques.
72 ‑ La
mission de Saint-Similien
D'abord il se joignit au Père Joubert, jésuite, pour donner
une mission à Saint-Similien, une des plus grandes paroisses dans l'un des
faubourgs de cette ville. il y porta comme ailleurs cet esprit de zèle qui le
mettait au-dessus de toutes les considérations humaines. La force avec
laquelle il déclama, sans aucun ménagement, contre la corruption des mœurs
irrita quelques libertins, entre lesquels il se trouva des écoliers de droit.
Leur fureur alla jusqu'à oser attenter à sa vie, et comme il s'en revenait le
soir, ils l'attendirent sur le chemin pour s'en défaire. Dès qu'il parut, ils
se jetèrent sur lui[26], mais le peuple qui se
trouva là, s'arma aussitôt de pierres et de bâtons pour écarter ces scélérats.
La partie n'était pas égale, et les écoliers avec les autres couraient risque
d'être assommés si M. de Montfort n'eût pris lui-même leur défense et ne se fût
mis au-devant de la multitude échauffée qu'il apaisa par des paroles pleines de
douceur et de charité en disant : «Mes chers enfants, ne leur faites point de
mal, laissez-les en paix. Ils sont plus à plaindre que vous et moi.» Cependant
les furieux pourvurent plus efficacement encore à leur sûreté en cherchant leur
salut dans la fuite. /33/
Un autre jour revenant[27] de la Communauté de St
Clément, il aperçut dans une grande place nommée la Motte de St Pierre, une
foule prodigieuse de peuple qui était attroupée. En approchant[28] il entendit les jurements
les plus exécrables et les imprécations les plus affreuses. Enfin il vit que
c'était des artisans qui avaient pris querelle avec des soldats. Des injures et
des menaces, on en était venu aux coups.
L'homme de Dieu se fait jour à travers la multitude, se met
à genoux, dit un Ave Maria, baise la terre et se jette ensuite à corps perdu au
milieu des combattants pour les séparer. Les artisans avaient I ‘avantage, mais
étonnés de l'intrépidité du saint prêtre, et touchés par ses paroles, ils
quittent la partie et laissent aux soldats le champ de bataille. Ceux-ci ou du
moins leurs camarades, bien foin de reconnaitre un si grand service, pensèrent
un instant après, lui ôter la liberté et même la vie.
En continuant son chemin pour entrer en ville il aperçut
une de ces tables qu'on appelle jeu de blanc et noir[29]. Ayant demandé ce que
cela signifiait, on lui répondit que c'était un jeu de hasard qui causait tous les jours des désordres
pareils à celui dont il venait d'être témoin. A ce récit, son zèle se rallume ;
il renverse la table, la foule aux pieds et la met à morceaux. Les soldats à qui
appartenait cette table en ayant été avertis, courent[30] aussitôt après l'auteur de
ce prétendu désastre, l'atteignent, et tout écumant de fureur se jettent sur
lui. Les uns le prennent aux cheveux, les autres déchirent son manteau ;
plusieurs tirent l'épée et menacent de la lui passer au travers du corps, s'il
ne répare sur-le-champ le dommage qu'il vient de causer, et ne leur paie la
table de jeu. M. de Montfort sans autre marque d'émotion que celle d'un zèle
supérieur à toutes les craintes humaines, leur demanda ce que leur avait coûté
cette table. Ils répondirent qu'elle leur avait coûté cinquante francs. «Ah !
je donnerais, répliqua-t-il. volontiers et de tout mon cœur cinquante mille
livres d'or si je les avais et tout le[31] sang de mes veines pour
faire brûler tous les jeux de hasard semblables à celui que je viens de
briser.» Les soldats plus irrités et plus furieux que jamais allaient le
massacrer, lorsqu'un d'entre eux dit /34/ aux autres : «Ne le frappons pas, car
il nous en arriverait malheur. Menons-le plutôt au château. M. le Lieutenant
de Roi nous rendra justice.» On suivit[32] cet avis et en conséquence, on se mit en
devoir de le conduire au château. Il fallait traverser la ville pour s'y
rendre. L'homme de Dieu marchait devant eux, la tête découverte, le chapelet à
la main, le récitant à haute voix, le visage riant et le cœur pénétré de joie
de ce qu'il était jugé digne de souffrir cet[33] opprobre pour la cause de
Jésus-Christ. Cependant une nombreuse populace le suivait avec[34] de grandes clameurs, et
déjà on était sur la place de la cathédrale. lorsqu'un homme respectable
l'ayant aperçu le retira des mains de cette insolente soldatesque.
Pour lui, il fut
très affligé de n'avoir pas souffert la prison, les fers, de plus grands
outrages et la mort même, pour les intérêts de son divin Maitre, car c'était là
le plus ardent de ses désirs. Ce fut ainsi qu'il s’en expliqua à cette occasion
à un prêtre qui l’a accompagné plusieurs années dans ses missions et de qui on
tient le récit de cet événement où il s'était trouvé. «Je suis trop grand
pécheur, lui dit-il, pour mériter une si grande grâce. J'ai été exprès à Rome
pour demander à notre saint Père le Pape la permission d'aller dans les pays
étrangers faire des missions chez les barbares et les infidèles, espérant de
trouver là quelqu'occasion favorable de[35] répandre mon sang pour la
gloire de Jésus-Christ qui a répandu tout le sien pour moi. Le Saint Père me
refusa cette grâce parce que j'en étais indigne, et il me permit seulement de
faire des missions dans tous les pays chrétiens.»
On aura peut-être de la peine à se familiariser avec ces
oups d'éclat, répandus dans toute la vie du saint missionnaire, mais ils
entraient nécessairement dans le plan général de sa conduite qui était
d'opposer à la fausse prudence du siècle la sainte folie de la croix, de dire
et de faire ce qui était le plus propre à toucher le peuple et à l'attirer, et
il arriva plus d'une fois que ses discours qui se ressentaient du saint
enthousiasme de ses actions furent sur des personnes très éclairées la même
impression que sur le peuple.
Monsieur l'abbé Barin qui était pour lors
grand vicaire à Nantes, en fit l'heureuse /35/ expérience. Cet abbé, d'un
esprit supérieur et très cultivé voulut savoir par lui-même si la réputation
de M. Grignion était bien appuyée. Il prit avec lui un Père jésuite pour
l'aller entendre. L'un et l'autre s'aperçurent que des ecclésiastiques et plusieurs
autres personnes dont les pleurs doivent être comptés pour quelque chose ne
pouvaient s'empêcher d'en répandre. Ils se sentirent d'abord attendris, mais
dans la crainte de ne se laisser entraîner[36] au préjugé ils
suspendirent ces premiers mouvements et pour juger plus tranquillement du
mérite et de la force du discours, ils se tinrent en garde contre la
sensibilité. Cependant, plus ils écoutent, plus l'attendrissement augmente. Ils
croient pouvoir au moins en arrêter les signes extérieurs, mais[37] l'onction est si forte
qu'elle se manifeste au dehors. Ils ne peuvent étouffer leurs soupirs, ils
veulent même inutilement commander à leurs yeux, et se voient contraints de
payer comme les autres au saint et touchant prédicateur le tribut de leurs
larmes.
Monsieur l'abbé Barin conçut dès lors une si grande idée de
la sainteté de M. de Montfort qu'il le protégea depuis dans toutes les
occasions. Sa vénération pour lui augmenta encore après sa mort, et il voulut
l'éterniser en composant une[38] épitaphe qu'il fit graver
sur une plaque de cuivre[39] qu’on voit encore aujourd’hui
dans la chapelle où fut inhumé l'homme de Dieu[40] et[41] à la fin de laquelle l’auteur
a mis soi, nom, pour gage, dit-il de sa tendresse.
Cet ascendant qu’il avait sur les esprits et sur les cœurs venait
de J'ardente charité qui l'enflammait pour le salut des âmes. Toutes lui
étaient précieuses, Parce qu'il voyait en toutes le prix du sang de Jésus-Christ.
S'il paraissait faire quelque préférence, c’était en laveur des pauvres qu'il
regardait comme la portion choisie de l’héritage du Seigneur. Ses soins pour
eux s'étendaient jusqu'aux secours temporels. Il trouva le moyen pendant cette
mission d'en nourrir tous les jours un très grand nombre. On a même déposé que
lorsque les provisions se trouvaient insuffisantes pour donner à tous une
portion égale. Dieu y suppléait en rassasiant avec peu ceux à qui l'on n'avait
pas donné aussi abondamment qu'aux autres.
Voici un trait bien propre à confirmer ce que je viens de
dire, et que nous tenons[42] de la personne même a qui
la chose est arrivée. Mademoiselle Guioneux, supérieure de l'hôpital de St Jean
à Guérande, fille d'une admirable candeur et d’une grande sainteté nous[43] a raconté au mois de mai
1766, qu'étant allée, sans provisions /36/ pour entendre M. de Montfort à la
mission de St Similien, elle se trouva l'après-midi extrêmement épuisée et
prête à tomber[44]
en faiblesse faute de nourriture. Elle s’assit sur une pierre, hors de
l'église, en attendant le moment d'un exercice, sans oser déclarer son besoin à
personne, parce qu'elle se voyait environnée de beaucoup de monde. Dans ce[45] pressant besoin, elle vit
venir à elle une femme habillée d'une manière très modeste, le visage
majestueux et très aimable qui lui présenta un morceau de pain, en lui disant :
«Prenez, ma fille, et mangez ce pain,» et à l'instant disparut à ses yeux. Elle
nous[46] a assuré n'avoir jamais
trouvé de pain d'un si bon goût.
73 ‑ La
mission de Valette
De Nantes, M. de Montfort alla donner la
mission à Valette, paroisse éloignée de cinq lieues de la ville épiscopale.
Même affluence de monde, même ardeur à écouter le saint missionnaire. Il n'y
eut qu'un seul homme qui se moquant de ces saints exercices aima mieux rester
dans sa maison que de venir en profiter, mais il ne tarda pas à subir la peine
de son indolence pour son salut et de son impiété. Un jour que Mr Grignion préparait
ses auditeurs à recevoir le lendemain la grâce de l'absolution, et qu'il les
exhortait à concevoir une vraie douleur de leurs péchés, leur faisant baiser à
tous le crucifix qu'il avait apporté de Rome, il s'éleva un effrayant orage. Le
bruit du tonnerre et les éclairs jetèrent tout le monde dans la consternation.
Ce sentiment de crainte aidant la contrition à laquelle on s’excitait, chacun
déplorait à hauts cris le malheur d’avoir offensé Dieu. Cependant ce n'était
pas les pécheurs rassemblés dans l'église que la justice de Dieu voulait punir,
c'était cet endurci dont nous venons de parler et qui était resté
tranquillement chez lui. En effet la foudre tomba sur lui et l'écrasa.
Châtiment terrible par où Dieu vengea le mépris de sa parole et de celui qui
l'annonçait.
La récitation du
saint rosaire que M. de Montfort avait établie dans cette paroisse soutint
pendant quelque[47]
temps les fruits de la mission. Les habitants le récitaient avec beaucoup de
ferveur, mais cette pieuse pratique ayant cessé au bout de six ans, le saint
homme saisit une occasion d'en témoigner sa douleur[48]. Un jour qu'il retournait
à Nantes en revenant de la mission de Roussay, son chemin le plus court et le
plus aisé était de passer par Valette. Mais /37/ quelques instances que lui en
fissent les principaux habitants[49] de Roussay qui
l'accompagnaient, il ne voulut point y passer. Une femme même de cette paroisse
voyant la répugnance[50] que le saint homme
témoignait de traverser ce bourg se jeta à genoux[51] pour le supplier, les
larmes aux yeux, de ne point ainsi mortifier le peuple de ce lieu ; mais il refusa
toujours 'Constamment d'y passer, aimant mieux allonger son chemin. «Non, non,
répondit-il, par le mouvement d'une sainte indignation, je ne passerai point
par Valette ; ils ont quitté mon chapelet.» Il ajouta plusieurs autres paroles
qui marquaient combien il était sensible à la cessation de cet exercice[52] de dévotion à la Ste
Vierge. Et, en effet, il ne passa point par ce bourg.
Les habitants ayant appris cette conduite de M. de Montfort
à leur égard en furent très affligés et reprirent la pieuse pratique de réciter
en public le chapelet à l'église, ce qu'ils faisaient encore 15 ans après,
lorsque M. Mulot successeur de M. de Montfort y fut faire une nouvelle mission
en 1729.
74 ‑ Mission
de la Chevrolière
La mission[53] de la Chevrolière qui
suivit immédiatement celle de Roussay[54] n'eut pas de moins heureux
succès,[55] et ce qui y contribua le
plus ce fut la patience héroïque du serviteur de Dieu.
Cette
pauvre paroisse était extrêmement négligée par son propre pasteur, qui non
content de lui refuser[56] sa vigilance et ses soins
ne voulait pas même qu'on y donnât de mission. Il fallut que[57] M. J'abbé Barin et
quelques autres personnes de considération se joignissent pour l'engager à[58] accepter les services de
M. de Montfort, que le zélé Grand Vicaire eût voulu donner pour apôtre à toutes
les paroisses du diocèse.[59] Celle-ci est petite à la
vérité pour le nombre des habitants, mais une paroisse quelque petite qu'elle
soit est toujours une terre bien difficile à défricher quand elle n'a pas été
cultivée par celui à qui le soin en a été confié. Le recteur de la Chevrolière,
qui n'avait accepté la mission que pour ne pas paraître désobéir à son
supérieur ne se contenta pas dé ne point seconder les travaux des
missionnaires, il prit à tâche de les traverser en tout. Au lieu d'exhorter ses
paroissiens à venir à la mission, il les en détournait secrètement, de sorte
que quelques-uns n'y parurent point du tout, et que d'autres n'y vinrent que
très rarement. Cependant le plus grand nombre /38/ fut assidu à entendre les
ouvriers évangéliques. Leur assiduité et leur persévérance déplut extrêmement
au recteur, et il en fut si outré qu'un jour, après le sermon du matin, tout le
peuple étant encore dans l'église, il parut au milieu du grand autel en surplis
et en étole, et ayant pris pour texte ces paroles de J.‑C., dans St Marc, chap.
8 ‑ «Misereor super turbam.[60] J'ai compassion de ce
peuple», il commença ainsi : «Je me vois obligé, mes chers paroissiens, étant
votre pasteur, de vous avertir charitablement, que vous perdez votre temps à
venir à cette mission. On ne vous y apprend que des bagatelles, et vous feriez
beaucoup mieux de rester chez vous, et de travailler pour gagner votre vie et
celle de vos enfants. C'est à quoi je vous exhorte de tout mon cœur.» Tout le
reste du discours fut dans le même goût, et les termes les plus offensants pour
les missionnaires ne furent point épargnés.
Pendant ce temps M. de Montfort qui
n'était pas descendu de chaire,[61] se mit à genoux, les
mains jointes, les yeux baissés. Il ne se leva que lorsque le recteur[62] eut achevé de déclamer et
d'invectiver. Il le salua profondément, et descendit en silence. «Venez, dit-il
ensuite à un prêtre qu'il s'était associé à cette mission, disons un Te Deum, mon cher ami, pour remercier notre bon Dieu de la charmante croix
qu'il lui a plu de nous envoyer. J'en ai une joie que je ne puis exprimer.»
Cela dit, ils psalmodièrent ensemble le cantique d'actions de grâces, devant le
saint sacrement, et il conclut en disant : «Cette mission est bien combattue ;
mais elle sera d'autant plus fructueuse.» Ce qu'il avait prévu arriva et il s'y
fit un grand nombre de conversions.
Peu de jours après cette scène
déplorable, l'acharnement du recteur,[63] du vicaire et de quelques
personnes en donna une autre qui causa encore un plus grand scandale. Au sortir
de l'exercice du soir, ils attaquèrent le saint homme dans le cimetière en
présence de tout le peuple, le chargèrent des injures les plus atroces, le
traitant d'imposteur, de voleur, de charlatan, de perturbateur du repos publie,
l'accusant de ne faire des missions que pour s'enrichir aux dépens des pauvres,
qu'il séduisait par ses enchantements, enfin lui faisant les menaces les plus
terribles et l'assurant qu'ils le persécuteraient partout où il irait, et ce
fut l'unique vérité qu'ils prononcèrent dans cette occasion.
Autant que le peuple fut scandalisé de ces excès monstrueux
et de ces calomnies /39/ affreuses, autant fut-il édifié de la constance, de
l'égalité, de la douceur du saint missionnaire, qui se contenta de dire avec
une modeste assurance[64]. «J'en appelle,
messieurs, au juste Juge des vivants et des morts de tout ce que vous venez de
m'imputer. Au reste, je prie le Seigneur qu'il vous fasse tous des saints. Je
vous demande pardon de tous les sujets de peine que j'ai eu le malheur de vous
causer. Adieu Messieurs.» Il continua[65] avec la même paix et le
même zèle les travaux de la mission. Ils furent si excessifs qu'il en tomba
malade, et la maladie parut d'abord très dangereuse et même tendre à la mort.
C'était de violentes coliques et une grosse fièvre continue. Malgré cela il
n'interrompit point ses exercices ordinaires. Lorsqu'on le voyait monter en
chaire tremblant la fièvre et avec un visage défait et souffrant, on
s'imaginait qu'il ne pourrait pas soutenir et qu'il n'aurait pas la force de
dire un mot. Mais par une espèce de prodige, son zèle plus fort que le mal lui
faisait comme un remède du travail de la chaire. Les auditeurs n'en étaient
même que plus touchés et plus attendris, et à tous les sermons ils pleuraient à
chaudes larmes. Ce qu'il y eut de plus étonnant, c'est que le mal le quitta à
la suite d'un excès particulier de fatigue qui seul aurait été capable
d'abattre les plus robustes.
Il
s'agissait de planter la croix à la fin de la mission. Le temps était fort
rude, et les pluies avaient inondé les chemins. Le lieu où la croix devait être
plantée était fort éloigné. Cependant, M. de Montfort proposa qu'on la portàt*
(* Texte parallèle : de la porter)
pieds nus. Pour persuader plus efficacement, il joignit l'exemple à la parole,
et dans le moment, plus de deux cents personnes se présentent nu-pieds pour
avoir l'honneur de la porter avec lui. Quoi qu'il eût alors la fièvre, il
soutint une partie du fardeau jusqu'au terme.[66] Il fit la bénédiction
solennelle de la croix et il prêcha avec une force surprenante. Quelques-uns de
ceux qui avaient porté la croix avec
lui, en tombèrent dangereusement malades, et lui guérit parfaitement.
Les fruits de cette mission avaient été trop grands pour ne
pas exciter toute la rage de l'enfer. Il avait mis tout en œuvre pour la
traverser. N'ayant pu réussir, il essaya d'en détruire les salutaires effets,
en flétrissant la réputation de celui dont /40/ Dieu s'était servi pour les
produire. Il suscita une âme vendue à l'iniquité pour perdre le saint
missionnaire dans l'esprit des supérieurs ecclésiastiques et par là même lui
enlever la confiance et l'estime de tout le peuple. Une fausse dévote, vraie
fille de Bélial, fut subornée pour porter contre lui les accusations les plus
atroces. Elle s'adressa à M. l'abbé Barin[67] qui avait procuré la
mission. Ce choix marquait d'abord qu'on en voulait moins au missionnaire qu'à
la mission elle-même qui n'avait pas été du goût de tout le monde, mais enfin
on voulait risquer le tout pour le tout, et M. de Montfort eût été perdu sans
ressource si l'on eût réussi à indisposer contre lui un homme en place qui
l'honorait d'une amitié particulière et qui lui avait donné toute sa confiance.
Heureusement celui-ci était trop éclairé[68], et la vertu du saint
prêtre lui était trop connue. Il renvoya donc honteusement l'impudente
calomniatrice qui ne fut pas mieux écoutée de M. l'Evêque à qui elle alla
débiter les mêmes impostures, et que le Grand Vicaire avait instruit de cette
détestable manœuvre.
Le Seigneur ne
permet guère que ses fidèles serviteurs essuient de grandes contradictions sans
ménager en même temps quelques événements qui les consolent et les raniment.
C'est ce que M. de Montfort éprouva à la fin de la mission de la Chevrolière.
Un des prêtres qui lui avait été le plus opposé lui demanda pardon, rendit un
témoignage authentique à ses vertus et le pria de l'associer[69] à lui pour travailler à
l'œuvre des missions. Il se signala même par un trait de zèle pour une des
dévotions que M. de Montfort avait le plus à cœur, celle du saint Rosaire.
Ayant été chargé pendant[70] une mission où il se
trouva de le faire réciter[71], un jour il se mit à en
relever l'excellence[72] en présence de tout le peuple
qui se disposait à entendre le sermon, et dans le même moment transporté par un
mouvement extraordinaire de zèle pour cette sainte prière, il fit vœu à haute
voix de le réciter tous les jours de sa vie. Sa conduite répondit constamment /41/
aux premières démarches de sa ferveur ; il fit de grands fruits dans J'exercice
de son ministère, et persévéra jusqu'à la mort dans la fidélité à ses devoirs.
Il était bien glorieux à M. de Montfort de savoir gagner ses persécuteurs[73] jusqu'à en faire ses
disciples et les coopérateurs de son apostolat.
75 ‑ La
mission de Vertou
De la Chevrolière[74], il[75] fut appelé à Vertou,
paroisse qui n'est qu'à deux lieues de Nantes et dans laquelle beaucoup de
personnes riches et nobles de cette ville ont des maisons[76]. Ce fut là qu'il[77] jugea à propos de faire à
la fin de la mission quelque chose de semblable à ce qu'il avait fait à celle
du Calvaire de Poitiers. Mais il s'y prit d'une autre manière. Au lieu d'entasser
les mauvais livres avant d'y mettre le feu, il commença par allumer le bûcher.
Il y jeta le premier[78] ceux qu'on lui avait mis
entre les mains. Après quoi, chacun venait brûler ceux qu'il pouvait avoir.
Tout le monde fut extrêmement surpris lorsqu'on vit s'avancer une demoiselle
qui n'ayant point de mauvais livres pour augmenter l'incendie, l'enflamma
prodigieusement en y précipitant toutes les parures trop recherchées et tout
l'attirail de mondanité dont elle avait fait jusque-là son idole.
76 ‑ La
guérison du frère Pierre
[79]On peut juger des
bénédictions spirituelles que Dieu répandit sur cette mission par une faveur
singulière qu'il accorda à la prière de celui qui la donnait et qui fut en même
temps la récompense de la foi et peut-être aussi de l'obéissance d'un frère
qu'il avait à. son service. «Ce pauvre frère, dit un prêtre qui fut témoin de
l'événement était si accablé de mai qu'il ne pouvait se tourner seul d'un côté
sur l'autre ; à peine pouvait-il parler. Il y avait plus de douze jours qu'il
était alité. M. de Montfort et moi fûmes le voir un matin. Je le crus si en
danger que je dis à M. de Montfort qu'on tardait à lui donner l'extrême-onction.
Il ne me répondit rien, mais il parla ainsi au malade : ‑ Pierre où est votre
mal ? ‑ Partout le corps. – Donnez-moi votre main ‑ Je ne le puis – Tournez-vous
de mon côté ‑ Il m'est impossible – Avez-vous de la foi ? ‑ Hélas ! mon cher
père, je voudrais bien en avoir plus que je n'en ai – Voulez-vous m’obéir ? ‑
De tout /42/ mon cœur. ‑ Il lui mit la main sur la tête en lui disant : ‑ Je
vous commande de vous lever en une heure d'ici, et de venir nous servir à
table. ‑ Nous le quittâmes, ajoute ce prêtre, et nous fûmes à l'église à notre
emploi ordinaire. A onze heures et demie comme nous allions dîner, je trouvai
frère Pierre dans les degrés, qui montait dans la chambre où nous prenions nos
repas. Je lui demandai comment il se portait, il me répondit en riant que le
Seigneur l'avait guéri. »
77 ‑ La
mission de Saint-Fiacre
Au mois de décembre suivant M. de
Montfort commença la mission à la paroisse de Saint-Fiacre à trois lieues de
Nantes. Il y trouva de quoi pratiquer[80] à son ordinaire la
patience et exercer la charité. A peine y avait-il douze jours que la mission
était ouverte, lorsque trois hommes qui ne pouvaient plus supporter qu'il parlât
avec tant de force contre tous les désordres vinrent le trouver à la maison des
missionnaires. On était à table. Dès qu'on l'eut averti, il alla pour savoir ce
qu'on souhaitait de lui. Il salue avec politesse ces trois messieurs qui
n'annoncent le sujet de leur visite que par des injures entremêlées
d'imprécations[81]
et de jurements exécrables et suivies des plus terribles menaces. Il est à
croire qu'ils eussent fini par des coups si l'un des missionnaires ne fût
accouru à ce bruit. Il les trouva qui reprenaient le chemin de la porte, leur
chapeau sur la tête, tandis que l'humble serviteur de Dieu les conduisait le
chapeau à la main, leur demandant[82] mille pardons, et leur
assurant qu'il prierait Dieu pour eux pendant toute sa vie.
La charité pour les pauvres qui dans M. de Montfort n'était
pas moindre que la patience trouva également de quoi se satisfaire. Il vint
dans la même maison un pauvre tout estropié. Il le recueillit sur le champ, le
fit rester pendant toute la mission à la Providence, (c'est ainsi qu'on
appelait[83]
le lieu où logeaient les missionnaires, comme on fait encore aujourd'hui) et à
la fin de la mission comme le pauvre homme lui témoigna vouloir aller à la
Rochelle, il loua un cheval, et lui donna un guide[84] qui le conduisit jusqu'au
terme. Pour lui il prit à pied la route de Nantes où il fut donner une retraite
aux pénitentes sur la paroisse de Saint-Léonard, et acheva cette œuvre de zèle
avec toute la consolation que donne à un bon pasteur le retour et la
persévérance des brebis qu'il a ramenées /43/ au bercail.
78 ‑ La
mission de Cambon
A peine eut-il fini cette retraite qu'il alla commencer un
nouveau travail à Cambon, une des paroisses les plus considérables du diocèse
de Nantes.[85]
Il s'y distingua par un trait de zèle bien édifiant pour la maison de Dieu.
L'église
était fort grande mais la vaste étendue de l'édifice n'en faisait que mieux
remarquer l'indécence et la malpropreté. A peine y avait-il un carreau à sa
place, et un seul qui ne fût brisé. Les murs étaient si noirs qu'on doutait
presque qu'ils eussent jamais été blanchis.[86] Ce spectacle frappa si
vivement M. de Montfort qu'il pensa qu'il ne suffisait pas de prêcher[87] sur un sujet aussi
important, mais qu'il fallait en même temps et parler et agir. On n'était guère
qu'à[88] la moitié de la mission
lorsqu'après son sermon du matin il fit sortir de l'église toutes les femmes et
filles et ordonna aux hommes de rester, leur disant qu'il avait quelque chose
de conséquence à leur communiquer. Il fut obéi. Les filles et les femmes
sortirent, et les hommes étant restés, il commença par leur faire un discours
concis, mais véhément, sur la décoration des temples consacrés, au culte du
vrai Dieu. Ensuite profitant de la disposition où il les voyait, il leur
demanda s'ils ne voulaient pas bien, chacun selon son[89] pouvoir, contribuer à la
réparation de leur église. Ils répondirent tous qu'ils le voulaient de tout
leur cœur. «Puisque cela est, leur dit-il, mes chers enfants, mettez-vous huit
sur chaque tombe[90],
quatre sur celles qui sont moins pesantes, et deux sur chaque pavé.» Cet ordre
fut exécuté dans le moment[91]. Alors il leur dit[92] : «Prenez la pierre sur
laquelle vous êtes placés et la portez dans le cimetière.» Chacun mit[93] aussitôt la main à l'œuvre,
et dans moins d'une demi-heure, tout le pavé de l'église fut emporté. Le jour
suivant[94] après son sermon, il fît
encore sortir[95]
toutes les femmes. Après quoi il exhorta les hommes à ne pas manquer de venir le
lendemain[96]
pour paver l'église, et d'amener à cet effet des maçons, des tailleurs de
pierre, de faire apporter de la chaux, du sable et /44/ tous les outils
nécessaires. Tout fut exécuté à la lettre, et avec tant d'ordre et d'ardeur
que, dans un jour et demi l'ouvrage fut achevé. Il fit ensuite crépir et
blanchir tout l'intérieur de l'église. Cette dernière opération l'embarrassait
un peu parce qu'on ne pouvait la faire en entier et d'une manière convenable
sans effacer la litre où étaient peintes les armes de M. de Coislin seigneur de
la paroisse. Mais cette considération ne l'arrêta pas, persuadé qu'il était que
ce seigneur étant rempli de piété et de religion, ne désapprouverait pas son
zèle pour la beauté de la maison de Dieu. Son espérance ne fut pas trompée. Cependant
les officiers de la seigneurie crurent devoir agir contre une entreprise qu'ils
regardaient comme contraire aux droits d'un seigneur fondateur. Elle l'était
dans un sens, et ils n'e
û
ssent
pas été blâmables s'ils se f
û
ssent
bornés à ce qui concernait leur ministère. Mais ils manquèrent beaucoup à ce
qu'ils devaient au caractère et au mérite du saint homme, et joignirent aux
menaces les paroles les plus déplacées. Il les laissa dire ce qu'ils voulurent,
et ne parut aucunement se repentir d'une action dans laquelle il n'avait eu
d'autre motif que la gloire de Dieu[97]. L'église fut réparée[98] sans que[99] l'on ne fit aucune suite
du prétendu délit[100].
Quoi qu'il n'y ait
pas longtemps qu'on ait commencé à souffrir les litres aux ceintures de deuil
dans les églises et que l'usage ne s'en soit établi que depuis que les armoiries
sont devenues héréditaires dans les familles, on ne peut contester que ce ne
soit aujourd'hui un des premiers droits honorifiques qui est dû aux seigneurs
patrons fondateurs ou aux seigneurs hauts justiciers dans les églises qu'ils
ont fondées, ou qui sont de leur seigneurie. Mais en usant de toute l'étendue
de leur droit, des seigneurs un peu religieux devraient bien faire attention ne pas offenser la piété des fidèles[101]. Peut-on voir sans
indignation dans la maison de Dieu des armoiries avec des supports d'une figure
la plus indécente ? Mais quelle peine[102] pour un curé qui
pourrait à peu de frais embellir son église en la faisant seulement blanchir,
de ne pouvoir engager son seigneur à faire en même temps repeindre une litre
/45/ qui presque effacée ne présente plus que de vilains placards sur des murs
tout moisis et tout crasseux ! Quel scandale plus grand encore si un autre
uniquement occupé à bien conserver ces marques de sa noblesse laisse le reste
de l'édifice dans la malpropreté et le désordre ! Quoi qu'il en soit[103], le droit de peindre ses
armoiries dans nos temples n'autorise point[104] à les placer jusque sur
les ornements sacerdotaux et à nous montrer le prêtre revêtu en même temps et
de la croix de Jésus-Christ et des symboles bizarres de la vanité d'un grand, à[105] les placer jusques sur
les tabernacles, à[106] les faire graver sur les
vases sacrés. N'y aurait-il point[107] d'autre moyen d'éterniser
le souvenir des libéralités que l'on fait à l'église, ou craint-on que le
souverain rémunérateur les oublie[108] ?
Qu'on
pardonne ces réflexions à un missionnaire qui tous les jours a l'occasion de
gémir sur des abus si déplorables.
Il fallait que la mission de Cambon dût produire de bien
grands fruits, car l'ennemi du salut en voulait étrangement à celui qui la
donnait. Il suscita des scélérats au nombre de cinq qui formèrent le complot de
lui ôter la vie[109]. Ils devaient l'attendre
sur le chemin qui conduit de Cambon à Pontchâteau. Le détestable projet fut découvert
par une femme qui en avertit un prêtre lequel en parla à M. de Montfort.
L'intrépide missionnaire ne fit pas d'abord grand cas[110] de leur avertissement et
traita leurs alarmes de terreur panique. Cependant la bonne femme persistait à
dire «J'en suis sûre ; je l'ai entendu de leur propre bouche ils étaient auprès
de la porte de ma maison, et ne sachant pas que j'y fusse alors, ils disaient :
trouvons-nous sans faute demain matin à quatre heures, sur la route où il doit
passer. Mettons des pierres neuves à nos pistolets pour ne le pas manquer.»
Elle ajouta d'autres expressions dont ils s'étaient servis et que nous ne
pouvons rapporter. Le prêtre de son côté, lui disait qu'il y avait de la
témérité à s'exposer dans cette circonstance, et que la prudence exigeait au
moins de prendre le parti le plus sûr. M. de Montfort répondait qu'ils
n'avaient tenu ce langage que comme des gens qui ont envie de faire peur. Il
prit pourtant le parti le plus propre à tranquilliser son ami et la pauvre cambonaise,
et resta quelques jours à Cambon. On sut /46/ dans la suite que ces malheureux
avaient effectivement été l'attendre sur le chemin où fi devait passer, et
qu'ils y étaient demeurés depuis cinq heures du matin jusqu'à huit heures du
soir. Pour lui, qui devait peut-être la conservation de sa vie, aux prières de
plus de deux cents pauvres qu'il avait nourris pendant la mission, après l'avoir
achevée et avoir un peu prolongé son séjour pour la raison que nous venons de
dire, (il) partit pour Crossac qui n'est éloigné que de trois lieues.
79 ‑ La
mission de Crossac
Cette paroisse avait d'autant plus besoin de secours
qu'elle était alors sans pasteur. Il y travailla avec toute l'ardeur que lui
inspirait l'état actuel où elle se trouvait et les fruits répondirent à son
travail. Il éteignit des inimitiés, il accommoda des procès, il fit faire des
restitutions, et déracina des abus. Il vint surtout à bout d'en ôter un qui
était d'autant plus difficile à détruire qu’il était général et ancien. Les
paroissiens de quelque rang ou état qu'ils fûssent, nobles et roturiers,
pauvres ou riches étaient de temps immémorial dans l'usage de se faire enterrés
dans l'église. Les curés leur avaient fait sur cela des représentations. M.
l'Evêque de Nantes dans le cours de ses visites les avait menacés d'interdire
leur église. MM. les grands Vicaires les avaient, dans les occasions, fait
connaître les inconvénients d'un pareil abus. Tout avait été inutile. Les
paroissiens entêtés aimèrent mieux laisser procéder contre eux en justice
civile que de se rendre à des avertissements charitables. Peut-être étaient-ils
assurés de trouver de la protection dans les tribunaux séculiers. En effet,
l'affaire portée au parlement fut jugée en leur faveur par arrêt contradictoire
fondé sur la possession qui leur fut conservée.
M. de Montfort, ayant été informé de ce fait, prêcha de
toutes ses forces contre un usage si peu conforme aux saintes règles. Il[111] fit voir que dans
l'église primitive, on n'enterrait les papes, les évêques, les empereurs et les
rois que dans les cimetières ou tout au plus dans les vestibules des églises ;
que les églises ne devaient être destinées qu'à renfermer le corps de Jésus-Christ
et ceux des saints ; qu'autrefois même la canonisation des saints ne se faisait
que par la translation de leurs sacrés ossements, des cimetières où ils avaient
été enterrés, dans les églises où on les exposait à la vénération publique ;
que la coutume contre laquelle il leur parlait était évidemment /47/ abusive au
moins par sa généralité, et une espèce de profanation par l'état où ils
voyaient qu’elle avait réduit le lieu saint dans lequel ils étaient assemblés.
Dieu donna tant de bénédictions à ses paroles, que tous ses auditeurs
pleurèrent amèrement sur l'aveuglément où ils avaient été jusqu'alors. M. de
Montfort[112]
profitant de leur bonne disposition, les obligea de lui promettre que désormais
ils ne se feraient plus enterrer dans leur église, et après le sermon. les principaux
d'entre eux s'assemblèrent avec lui dans la sacristie, où ils firent venir un
notaire qui fit un acte de délibération par lequel ils renonçaient au droit de
se servir de l'arrêt qu'ils avaient obtenu et promettaient tous de choisir le
lieu de leur sépulture dans le cimetière. L'acte fut signé, après quoi M. de
Montfort fit travailler aux réparations de l'église qui était dans un
dérangement extrême, toute la nef ayant plus l'air d'un champ labouré que d'un
vaisseau destiné au service divin[113] et aux fonctions
ecclésiastiques.
Il ne paraît pas que l'homme de Dieu ait essuyé aucune
contradiction pendant cette mission. Cependant la Providence qui ne voulait pas
qu'il demeur
â
t sans croix, lui en
ménagea une à laquelle il parut très sensible. Ce fut le départ précipité d'un
prêtre qui travaillait avec lui depuis un an, et la révolte d'un des frères qui
le suivaient dans ses missions. Celui-ci oubliant les obligations qu'il lui
avait, se révolta[114] contre lui, lui dit les
paroles les plus dures, et en vint jusqu'à l'injurier. Mais le saint homme qui
envisageait dans tous les événements l'accomplissement de la volonté de Dieu
profita de ceux-ci[115] pour mettre en pratique
la belle maxime qu’il avait si bien exprimée dans un de ces cantiques où il
inséra ce couplet à l'occasion de ce que nous venons de dire :
Un ami m'est infidèle,
Dieu soit béni !
Un serviteur m'est rebelle,
Dieu soit béni !
Dieu fait tout ou le permet,
C'est pourquoi tout me satisfait.
Jamais peut-être il n'eut plus besoin de se bien pénétrer
de ces sentiments /48/ que dans l'événement que nous allons raconter au sujet
de la mission de Pontchâteau qui suivit celle-ci.
80 ‑ La
mission et le calvaire de, Pontchâteau
Pontchâteau est une petite ville à dix lieues de Nantes.
Les habitants qui sont polis et portés à la piété virent avec une extrême
satisfaction l'homme de Dieu dans leur paroisse. Ils savaient, et plusieurs
d'entre eux en avaient été témoins, les grands biens que son zèle avait produit
à Crossac. Il y travailla donc pendant un mois et surpassa l'idée que ce bon
peuple en avait conçu. Ce fut pendant cette mission qu'il crut que le moment
était arrivé[116]
où il devait exécuter le dessein qu'il méditait depuis longtemps d'ériger un
trophée à Jésus-Christ crucifié.
A une mission qu'il avait donnée[117] dans le diocèse de St
Brieuc avec M. Leuduger[118] les missionnaires firent
faire un grand crucifix de sept à huit pieds de haut. Mais ne se trouvant
personne qui le voulut payer à l'ouvrier. M. Grignion qui ne manquait jamais de
ressources, lui dit que s’il voulait le lui remettre pour la somme de quatre-vingts
francs, il pourrait bien le lui payer. Le marché conclu il fit une quête de
porte en porte, et par ce moyen le crucifix lui demeura. Il avait dès lors son
dessein, mais ne trouvant pas de lieu convenable il différait de l'exécuter. Il
l'entreprit enfin à Pontchâteau, où ayant déjà parcouru tous les pays voisins
dans ses courses apostoliques, il choisit une grande lande qui a environ une
lieue et demie de tour, et qui étant en forme de surface d'un champignon. lui
parut propre à un[119] calvaire. Un jour après
son exhortation il dit son dessein à MM. les prêtres et au peuple assemblé. Il
leur fit voir les grands avantages que produirait[120] ce calvaire. Tous les
reconnurent et promirent d'y travailler. Dès le premier jour libre, il se
transporta au milieu de cette lande accompagné de plusieurs habitants, désigna
l’emplacement et commença par donner lui-même[121] le premier coup de pic
pour faire un fossé qui empêchât les bêtes de s'approcher de la croix qu'il
voulait y planter. C'était là apparemment que se bornaient alors toutes ses
vues. Mais Dieu qui voulait lui donner en /49/ même temps le mérite d'une plus
grande entreprise et d'une disgrâce bien sensible, permit que le peuple de
Pontchâteau et des paroisses voisines lui témoignèrent tant d'ardeur pour
accélérer cette bonne œuvre[122], qu'il enchérit sur son
premier projet, et y donna une étendue et une magnificence extraordinaire. Il
prit un cordeau et traça une première enceinte de quatre cents pieds de circuit ;
la seconde en avait environ cinquante. La montagne faite des terres rapportées
des, douves, avait cent trente-trois pieds de large. La largeur des douves était
de quinze pieds[123]. Il fallait sans doute bien
du monde pour un pareil travail. Aussi s'y en trouvait-il beaucoup tous les
jours et surtout les jours de repos pendant la mission, qu'il s'y rassemblait
jusqu'à quatre à cinq cents
personnes. On en voyait qui bêchaient la terre, d'autres qui la portaient dans[124] des hottes sur le
terrain qui devait former la montagne. Malgré tous ses soins et ces travaux, la
durée de la mission de Pontchâteau ne fut pas suffisante pour achever
l'ouvrage.
81 ‑
Liste des missions aux environs
Cependant M. de Montfort ne l’abandonna pas durant[125] seize mois qu'il
travailla consécutivement dans le voisinage au salut des âmes dans les
paroisses de Landemon, Saint‑Sauveur, la Boissière, la Remandière, Besné,
Missillac, Herbignac, Camois, Assérac, St Donatien et Bouguenais. On continuait
toujours de travailler au calvaire de Pontchâteau. M. de Montfort s'y
transportait les jours qui se trouvaient libres dans le cours des missions, et
dans les intervalles qui pouvaient se trouver de l'une à l'autre. Il donnait
ses ordres et prenait tous les arrangements convenables à son projet. Sa
présence animait tout le monde ; tout le monde travaillait avec un zèle
incroyable, petits et grands, riches et pauvres, hommes et femmes, des hommes[126] de distinction, des
dames, des prêtres même, tous se faisaient comme un exercice de religion de
porter la terre et on eût dit que ce travail quelque fatiguant qu'il fût, ne
leur coûtait rien.
«J'ai vu, dit un ecclésiastique qui en fut le témoin, j'ai
vu trainer du fond des douves des pierres qui pesaient jusqu'à deux pipes de
vin seulement avec une ou deux cordes, et quatre hommes avoir beaucoup de peine
à charger une pierre sur la hotte d'une fille de 18 ans qu'elle portait avec
/50/ joie sur la montagne, et tout cela se faisait avec tant d'ordre qu'on aurait
dit qu'il y avait eu des gens à les commander, chantant des cantiques d'une
manière si agréable qu'il me semblait entendre une harmonie céleste entre autre
quand on était sur le haut de la montagne qui sortait du fond des fossés.»
M. Grignion fut appelé pour aller donner la mission à St
Donatien. C'était dans les grandes chaleurs du mois de juin 1710. Ce fut là
qu'il fit faire quatorze étendards de satin blanc d'une aulne et demie de
longueur et d'une aulne de largeur pour l'ornement de ses processions.
82 ‑ La
mission de Bouguenais
Celle qu'il fit a Bouguenais, où il fut ensuite, mérite
d'avoir place dans cet endroit. Cette paroisse à trois lieues de Nantes au-delà
de la Loire, est une des plus considérables du diocèse, tant pour le revenu que
pour le nombre des habitants. Il y eut un concours étonnant pendant tout le
temps de la mission, mais la procession de la clôture y attira plus de dix
mille personnes. Elle se fit dans une vaste étendue de prairie sur les bords de
la Loire, où M. de Montfort avait (fait) faire un reposoir magnifique pour y
placer le St Sacrement. On y marchait deux à deux en chantant des hymnes et des
cantiques et récitant le Rosaire. Les 14 étendards distinguaient les différentes
divisions des personnes qui y marchaient. La musique de la cathédrale, les
violons, les fifres, les tambours, les trompettes faisaient un accord[127] qui ravissait. La
procession arrivée au reposoir, M. de Montfort, quoique baigné de sueur y fit
un discours et le finit par des adieux qui tirèrent des larmes de tous ses
auditeurs. Mais où les esprits furent enlevés, ce fut lorsque l'officiant étant
près de donner la bénédiction, M. de Montfort se leva et donna le signal[128] à tous les instruments[129] : «Allons, s'écria-t-il,
que tout sonne, que tout résonne, que tout retentisse à l'honneur du Roi du
Ciel qui va nous bénir.» L'air en effet retentit à l'instant de tout ce que
cette charmante symphonie pouvait exécuter de plus touchant.[130] Ceux qui ont quelquefois
été témoins de ces pieux spectacles ne nous sauront pas mauvais gré d'avoir
détaillé celui-ci. /51/
83 ‑
Description du Calvaire
Le saint missionnaire après avoir[131] ainsi terminé cette
mission, retourna à son calvaire. La montagne était achevée. Il fit bâtir sur
la pointe une muraille de cinq pieds de haut et de quatre-vingts de circuit. On
plaça sur cette muraille des piliers de bois[132] sur lesquels pendait un
Rosaire qui régnait tout autour[133] et dont les grains
enchainés étaient de la grosseur d'une boule. Le dedans de cette enceinte était
le lieu destiné pour planter les trois croix. Celle de Notre-Seigneur était
d'une grosseur prodigieuse et avait cinquante pieds de haut. Il fallut douze
couples de bœufs pour la trainer jusqu'au calvaire. Le saint homme avait tout
préparé[134]
pour l'ornement de ce lieu de dévotion. Toutes les figures étaient faites, le
Christ, Notre-Dame de douleur, St Jean, la Madeleine, le bon et le mauvais
larron. On les avait déposées depuis le commencement de l'ouvrage dans une
grotte, où l'on ne pouvait les voir qu'à la lueur d'une lampe, ce qui rendait
le spectacle encore plus touchant. Tout étant prêt, M. de Montfort les en fit
retirer pour les placer chacune dans le lieu qui leur était destiné. Il fit
planter sur le sommet les trois croix. Au pied de celle du Sauveur étaient les
figures de la Sainte Vierge, de Saint Jean l'Evangéliste, et de Sainte Marie-Madeleine.
Dans l'intervalle qui restait depuis l'enceinte de quatre cents pieds, jusqu'à
celle qui renfermait immédiatement le calvaire on avait formé pour y monter un
chemin en forme de coquille de limaçon. On avait pris d'autres arrangements
pour embellir ce lieu de trois chapelles[135], et de trois allées où
auraient été représentés les mystères du Rosaire, avec chacun leur petit
jardin. On avait même déjà planté autour de la muraille qui renfermait cette
enceinte de quatre cents pieds, des sapins et des cyprès qui formaient un
Rosaire, et qui en distinguaient les dizaines de telle sorte qu'on pouvait le
réciter en entier sur ces arbres en faisant le tour du[136] terrain. On n'avait
laissé qu'une seule entrée qui était en face du crucifix, aux deux côtés de
laquelle étaient[137] dans la douve deux
jardins de quatorze pieds en carré, dont l'un s'appelait le[138] Paradis terrestre, et
l'autre le jardin des Oliviers.
Cet ensemble faisait un coup d'œil charmant. L'ouvrage
était déjà l'objet de l'admiration de tout le pays. Il y avait depuis le fond
des fossés, jusqu'au[139] plus haut de la croix,
environ cent pieds, de sorte que le pieux monument pouvait être /52/ aperçu de
sept à huit lieues à la ronde.
84 ‑ La
bénédiction manquée du Calvaire
Tout étant dans cet état, M. de Montfort pensa que pour
donner plus d'éclat[140] à ce grand œuvre et plus
de gloire à Jésus-Christ, il fallait faire une bénédiction solennelle du
calvaire. Il avait choisi pour cette cérémonie le jour de l'exaltation de la
sainte Croix, 14 du mois de septembre. On était à la veille, tout était
préparé. Quatre excellents prédicateurs avaient été choisis pour prêcher aux
quatre extrémités[141] de la mystérieuse colline.
Les processions étaient désignées. Toutes les bourgades d'alentour pouvaient à
peine suffire pour loger les pèlerins. La dévotion pénétrait[142] tous les cœurs et la
joie était universelle,[143] lorsque sur les quatre
heures du soir, M. de Montfort reçut, de la part de Monseigneur l'Evêque de
Nantes, une défense de bénir le calvaire. Le bruit s'en répandit bientôt et la
consternation fut générale. Le saint homme à qui le coup devait être plus
sensible fut celui qui le reçut avec le plus de tranquillité. Il se détermina
cependant à partir le soir même pour Nantes. Il marcha toute la nuit et arriva
à six heures du matin. Il sollicita la révocation de la défense, mais il trouva
le prélat inexorable. Il repartit donc sur le champ pour venir rejoindre[144], le peuple qui
l'attendait dans les sentiments que
l'on imagine aisément, et qui, entre la crainte et l'espérance, ne s'occupait
qu'à satisfaire sa dévotion. Elle ne fut point dérangée par la suppression de
la sainte cérémonie à laquelle on s'était attendu. La présence et le zèle de M.
de Montfort ranimèrent la ferveur dans tous les cœurs. Toute cette journée se
passa dans les exercices de la piété la plus tendre et la plus affectueuse à la
vue du calvaire et au pied de la croix où se trouvaient rassemblés, avec le
peuple du lieu, plusieurs milliers de pèlerins. Deux des quatre prédicateurs
désignés prêchèrent, et à la réserve de la bénédiction, tout le reste se fit à
peu près comme il avait été projeté.
Le dimanche suivant, l'homme apostolique ouvrit la mission
de St Molf, paroisse éloignée de quatre lieues de Pontchâteau. Une
contradiction encore plus humiliante que celle qu'il venait d'essuyer l'y attendait.
Ce fut l'interdit /53/ qui lui fut signifié dès le quatrième jour. M. Olivier
dont M. de Montfort s'était séparé quelque temps auparavant nous apprend que ce
fut lui-même qui fut chargé de lui porter cette triste nouvelle.
Ce n'était encore là que des commencements par où Dieu
voulait affermir la constance de son serviteur, contre une épreuve qui en fit
véritablement le héros de la croix, et, dans un sens très véritable, une
victime du calvaire. Le calvaire[145] qu'il venait d'élever à
Pontchâteau avait déplu à un de ces hommes suscités de l'enfer pour empêcher ce
qui peut contribuer à la gloire de Dieu et au salut des âmes. Cet[146] ennemi de la croix avait
déjà fait, par lettres, des tentatives auprès du seigneur du duché de la
Bretèche pour l'engager à défendre de construire ce calvaire dans son fief,
mais n'ayant pu réussir de ce côté-là, il écrivit à M. le maréchal de Château-Renault,
alors commandant en Bretagne, et lui marqua :
«Que M. de Montfort et ses missionnaires se faisaient suivre
de tout le monde ; que sous prétexte de dévotion, ils faisaient une forteresse
environnée de douves et de souterrains, que les ennemis pouvaient s'y loger en
cas de descente ... » L'affaire fût incontinent portée en cour et après
quelques informations envoyées par des personnes ou mai instruites, ou mal
intentionnées, l'ordre absolu de démolir le calvaire fut expédié. Le commandant
de la milice du canton fut chargé de le faire exécuter, et pour cet effet il
convoqua des paroisses circonvoisines un grand nombre de travailleurs qui
devaient apporter avec eux les outils nécessaires pour la démolition. On avait
eu soin de leur laisser ignorer à quoi l'on voulait les employer, de sorte que
leur surprise fut extrême et leur douleur sans égale lorsqu'on leur annonça
qu'il fallait démolir le calvaire. Dans le moment les outils leur tombèrent des
mains ; mais forcés[147] de les reprendre pour
aller à l'ouvrage, ils se mirent tous à genoux devant la croix, les larmes aux
yeux et le cœur navré de tristesse.
Il fallut néanmoins commencer[148] à travailler ; mais on ne
trouva plus en eux l'activité avec laquelle ils s'étaient portés à élever le
monument qu'on leur faisait détruire, et ces mêmes hommes qui, quelques mois
auparavant, avaient paru avoir des bras de fer pour élever le calvaire, n'avaient
plus que des /54/ bras de laine quand il fut question de l'abattre.
Deux Jours s'étaient déjà passés et rien n'avançait sensiblement
quoi qu'on employât, chaque jour, près de quatre à cinq cents travailleurs.
Enfin l'officier s'avisa d'un expédient qui lui réussit. Il ordonna qu'on sciât
la croix. Alors[149] toutes ces bonnes gens
voyant que le Christ ne pouvait manquer de se rompre. dans la chute, s'offrirent
de monter pour le descendre, ce qui fut exécuté. Rien ne représentait mieux la
descente de la croix telle qu'on la peint[150] dans les images. Tandis
que les uns faisaient l'office de Joseph d'Arimathie et de Nicodème, tout le
reste du peuple était à genoux, et exprimait sa douleur par ses larmes et ses
sanglots. On descendit aussi les figures du bon et du mauvais larron. Toutes
les figures furent déposées d'abord dans une maison à Pontchâteau, et quelques
années après dans une chapelle à Nantes, d'où elles furent enfin retirées pour
être remplacées sur le calvaire ainsi que nous le dirons dans la suite. Environ
la moitié de la montagne ayant été démolie, et une partie des fossés ayant été
comblée, on fit enfin, après trois mois, discontinuer la démolition.
86 ‑ M.
de Montfort en retraite chez les Pères jésuites
M. de Montfort ne put s'empêcher d'être sensible à un
événement qui le couvrait d'une confusion publique ; mais il la reçut avec sa
douceur et sa patience ordinaire, et. trouvant sur son calvaire une croix à
laquelle il ne S'était pas attendu, il ne pensa plus qu'à s'y laisser attacher
comme son divin Maitre, content de souffrir et de pouvoir planter la croix dans
son cœur, sans se permettre aucun murmure, ni laisser échapper aucune plainte.
Quelques jours avant que l'ordre de démolir le calvaire eût été expédié, on lui
avait donné avis du coup qu'on méditait. «Dieu soit béni à jamais, répondit-il,
je n'ai point cherché ma gloire, mais uniquement celle de Dieu. J'espère en
avoir la même récompense que si j'avais réussi. » Quand l'ordre lui en eut été
notifié, il n'en perdit rien de sa paix et de sa sérénité ordinaire, mais il se
retira chez les Jésuites de Nantes, pour y faire une retraite de huit jours et
se consoler avec Dieu. Voici comme en parle le Père de Préfontaine qui était
pour lors un des directeurs de cette maison. «M. de Montfort y entra, dit-il je
le /55/ reçus sans que j'eusse pu m'apercevoir qu'il lui fût arrivé le moindre
chagrin. Il me parla comme à son ordinaire, et ne me fit jamais paraitre la
moindre émotion dans ses paroles ni même sur son visage. Comme cet ordre fit
grand bruit à Nantes et aux environs nous en fûmes bientôt instruits. J'en
parlai à M. de Montfort. Il «me confirma ce qui se disait, mais sans qu'il lui
échappât la moindre parole de plainte ou de mécontentement «contre ceux qu'il
avait raison de soupçonner de lui avoir attiré un ordre si positif et si peu
attendu. Cette paix, cette tranquillité, cette égalité d'âme dont il ne se
démentit pas d'un seul moment pendant huit jours me surprit. Je l'admirai. Ce
que j'avais vu et ce que j'avais su de lui me l'avait fait regarder jusqu'alors
comme un grand homme de bien, mais cette patience, cette soumission à la
Providence dans une occasion aussi délicate que celle-là, la sérénité, la joie
même qui paraissait sur son visage, malgré un coup si accablant pour lui, me le
firent alors regarder comme un saint et m'inspirèrent des sentiments de respect
et de vénération pour sa vertu, que j'ai toujours conservés depuis et que je
conserverai jusqu'à la mort.»
C'est
le même témoignage que rend dans les mémoires de sa vie un prêtre qui était
pour lors à Nantes, et qui fut le voir pendant son séjour dans la maison de
retraite. «Je ne manquais[151] pas, dit-il, d'aller le
voir une fois le jour. A la première visite que je lui fis, je me disposais à
faire tout mon possible pour le consoler, car je croyais le trouver accablé de
chagrin ; mais je fus bien étonné lorsque je le vis bien plus joyeux et
beaucoup plus content que moi. Je lui dis en riant : vous faites l'homme fort
et généreux, pourvu qu'il n'y ait rien d'affecté, à la bonne heure. ‑ Je ne
suis ni fort, ni courageux, me répondit-il, mais Dieu merci, je n'ai ni peine,
ni chagrin. Je suis content autant qu'homme peut l'être. ‑ Vous êtes donc bien
aise, lui répartis-je, qu'on ait détruit votre calvaire ? ‑ Je n'en suis, me
répliqua-t-il, ni bien aise, ni fâché. Le Seigneur a permis que je l'eusse fait
; il permet aujourd'hui qu'il soit détruit; que son saint Nom soit béni. Si la
chose dépendait de moi, il subsisterait autant que le monde ; mais comme elle
dépend immédiatement[152] de Dieu, que sa volonté
soit faite, et non pas la mienne. Est bien malheureux qui en a d'autre que la
sienne. J'aimerais mieux, ô mon Dieu, mourir mille fois, s'écria-t-il, levant
ses mains[153]
et ses yeux vers le Ciel, que de m'opposer jamais à vos divines volontés.» /56/
Ce qui marque encore mieux la situation de son[154] cœur, c'est que malgré
des humiliations si profondes, il voulut encore au sortir de sa retraite
demeurer plusieurs mois dans la ville de Nantes où il ne pouvait paraître que
dans l'état le plus humiliant, chargé de la confusion qu'il venait d'essuyer,
ne donnant en spectacle qu'un prêtre réputé indigne d'exercer le saint
ministère et qu'on avait cru devoir interdire dans le cours même d'une mission.
JI n'ignorait pas ce qu'on disait de lui, il savait parfaitement
qu'à la réserve d'un petit nombre de gens de bien, il était l'objet des
railleries, des mépris et de la censure de tout le reste ; mais ce fut pour
goûter à loisir toute l'amertume de son calice qu'il voulut y prolonger son
séjour.
87 ‑
L'hospice de la rue des Hauts‑Pavés
Une pieuse dame[155] qui connaissait tout
l'avantage de pouvoir arrêter dans cette ville un homme comme M. de Montfort,
lui offrit un petit hospice dans la rue des Hauts-Pavés. Le saint homme
l'accepta, et il en fit le lieu de sa résidence ordinaire. Il le nomma la
Providence, comme on le nomme encore aujourd'hui. Il le changea ensuite en une
chapelle où il obtint de dire la sainte messe. Elle s'y dit encore
actuellement, et, les dimanches et les fêtes on y récite publiquement le
chapelet, ce qui y attire une grande affluence de peuple. Ce fut là qu'au bout
de quatre ans il déposa les statues du calvaire, comme nous le verrons ci-après.
Ce fut là aussi qu'il forma le projet d'un établissement pour les pauvres
incurables[156].
Ayant remarqué qu'il n'y avait point dans la ville de Nantes de lieu destiné pour
eux[157] et qu'on ne voulait les
admettre dans aucun des hôpitaux, il loua auprès de sa Providence une petite
maison pour en retirer plusieurs, qui étaient hors d'état d'aller mendier leur
pain. Il choisit pour la gouverner[158] deux vertueuses filles
qui voulurent bien se consacrer à cette bonne œuvre. Il leur donna[159] un petit règlement et
leur fit prendre un habit gris, à peu près comme celui des Filles de la
Sagesse. Elles persévérèrent[160] jusqu'à sa mort dans
leur état mais s'étant ensuite écartées des intentions du saint instituteur,
elles se dégoûtèrent et abandonnèrent[161] leurs fonctions charitables
et le genre de vie qu'elles avaient embrassé. L'établissement[162] ne laissa pas de
subsister. On en /57/ confia successivement le soin à plusieurs[163] personnes. On l'a
transféré en différents lieux et il est aujourd'hui dans un état à faire
espérer qu'il sera à jamais un monument de la charité et du zèle du saint
missionnaire qui lui a donné naissance.
En même temps qu'il faisait son établissement des
Incurables, il encourageait Mademoiselle Chappelain à travailler à celui qu'on
appelle de la convalescence, en lui prédisant que cette pieuse entreprise
aurait lieu, qu'elle souffrirait de grandes difficultés, mais qu'enfin
l'établissement subsisterait. On a surmonté les difficultés et l'établissement
subsiste. Nul genre de bien que le saint homme[164] n'imaginât lui-même ou
qu'il ne contribuât à répandre. Il s'était formé depuis peu en France,[165] en différents diocèses
avec l'approbation des évêques, des assemblées de piété qu'on appelait :
Association des amis de la Croix. M. de Montfort qui connaissait[166] les fruits de salut
qu'elles produisaient dans les âmes s'appliquait à les établir avec l'agrément
des curés dans les paroisses où il donnait mission. Il en établit[167] une entre autres, à
Saint-Similien[168], à laquelle il donna des
règlements pleins de sagesse. Il écrivit[169] aussi à tous les
associés une lettre circulaire pour les affermir dans l'amour de la croix.
88 ‑ M. de Montfort fait profession dans le Tiers-Ordre de
saint Dominique
Mais en travaillant pour les autres, il ne s'oubliait pas lui-même.
Il sut profiter du temps qu'il resta à Nantes pour s'appliquer plus
particulièrement aux exercices de la vie intérieure, et au soin de sa propre
perfection. Il composa plusieurs cantiques spirituels, et le zèle qu'il avait
pour la dévotion du rosaire de la sainte Vierge, dont saint Dominique est
l'instituteur, fit qu'il voulut appartenir d'une manière particulière à ce
grand patriarche. Il demanda à être admis dans son tiers-ordre et en fit
profession dans l'église des religieuses de cet[170] Institut[171] à Nantes. La formule qu'il
prononça est datée du 10[172] novembre 1710.
C'est ainsi que les hommes d'une vertu solide et éclairée
adoptent volontiers pour eux-mêmes les institutions autorisées par l'Eglise, et
qu'ils se font un devoir d'inspirer aux autres par leur exemple, le respect et
la confiance que méritent ces pieuses pratiques. Il leur suffit qu'elles les
conduisent à Dieu, et qu'elles fournissent aux fidèles[173] de nouveaux moyens de
sanctification, pour que dès lors, elles leur deviennent recommandables[174]. Au-dessus des faiblesses
ou des préjugés[175] qui font souvent
envisager ces saintes associations sous des faces toutes différentes, ils n'ont
d'autres vues en s'y engageant /58/ que de servir le Maitre commun[176]. Ils aiment à voir le
bien où il est, et à y applaudir partout où ils le découvrent.
89 ‑ Le
débordement de la Loire
Ce fut encore pendant le séjour que M. de Montfort faisait
pour lors[177]
à Nantes, qu'il rendit à cette ville des services importants à l'occasion de la
fameuse inondation arrivée au commencement de l'année 1711. Les voisins de la
rivière de Loire, accoutumés à ses trahisons, savent combien il faut s'en
défier. Ce fleuve inconstant et comme inquiet dans le lit que la nature lui a donné, aime à en sortir et à s'en faire
ailleurs au grand préjudice de ceux qu'il va ainsi visiter malgré eux. Il est
encore bien plus dangereux dans ses grands débordements où il ravage les terres
et ensevelit quelquefois dans un commun naufrage des villages entiers.
Il venait de causer tous ces désastres dans les campagnes
de Nantes, au temps dont nous parlons. Il avait même inondé plusieurs quartiers
de la ville et submergé un de ses faubourgs appelé Biesse. Les pauvres
habitants de ce ‑faubourg qui n'avaient pas eu la précaution de se retirer à
temps ne purent se sauver qu'en montant dans leurs greniers. Mais cet asile qui
les rassurait un peu contre le danger d'être noyés les laissait exposés à
toutes les horreurs de la faim. Il fallait donc leur porter à manger. Les
provisions qu'ils pouvaient avoir étaient ou perdues ou déjà consommées. Le
plus grand embarras n'était pas d'en ramasser pour eux, c'était de les leur
porter au risque de sa propre vie.[178] Personne n'osait
l'entreprendre et ces pauvres gens étaient peut-être perdus sans ressource, si
M. de Montfort ne se fût pas trouvé à Nantes. Il semble en effet que la
Providence n'avait permis qu'il y fit pour lors sa demeure qu'afin de secourir
tant de misérables dans une si affreuse extrémité. Il commence par quêter du
pain et les autres choses nécessaires à leur subsistance. Tout ce qu'il peut y
mettre du sien c'est d'exposer sa vie, et il ne balance pas à le faire. Il
rassemble les provisions qu'il a recueillies, il en remplit des bateaux, il
anime, il encourage les bateliers dont les plus intrépides refusaient d'abord
de lui prêter leur ministère, mais qui enfin persuadés par ses exhortations et
plus encore par son exemple, se jettent dans les barques. Toute la ville
tremblait pour la pieuse flotte. Cependant la voilà qui, à force de rames, et
toujours plus rassurée[179] par la présence de son
saint conducteur[180], arrive /59/ enfin
jusqu'aux maisons de Biesse, qu'on ne pouvait guère distinguer que par les
toits et les cheminées. Le charitable[181] missionnaire jette, par
les cheminées et par les ouvertures des toits, les aliments nécessaires pour
conserver la vie à des hommes pour qui il avait sacrifié la sienne. Nous
apprenons[182]
en écrivant ceci en 1770[183], que le roi[184] toujours sensible aux actions généreuses,
vient d'accorder une récompense à deux curés, pour un trait de courage et de
charité semblable[185]. M. de Montfort avait
reçu tout récemment de la cour et d'un évêque deux disgrâces très humiliantes,
et il n'a jamais aspiré à d'autre récompense qu'à celle dont nous avons tout
heu de croire qu'il jouit maintenant dans le ciel.
Toute la ville de[186] Nantes fut témoin de ce
prodige de zèle charitable. Cependant M. de Montfort fut persécuté à Nantes
comme ailleurs. L'évêque, continuellement obsédé par ses ennemis, persista à ne
le point rétablir dans ses fonctions, quelque persuadé qu'à fût de son mérite
et de sa haute sainteté à laquelle[187] il rendit trois mois
après[188]
un témoignage authentique, par une attestation[189] qu'il lui donna, et dont
en sera bien aise de voir[190] la traduction française
prise sur l'original.
90 ‑ Témoignage de l'évêque de Nantes en faveur de M. de
Montfort
«Nous Gilles de Beauveau, par la grâce de Dieu et du saint
Siège apostolique, évêque de Nantes, conseiller du Roi, en tous ses conseils
etc... Certifions que Messire Louis Marie Grignion de Montfort, prêtre du
diocèse de Saint-Malo, a exercé avec notre permission dans plusieurs paroisses
de notre diocèse, les fonctions d'annoncer l'évangile, d'une manière pieuse et
digne de louange ; qu'il est de bonne vie et mœurs, d'une saine doctrine, d'une
piété et d’une modestie rare. En foi de quoi
nous lui avons donné ce présent témoignage. A Nantes dans notre palais
épiscopal, ce 10 du mois de mai 1713.»
Signé : Gilles, évêque de Nantes,
Et plus bas ............... : Brulé, prêtre chanoine
secrétaire.
[1]
1er
texte : était de le loger
[2]
1er
texte : on voit des pleurs
[3]
1er
texte : dans le cœur dé ses compatriotes
[4]
1er
texte : un grand crucifix
[5]
1er
texte : très belle, se trouvait
[6]
1er
texte : l'homme ennemi
[7]
1er
texte : à laquelle il
[8]
1er
texte : que Dieu y
[9]
1er
texte : c'était en effet
[10]
1er
texte : suivi d'un nombre
[11]
1er
texte : pour les contenir
[12]
1er texte : entretenait une troupe
[13]
1er
texte : se tenant
[14]
1er
texte : le chapeau sous le bras
[15]
1er
texte : un mot barré, illisible, au-dessus duquel : indirectement
[16]
1er
texte : l'évêque
[17]
1er
texte : il ne resta d'interdits que ses
accusateurs
1er
texte : il ne resta de bien à ses ennemis...
[18]
1er
texte : 1er texte : s'y signalèrent par...
[19]
1er
texte : dont nous avons parlé ci-dessus
[20]
1er
texte : lui donne se malédiction
[21]
1er texte : Voyez
[22]
1er
texte : il fut défendu à M. Grignion
[23]
1er
texte : Ce fut alors qu'il
[24]
1er
texte : Elle était de la paroisse
[25]
1er texte : M. de Montfort
[26]
1er texte : pour I’ assassiner
[27]
1er
texte : Ce ne fut pas la seule action de
zèle qu'il fit pendant le cours de la mission de Saint-Similien. En revenant
un jour
[28]
1er
texte : de plus près
[29]
1er
texte : il aperçut une table marquée de… (illisible) de blanc et noir
[30]
1er
texte : coururent
[31]
1er
texte : tout mon sang
[32]
1er texte : On se rendit
[33]
1er texte : quelque
[34]
1er texte : en i
[35]
1er texte : pour
[36]
1er
texte : donner quelque chose au préjugé
[37]
1er texte : mais enfin
[38]
1er texte : la belle épitaphe
[39]
1er
texte : de marbre
[40]
1er
texte : différente de celle qu'on
lit sur son tombeau
[41]
1er
texte : mais à la fin
[42]
1er
texte : je tiens
[43]
1er texte : m'a raconté
[44]
1er
texte à tomber : d'abord barré, puis repris
[45]
1er texte : dans cette
[46]
1er texte : m'a assuré
[47]
1er
texte : pendant un temps
[48]
1er
texte : le saint homme en passant parce
bourg en témoigna sa douleur. Au-dessus des mots barrés on lit
maintenant : saisit une occasion, mais le 1er texte a conservé les mots ‑ en témoigna, au lieu de : d'en
témoigner.
[49]
1er
texte : les habitants principaux
[50]
1er texte : la difficulté
[51]
1er texte : devant lui
[52]
1er
texte : cette pratique
[53]
1er
texte : celle de la
[54]
1er
texte : celle-ci
[55]
1er
texte : eut le plus heureux
succès
[56]
1er
texte : lui-même
[57]
1er
texte Cependant M. l'abbé Barin
[58]
1er
texte : l’engageassent
[59]
1er
texte : à tout le diocèse
[60]
1er
texte : un mot barré illisible
[61]
1er
texte : était encore en chaire
[62]
1er texte : le curé
[63]
1er texte : pasteur
[64]
1er
texte : la plus grande modestie
[65]
1er texte : Cependant il continua
[66]
1er
texte : jusqu'au lieu du Calvaire
[67]
1er texte : lui-même
[68]
1er
texte : trop sage et trop
éclairé
[69]
1er
texte : et s'attacha à lui
[70]
1er
texte : dans
[71]
1er
texte : de faire réciter cette prière qui
en était un des exercices
[72]
1er
texte : après avoir parlé de l’excellence
de cette dévotion ... une première correction portait : après en avoir relevé l'excellence
[73]
1er
texte : ses plus grands ennemis
[74]
1er
texte : De la Chevr.
[75]
1er
texte : M. de Montfort
[76]
1er
texte : Des ratures rendent illisibles le commencement du 1er texte, qui
continue : les personnes riches et nobles
de la ville de Nantes ont des maisons dans cette paroisse qui n'en est qu'à
deux lieues. Tout le monde donna des marques d'une véritable conversion
‑
dans le texte actuel on lisait d'abord : la
ville de Nantes
[77]
1er
texte : Le saint (après correction : notre
saint missionnaire jugea à propos
[78]
1er
texte : il commença par y
[79]
1er
texte : Ce fut pendant cette mission que
Dieu, à la prière de M. de Montfort, récompense d'une manière bien surprenante la
foi et peut-être aussi l'obéissance du
frère Pierre, l'un de ceux oui étaient à son service. Voici en quels termes
rapporte ce fait un prêtre qui en fut témoin. «Ce pauvre frère, dit-il, était si accablé...»
[80]
1er
texte : exercer
[81]
1er texte : de jurons
[82]
1er
texte : leur faisant
[83]
1er
texte : qu'on appelait dès lors
[84]
1er
texte : un guide pour…
[85]
1er
texte : faisant suite à la phrase précédente : Si la mission était considérable, les fruits n'en furent que plus
abondants. On peut en juger par ce trait
[86]
1er
texte : faisant suite à la phrase précédente : Il n'en fallait pas tant pour enflammer (avant correction : pour allumer) le zèle dont M. de Montfort brûlait toujours pour le lieu saint.
[87]
1er
texte : de gémir
[88]
1er
texte : un mot barré illisible
[89]
1er texte : selon leur pouvoir
[90]
1er
texte : sur chacune des grandes
[91]
1er
texte : plus de deux lignes
barrées, dont seule la première partie est lisible : comme la plupart des pavés étaient brisés et détachés aussi bien que
les tombes...
[92]
1er
texte : un mot barré illisible, puis : sans demander d'autres préparatifs
[93]
1er
texte : chacun mit les...
[94]
1er
texte : le lendemain
[95]
1er
texte : il fit, comme le jour
précédent…
[96]
1er texte : le jour suivant
[97]
1er
texte : et dont on ne fit point de
suite.
[98]
1er
texte : L'église fut entièrement...
[99]
1er
texte : et l'on ne fit
[100]
1er
texte : le dernier membre de phrase : sans que... substitue la phrase : il n'avait eu d'autre vue que de réussir
dans ce pieux dessein
[101]
1er
texte : faire attention à réformer
quelques abus.
[102]
1er
texte : un mot barré illisible
[103]
1er texte : de ces abus
[104]
1er texte :
dans les temples du Seig. Autorise-t-il
[105]
1er texte :
de
les placer
[106]
1er texte :
de
les faire graver
[107]
1er texte :
n'y aurait-il maints
autres moyens
[108]
1er texte :
ou
[109]
1er texte :
d'attenter
[110]
1er
texte : ne fit d’abord que rire
[111]
1er
texte : Il leur fit voir
[112]
1er
texte : et M. de Montfort
[113]
1er texte : aux divins offices
[114]
1er
texte : se souleva
[115]
1er texte : celui-ci
[116]
1er
texte : était venu
[117]
1er
texte : qu'il avait faite
[118]
1er
texte : ainsi qu'on l'a dit dans son
lieu
[119]
1er
texte : à son calvaire
[120]
1er
texte : les grands avantages spirituels
qu’ils tireraient de ce calvaire.
[121]
1er
texte : et commença lui-même à
[122]
1er
texte : et y travaillèrent en si grand
nombre qu'il
[123]
1er
texte : leur circuit de cinq cents
pieds en dedans et de six cents en dehors
[124]
1er texte : sur des hottes
[125]
1er
texte : pendant
[126]
1er
texte : des personnes de
distinction
[127]
1er texte : un accord agréable
[128]
1er
texte : le signal de la voix
[129]
1er
texte : d'annoncer la bénédiction
[130]
1er
texte : ce fut
[131]
1er
texte : le saint missionnaire avait
[132]
1er
texte : des piliers de bois qui…
[133]
1er
texte : qui régnait sur toute l'enceinte
[134]
1er texte : avait tout disposé
[135]
1er
texte : de grottes et de jardins
symboliques. En inter ligne,
au-dessus, deux traits de plume qui rendent illisibles un certain nombre de
mots.
[136]
1er
texte : de ce terrain
[137]
1er texte : étaient deux jardins
[138]
1er texte : le jardin
[139]
1er
texte : jusqu’au Saint-Esprit qui
ét.
[140]
1er
texte : un plus grand lustre
[141]
1er
texte : aux quatre coins
[142]
1er
texte : était dans tous
[143]
1er
texte : en interligne au-dessus de : universelle, deux mots barrés,
illisibles
[144]
1er texte : consoler le peuple
[145]
1er
texte : Celui qu'il venait...
[146]
1er
texte : un mot barré, illisible, au-dessus de : cet
[147]
1er texte : mais ayant...
[148]
1er
texte : se mettre à
[149]
1er
texte : après alors, un mot barré, illisible
[150]
1er
texte : tout ce membre de phrase est en interligne au-dessus du premier
texte, qui portait : on en usa de même à
l'égard des figures du bon et du mauvais larron
[151]
1er
texte : je ne manquai pas
[152]
1er
texte : en interligne, un ou deux mots barrés, illisibles.
[153]
1er
texte : ses yeux
[154]
1er texte : du cœur
[155]
1er
texte : de cette ville
[156]
1er
texte : Suit comme premier texte : Sa charité pour, puis : Sa charité
toujours attentive aux besoins des pauvres lui ayant fait remarquer
[157]
1er
texte : point de lieu dans la
ville pour les retirer
[158]
1er
texte : Il en confia le soin à
[159]
1er
texte : Il leur fit
[160]
1er texte : elles persévèrent
[161]
1er
texte : et abandonnèrent avec...
[162]
1er
texte : Cet établissement
[163]
1er
texte : à différentes personnes
[164]
1er
texte : ne fît pas lui-même
[165]
1er
texte : par le zèle de plusieurs
saintes...
[166]
1er
texte : qui connaissait trop
[167]
1er texte : Il établit
[168]
1er
texte : dans la paroisse de
Saint-Similien
[169]
1er
texte : et adressa
[170]
1er
texte : de son Institut
[171]
1er texte : de cet Ordre
[172]
1er
texte : un chiffre barré, probablement un 7
[173]
1er
texte : aux âmes
[174]
1er
texte : Du reste, il leur importe
peu si c’est à des corps religieux ou à d’autres qu'elles doivent leur
naissance. Comme ils ne sont ni à Paul ni à Apollo ni à Céphas mais à
Jésus-Christ seul, ils n’ont d'autres vues que de servir le Maitre commun à
tous
[175]
1er
texte : un membre de phrase barré, illisible
[176]
1er
texte : commun à tous
[177]
1er texte : alors
[178]
1er
texte : personne ne pensait à tour
chercher des vivres, parce qu'on ne voyait pas qu'il fût possible de les leur
porter. M. de Montfort entreprit t'un et l'autre. Il commence par…
[179]
1er
texte : plus rassurée arrive
[180]
1er
texte : que par
[181]
1er
texte : le saint missionnaire
[182]
1er
texte : nous apprenons, barré,
puis au-dessus: venons d'apprendre, barré
à son tour, pour permettre de reprendre :
apprenons
[183]
1er
texte : au mois de juillet 1770
[184]
1er
texte : vient, barré; au-dessus
un mot barré, illisible puis, dans le même interligne de nouveau : vient
[185]
1er
texte : pour une action assez semblable.
[186]
1er
texte : deux mots barrés, illisibles ; au-dessus: Toute la
[187]
1er
texte : à qui
[188]
1er
texte : il rendit dans la suite
[189]
1er
texte : un témoignage authentique, comme
il parait qu'il lui donna
[190]
1er
texte : et dont nous allons donner
la traduction