Besnard 07 pp 406-465
Life > Besnard
LIVRE SEPTIEME
Ce fut au commencement
de l'hiver de l'année 1714, que M. de Montfort partit de Rennes pour se rendre
à La Rochelle. Il comptait /187/ qu'aux incommodités de la saison se
joindraient des humiliations et des croix. Son espérance fut trompée. Il ne
trouva sur la route que des marques de la vénération publique. De tous côtés[1] on courait à lui pour lui
demander sa bénédiction, et lorsqu'il arrivait dans quelques-uns des endroits
où il avait travaillé, le nombre des personnes qui l'environnaient était
quelquefois si grand qu'il ne s'arrêtait point et se contentait de leur dire -
«Mes petits enfants, mes chers enfants, je souhaite que le Seigneur vous
bénisse et qu'il[2]
vous fasse tous des saints.» Si de temps en temps la gloire de Dieu demandait qu'il
séjournât dans un lieu, ü était obligé pour se dérober à la multitude de partir
longtemps avant le jour ; encore s'en trouvait-il qui venaient l'attendre à la
porte, pendant presque toute la nuit, afin d'avoir la consolation de lui dire
adieu[3]. Ils le conduisaient
ensuite le plus loin qu'ü leur était possible[4], et ils ne le laissaient
qu'avec les[5]
témoignages les plus touchants[6] de leur tendresse et des
plus sensibles regrets, pensant que peut-être il ne serait plus accordé[7] de le revoir[8]. «J'ai vu plusieurs fois,
dit le frère qui l'accompagnait dans son voyage, des personnes, même très
considérables, de tant loin qu'elles l'apercevaient, mettre pied à terre et se
prosterner à genoux à ses pieds, le suppliant de leur donner sa bénédiction.»
Enfin il arriva[9]
à La Rochelle après un voyage de plus de trois cents lieues et de plus de six
mois, l'esprit aussi recueilli et aussi uni à Dieu que s'il eût passé tout ce
temps dans une oraison continuelle.
146 - Le projet des écoles à La Rochelle
La première chose dont
il s'occupa en arrivant fut de chercher des fonds pour l'établissement des
écoles chrétiennes qu'il voulait faire, l'un pour les petits garçons, l'autre
pour les petites filles, séparément et gratuitement. M. l'évêque qui, par la
haute idée qu'il avait de la vertu du serviteur de Dieu, se portait avec ardeur
à tout ce qu'il lui proposait pour l'avantage et le salut de son troupeau,
avait déjà approuvé son projet ; mais surtout l'établissement des Filles de la
Sagesse lui était si agréable qu'il voulut y contribuer avec une libéralité
digne de son grand zèle, et déclara à M. de Montfort qu'il en prenait /188/
tous les frais sur son compte, lui témoignant le désir qu'il avait de les voir
arriver à La Rochelle. En conséquence, le nouvel instituteur écrivit à la sœur
Trichet qui était[10] encore à l'hôpital
général de Poitiers et lui manda[11], conformément à ce qu'il
lui avait déjà marqué six mois auparavant, qu'elle eût à lever tous les
obstacles qui pourraient retarder son départ, afin d'être en état de partir au
premier signal qu'il lui donnerait.
147 - Quelques petites missions
Cependant, toujours
impatient de travailler pour le salut des âmes, il pensa à reprendre le cours
de ses missions. Loir et le Breuil de Magné, furent d'abord le théâtre de son
zèle[12]. De là il passa à l'île
d'Aix, à trois lieues en mer de La Rochelle. Cette île, devenue si célèbre par
la conquête qu'en firent les Anglais en 1757 (? ) avec une flotte des plus
formidables, à laquelle elle opposa un bataillon de milice, peut bien avoir une
lieue de long sur une demi-lieue de large. Le saint missionnaire y trouva une
ample matière à ses travaux, et il eut la consolation de voir qu'ils n'étaient
pas inutiles. Il y prêcha à sa manière ordinaire, c'est-à-dire que, sans aucun
retour sur lui-même, il ne se proposa dans ses discours que la gloi
re de Dieu et
la conversion des pécheurs. Il s'insinua si bien dans l'esprit des officiers
qui y commandaient, qu'ils obligèrent tous les soldats à assister aux exercices
de la mission et qu'ils leur en donnèrent l'exemple. Les habitants n'étaient
pas moins assidus à s'y rendre. Le son de la cloche était pour tous comme un
bruit de guerre, qui ne permettait pas le moindre retardement. En un mot, on ne
vit jamais plus de ferveur, d'empressement, d'assiduité ; aussi les succès de
l'homme apostolique surpassèrent presque ses espérances. Nos militaires surtout
lui donnèrent la plus sensible consolation. L'ardent désir d'expier leurs
péchés leur faisait rechercher des instruments de pénitence, mais ils
manquaient d'argent pour en acheter. Le serviteur de Dieu, encore plus pauvre
qu'eux, ne pouvait leur en fournir à tous. Il imagina un expédient ;ce fut
d'aller lui-même de porte en porte quêter des cordes pour leur en faire des
disciplines. Elles ne leur furent pas inutiles et on les trouva plus d'une fois
occupés à en faire usage, se retirant pour cela derrière l'église dans le
silence de la nuit.
M. de Montfort n'employa à cette mission que
trois semaines, ou même quinze jours, ce temps pouvant suffire à raison du
nombre des habitants qui ne montait pas à plus de cent.
Deux autres paroisses,
dans les terres, imploraient son secours et ce n'était pas sans besoin. Cependant
la saison était extrêmement rude et le froid excessif. Il fallait sortir de
l'île et se mettre en mer. Le vaisseau de transport se trouva tout couvert de
glace ; n'importe, le temps pressait, on s'embarqua. Un vent de nord des plus
piquants soufflait avec violence, et les passagers ne pouvaient y tenir. Les
uns étaient obligés de descendre à fond de cale, les autres, quoi qu'auprès
d'un bon feu, se sentaient encore tout glacés. Pendant ce temps-là, M. de Montfort
restait sur le pont sans penser à se garantir de la bise, chantant des
cantiques profitant de ce moyen de faire souffrir son corps, sous prétexte de
n'être pas incommode à ceux qui tâchaient de se réchauffer. Le soir la marée
tomba, et il fallut encore rester ainsi sur le sable jusqu'à son retour. Ils
arrivèrent enfin, et M. de Montfort ne fut pas plus tôt sorti de la barque
qu'il prit sa route vers deux paroisses qui avaient également besoin de son
secours. La première où il s'arrêta fut Saint-Laurent-de-la Prée. De là il
passa à Fouras qui n'en est distant que d'une demi-lieue.[13]
La triste peinture
qu'on lui avait faite de l'état de ces deux paroisses[14] l'avait sensiblement
touché, et malgré la rigueur de la saison il y alla[15] annoncer la parole de
Dieu, les préférant même[16] à plusieurs autres où il
était demandé et désiré avec empressement,[17] où il aurait eu un plus
grand nombre d'auditeurs, et où il eut été mieux pourvu des choses nécessaires
à la vie. Ce dernier avantage était ce qui l'occupait le moins, et même ce
qu'il craignait le plus ; et pour ce qui est du privilège si flatteur[18] d'être suivi de[19] la foule, jamais il ne
l'ambitionna. Qu'il y eût peu ou beaucoup de monde à ses prédications, tout lui
était égal, il ne cherchait que la gloire de Dieu et il savait que la gloire de
Dieu se trouve dans le salut d'une seule âme.
Quoique l'hiver eût[20] rendu les chemins[21] presque impraticables[22], ils disparaissaient sous
ses pas par l'ardeur qui le conduisait au terme. A peine y fut-il arrivé qu'il
comprit tout ce qu'il aurait à faire et à souffrir[23]. Il l'éprouva[24] d'abord à
Saint-Laurent-de-la Prée. De là[25] il passa de suite à
Fouras[26]. Il y trouva une église
dans le plus pitoyable état[27], toute décarrelée, et où il
n'était pas possible de faire décemment l'office divin ; une sacristie sans
ornements, sans linges : un peuple extrêmement grossier, bouché on ne peut pas
plus, dur, féroce, insensible, sans mœurs, sans instruction, d'autant plus
/191/ à plaindre que depuis longtemps il n'avait personne qui pût, ou qui
voulût, lui rompre le pain de la parole. On le logea lui et les siens[28] dans un vieux[29] galetas tout délabré,
qu'on y montre encore aujourd'hui comme ayant servi de demeure à M. de Montfort
pendant la mission, et où ils étaient tellement exposés aux injures de l'air
que le matin[30]
ils trouvaient leurs lits tout couverts de neige.
Les habitants du lieu
portèrent d'abord l'intérêt et l'ingratitude au point de les laisser manquer du
nécessaire, en sorte qu'il fallût que le saint missionnaire empruntât
quelqu'argent d'un petit marchand pour faire subsister ceux qui étaient avec
lui ; car pour ce qui était de lui-même, il pensait si peu à la nourriture qu'après
avoir prêché, confessé et travaillé tout le jour, il ne mangeait souvent qu'un
morceau de pain vers le soir, pour réparer un peu ses forces et soutenir un
reste de vie qui semblait lui être à charge, tant il paraissait indifférent
pour tout ce qui pouvait la lui conserver.
Malgré un si dur
abandon, son zèle ne se ralentit point. Il redoubla même à la vue de la stupide
insensibilité de ce peuple. Il prêcha avec tant de feu, tant d'énergie la
nécessité de faire pénitence, et de la faire sans délai, qu'au bout de quelques
jours on le regarda comme un prophète, envoyé pour annoncer les vengeances de
Dieu contre ceux qui ne profiteraient pas des jours de sa miséricorde. Il se
fit un changement merveilleux dans tous les habitants de cette paroisse. Il leur
apprit à s'approcher dignement des sacrements de pénitence et d'eucharistie, et
ils n'avaient pas plus tôt commencé à ouvrir leurs cœurs aux vérités du salut,
qu'on vit en eux des hommes tout nouveaux. Le reste de la mission M. de
Montfort n'eut qu'à se louer de leur assiduité, de leur ferveur et de leur
docilité à prendre tous les moyens qu'il leur prescrivait pour assurer leur
conversion. La récitation du rosaire n'y fut pas oubliée. Les grandes
réparations qu'il fit faire dans leur église, la propreté[31], /192/ l'arrangement
qu'il rétablit[32]
dans leur sacristie et les ornements dont il la fournit, le mirent à même de
célébrer les divins offices avec une décence qu'ils n'avaient jamais vue et qui
les ravissait d'admiration.[33] Il se donna les mêmes
soins pour l'église de Saint-Laurent-de-la Prée et fit renfermer les cimetières
des deux paroisses qui étaient profanés de la manière la plus scandaleuse. La
procession générale qui fit la clôture de ces petites missions, en réunissant
les deux peuples, pensa diviser les pasteurs. L'un et l'autre prétendaient à[34] l'honneur d'y porter le
Saint-Sacrement. La contestation fut longue et les paroissiens respectifs
paraissaient y entrer, lorsque M. de Montfort[35] trouva le moyen de la
terminer à la satisfaction de l'un et l'autre parti[36]. Il fit[37] faire le reposoir au
milieu du chemin dans l'endroit qui séparait les deux paroisses, et il fut
convenu entre messieurs les curés, que l'un prendrait le Saint-Sacrement dans
son église[38]
pour le porter processionnellement jusque sur l'autel qu'il avait fait
préparer, et que l'autre le prendrait sur ce même autel pour le porter dans son
église où la procession devait finir[39].
Un homme si pacifique
n'était pas né, ce semble, pour avoir des ennemis. Il en eut cependant toute sa
vie, parce que, toute sa vie, il fit la guerre au monde et au démon. Ce qui
surprendra ici, c'est que parmi les ministres évangéliques qu'il associait à
ses travaux, il s'en soit trouvé un qui se soit déchaîné contre lui avec une
fureur dont nous n'avions presque point[40] encore vu d'exemple. Ce
fut dans le cours des deux missions dont nous venons de parler, que cet homme
d'iniquité[41]
ne cessa de répandre contre le serviteur[42] de Dieu les plus
affreuses calomnies, jusqu'à dire «qu'il vendait les sacrements..., qu'il était
sorcier ... ». Un autre prêtre qui entendit ces discours abominables[43], en fut si indigné qu'il
se crut obligé d'en donner avis à M. de Montfort, afin qu'il le chassât de sa
compagnie ; mais le saint homme fit réflexion que Jésus-Christ avait bien
souffert Judas dans la sienne. Ainsi non seulement il ne voulut pas l'éloigner,
mais il continua à lui donner des marques de l'amitié la plus sincère, le
combla d'honnêtetés, et n'en eut que plus d'égards et d'attention pour sa
personne.
148 - Prédication dans la ville de La Rochelle
Au milieu de tant
d'occupations, il n'oubliait pas l'établissement des Filles /193/ de la Sagesse
et des écoles chrétiennes. Il pensa qu'ü était temps de prendre des mesures
plus prochaines pour le succès[44] de ce[45] grand ouvrage et d'en
accélérer l'exécution. Il reprit donc le chemin de La Rochelle et arriva assez
tôt pour y célébrer la fête de la Purification. Il prêcha le matin dans
l'église des R. P. Dominicains. C'était ses délices de parler de la sainte
Vierge, et il le fit ce jour-là avec un zèle et une action[46] qui produisirent un
prodige. Pendant le sermon, son visage, quoi qu'effacé par ses fréquentes
infirmités et ses grandes austérités, parut si vif, si enflammé, si brillant
que ceux même qui vivaient tous les jours avec lui ne le reconnurent qu'à la
voix, quoi qu'ils fûssent assez près. Cet événement augmenta[47] les sentiments d'estime[48] et de vénération que
toute la ville avait pour lui. On venait le consulter avec cette confiance
qu'on a pour les décisions d'un homme rempli de la science des saints. Un mot
de sa bouche portait la paix dans les consciences. Le temps qui lui restait
après les fonctions de son ministère suffisait à peine pour répondre aux
personnes qui venaient lui demander des[49] avis, soit pour se
décider dans les cas où elles se trouvaient embarrassées, soit pour savoir ce
qu'elles pouvaient faire[50] de plus agréable à Dieu,
dans le désir sincère où elles étaient de se donner entièrement à lui. Car
après avoir ramené les pécheurs dans les sentiers de la pénitence, il avait la
consolation d'en voir un grand nombre marcher avec ferveur dans les voies de la
perfection.
Il y était trop versé
pour n'être pas en état d'en faire des leçons aux personnes mêmes qui y sont
engagées par état, et nous avons vu que, malgré ses travaux immenses, ü se
prêtait volontiers à une fonction qui peut-être serait moins négligée si l'on
faisait bien attention[51] combien il doit être
agréable à Jésus-Christ de lui attacher plus étroitement des âmes qui l'ont
spécialement choisi pour leur partage, et qu'il daigne honorer du titre de ses
épouses. Ce fut dans ces sentiments qu'il se rendit aux pieux[52] désirs des /194/
religieuses de la Providence, qui lui demandèrent de donner dans leur église
les exercices de la retraite. Il s'en acquitta avec un succès qui répondit aux
espérances qu'on en avait conçues ; mais outre les fruits que cette œuvre[53] de son ministère ne
manquait jamais de faire naître, il en recueillit un auquel il n'avait pas[54] lieu de s'attendre, ce
fut l'acquisition d'un missionnaire qui depuis a fait tant d'honneur à la
société de Marie.
149 - La vocation de M. Adrien Vatel
Messire Adrien Vatel,
prêtre du diocèse de Coutances dont nous avons parlé ci-dessus, digne élève de
M. Desplaces instituteur du séminaire du Saint-Esprit, s'était embarqué pour
passer dans les missions étrangères. La frégate qui le portait ayant mouillé
dans la rade de La Rochelle, il mit pied à terre dans le dessein d'aller
consulter M. l'évêque sur un cas qui l'embarrassait. Il ne s'agissait pas moins
que de la validité[55] de sa mission, s
ur laquelle
il avait des doutes bien fondés. Il connaissait le prélat pour être un des plus
habiles théologiens[56] du
royaume. Il voulait donc savoir de lui s'il pouvait travailler dans les pays
infidèles avec les seuls pouvoirs de M. l'archevêque de Paris et de M.
l'archevêque de Rouen, son métropolitain, qui tous les deux les lui avaient
accordés autant qu'ils le pouvaient. Plusieurs graves casuistes lui avaient
décidé que ces archevêques n'ayant point de juridiction dans ces pays éloignés,
les pouvoirs qu'il en avait reçus étaient insuffisants et qu'il fallait qu'il
les reçut du Pape, qui seul a une juridiction illimitée sur toute la
chrétienté. Il était[57] dans
cette perplexité lorsqu'il débarqua[58] à La
Rochelle.
La première personne
dont on lui parla ce fut M. de Montfort. La nouvelle de son séjour dans cette
ville lui fit un extrême plaisir. «J'irai le voir, disait-il en lui-même, et
lui demander de ses cantiques pour chanter pendant ma navigation.» S'étant
informé dans quel endroit il pourrait le trouver, on lui dit qu'il commençait
une retraite publique dans l'église des religieuses de la Providence, et que c'était
l'heure où il allait monter en chaire. Aussitôt /195/ il court pour l'entendre.
D'abord il ne fut pas bien content du sermon, et il roulait dans son esprit[59] que le discours ne
répondait pas à la réputation du prédicateur, lorsque M. de Montfort s'arrêta[60] tout à coup, puis[61] dit : «Il y a ici
quelqu'un qui me résiste, je sens que la parole de Dieu me revient ; mais il ne
m'échappera pas.» Ces paroles[62] frappèrent M. Vatel aussi
fort que si elles lui (eussent) été adressées nommément. Le sermon fini, il
alla[63] trouver[64] M. de Montfort qui dans
le moment[65]
lisait une lettre d'un prêtre qui lui avait promis de venir travailler avec lui
et qui s'en excusait. Sitôt qu'il aperçut[66] M. Vatel, «Bon, dit-il,
voilà un prêtre qui me manque de parole, le bon Dieu m'en envoie un autre. Il
faut, Monsieur, ajouta-t-il que vous veniez avec moi, nous travaillerons
ensemble. » M. Vatel répondit que la chose n'était pas possible, parce qu'il
allait dans les pays étrangers, et qu'il avait pris des engagements avec un
capitaine de vaisseau, lequel lui avait même avancé cent écus pour acheter des
livres et des ornements. M. de Montfort lui dit : «Allons voir Mgr l'évêque.»
C'était précisément ce que[67] M. Vatel désirait. Cependant,
il proposa au saint missionnaire ses difficultés et ses doutes touchant les
pouvoirs qu'il avait des archevêques de Paris et de Rouen, pour travailler dans
les grandes Indes. Leur invalidité fut bientôt démontrée et M. Vatel convaincu
et gagné. «Mais, répliqua-t-il, les cent écus que je dois au capitaine ? ... »
«Vous voilà bien embarrassé, lui dit M. de Montfort, M. de La Rochelle les lui
rendra bien.» En même temps, il le conduisit chez sa Grandeur. Ce savant
prélat, ayant écouté les raisons de part et d'autre, confirma[68] la décision de M. de
Montfort, conseilla à M. Vatel de rester[69] pour travailler avec lui,
et lui donna les pouvoirs nécessaires. Ensuite il trancha la dernière difficulté
en leur mettant entre les mains cent écus pour satisfaire le capitaine. Celui-ci,
informé qu'on lui enlevait /196/ son aumônier, en fut très mécontent, et jura,
dans les transports de sa colère que, quelque part qu'il trouvât M. de
Montfort, il le tuerait. Le serviteur de Dieu, l'ayant (ap)pris, eut recours à
ses armes ordinaires. Il se mit à prier et pria spécialement pour le capitaine.
Après quoi, il va le trouver, et en l'abordant lui dit simplement «Monsieur, on
m'a dit que vous vouliez m'ôter la vie mais moi, je viens pour vous la donner.»
Il n'avait pas fini[70] que le capitaine se
trouva tout changé et d'une douceur charmante. Il se contenta de dire à M. de Montfort
: «Vous m'avez fait grand tort, je ne sais où prendre un autre prêtre.» Puis
ils s'embrassèrent et devinrent les meilleurs amis. Pour M. Vatel, il sentit
dès lors dans son esprit et dans son cœur une paix et une tranquillité qu'il
n'avait point encore goûtées. Il se mit à travailler avec notre[71] missionnaire. Missionnaire
lui-même, et le premier qui s'attacha pour toujours à lui en cette qualité,
pour commencer la Compagnie que le saint homme méditait depuis longtemps, et
dans laquelle ce premier et fidèle disciple[72] a continué, pendant plus
de trente ans, les travaux apostoliques selon l'esprit et la méthode de son
excellent[73]
maître.
150 - Marie-Louise Trichet est invitée à venir promptement à
La Rochelle
Depuis que M. de
Montfort était retourné à La Rochelle, il avait conféré plusieurs fois avec M.
l'évêque au sujet de l'établissement des écoles chrétiennes et de celui des
Filles-de-la-Sagesse. Ils avaient arrêté[74] de chercher des maisons
convenables pour les objets qu'on se proposait et de faire venir au plus tôt
les Filles-de-la-Sagesse, pour lesquelles on louerait une maison, en attendant que
monseigneur pût en trouver une à acheter. Cette délibération détermina M. de
Montfort à écrire à la sœur Trichet une lettre fort pressante pour l'engager à
se rendre promptement à La Rochelle, dans l'espérance que sa présence servirait
beaucoup à accélérer l'exécution de cette bonne œuvre. «Partez, ma chère fille,
lui dit-il, partez au plus tôt. Le moment que l'établissement des
Filles-de-la-Sagesse doit commencer est enfin arrivé. Je voudrais déjà /197/
vous voir rendue à La Rochelle où je suis présentement ; mais si vous tardez,
vous ne m'y trouverez pas, étant pressé de partir pour une mission.» La sœur
Marie de Jésus, de son côté, montrait autant d'activité que de prudence à lever
les obstacles qui s'opposaient à sa sortie de Poitiers. Ils étaient grands et
en grand nombre. On en peut voir le détail dans[75] sa vie. Enfin, après une
lettre que lui écrivit M. de La Rochelle lui-même pour lui donner les
assurances que M. Trichet son père avait sagement exigées, elle fit ses
dernières dispositions pour partir avec la sœur Brunet, sa compagne.
151 - Taugon-la-Ronde Règlement des Pénitents Blancs
Cependant, M. de
Montfort alla donner[76] la mission à
Taugon-la-Ronde, où la réputation de sa sainteté l'avait précédé. Les
démonstrations extraordinaires de joie et de confiance avec lesquelles il fut
reçu[77] lui annoncèrent les plus
heureux succès, et les conversions sans nombre qu'il y fit remplirent
parfaitement son attente. Cette paroisse, située au milieu des marais, se
ressent encore aujourd'hui des fruits qu'y produisit[78] le zèle de l'homme
apostolique. Toujours attentif à rechercher les moyens de[79] sanctifier[80] les âmes et de les
éloigner des occasions du péché, il y établit deux espèces d'associations,
l'une[81] de pénitents blancs,
l'autre qu'il appela la compagnie des vierges. Voici comment il forma les
premiers. Il réunit ceux qu'il voyait les plus touchés et qu'il espérait mieux
de convertir. Il leur fit[82] des instructions
convenables, surtout pour les retirer des cabarets, des débauches, de l’habitude
de jurer. Il leur donna des règlements à suivre et des exercices de piété à
pratiquer, afin de s'assurer de leur conversion et de les conduire à la
persévérance dans le bien. Les dimanches et les fêtes, ils s'assemblent dans
quelque chapelle, et y font, entre les offices de la paroisse, leurs exercices
particuliers, et à certaines fêtes de l'année ils paraissent à l'église revêtus
d'une aube, dans une place distinguée. Dans les processions ils marchent
modestement deux à deux, ayant à leur tête l'un des associés qui porte une
grande croix de bois. Ce sujet d'édification subsiste encore aujourd'hui dans
plusieurs paroisses, où M. de Montfort a laissé des traces de son zèle. En
voici les règlements : /198/
1° Ils seront de bonne
vie et mœurs et diront régulièrement le rosaire.
2° Ils se confesseront
souvent, surtout les premiers dimanches du mois et les fêtes principales de
l'année.
3° Ils iront quatre
fois l'an en procession, les pieds nus et habillés de blanc.
4° Ils feront chaque
semaine quelque mortification corporelle, suivant leurs forces et l'avis d'un
sage directeur.
5° Ils édifieront les
fidèles de l'un et de l'autre sexe par la[83] pratique des vertus
chrétiennes.
6° Ils n'auront entre
eux aucun procès, et, en cas qu'ils eussent quelques différents à régler, ils
s'adresseront à des personnes prudentes et éclairées pour terminer leurs
affaires et éviter tout procès.
7° Ils n'iront que par
nécessité au cabaret, pour éviter l'occasion du scandale et de la débauche.
8° Si quelqu'un
d'entre eux meurt, ils assisteront à son enterrement, prieront et feront prier
Dieu pour le repos de son âme.
9° Ils s'assembleront
souvent, par l'avis de leur directeur, pour recevoir de lui les instructions
qu'il jugera leur être nécessaires.
10° Nul ne sera reçu
dans la congrégation qu'à la pluralité des voix de chaque confrère.
Rien de plus sage
qu'un pareil règlement. Aussi voit-on[84] dans les lieux où M. de
Montfort a[85]
établi cette confrérie et où elle s'est maintenue, une régularité de mœurs non
moins[86] édifiante pour le public
que consolante pour messieurs les curés, à qui il ne reste que de l'entretenir
par tous les moyens que peut leur suggérer la vigilance pastorale.
152 - La compagnie des vierges
L'autre, association
qu'il forma à Taugon fut celle à qui il donna le titre de la compagnie des
vierges, auxquelles il traça aussi des règles de conduite, des exercices de
piété, et une forme de vie convenable à leur condition. Ces filles vivent chez
elles en particulier, ou dans la maison de leurs parents, ou dans celle
d'autrui, si elles sont en service, sans autre distinction que celle d'une
/199/ grande piété et d'une grande modestie. A certaines fêtes de l'année,
elles paraissent dans l'église de leur paroisse habillées de blanc, avec un
voile, symbole de la pudeur, séparées du peuple, et retirées toutes ensemble
dans la chapelle du rosaire ou autre dédiée à la sainte Vierge, sous quelque
titre que ce soit. Elles marchent dans les processions deux à deux, et portent
sur un brancard l'image de la sainte Vierge, qu'elles honorent spécialement
comme la reine des vierges. Elles font vœu de ne se pas marier, mais elles ne
le font que pour un an. Précaution fort sage, que M. de Montfort crut devoir
prendre pour des filles qui, dans des accès de dévotion, osent tout
entreprendre et tout promettre et qui, se relâchait ensuite, donnent dans une
dissipation qui déshonore la sainteté de leurs engagements. Ce fut donc pour
prévenir cet inconvénient que le prudent missionnaire voulut, que non seulement
on les éprouvât avant de les admettre dans la société, mais encore qu'on ne
leur permît de faire leur vœu que pour un an[87]. De sorte que, ce temps
fini, elles sont entièrement libres de prendre un autre état, de même qu'on
peut en tout temps les chasser de la compagnie, si au lieu de répandre la bonne
odeur de Jésus-Christ elles donnent matière à des discours aussi désavantageux
pour elles que déshonorants pour la religion. Voici en abrégé le règlement
qu'elles observent.
1° Elles ne seront en
nombre que quarante-quatre, et quand quelqu'une par mort ou autrement viendra à
manquer, M. le curé de la paroisse en mettra une autre en sa place, qu'il
connaîtra être sage, de bonnes mœurs, et elle fera vœu pour un an de ne se
point marier.
2° Celles que Dieu
appellera au mariage consulteront leur directeur et, par son avis, le temps de
leur vœu accompli, elles mettront entre ses mains leur voile, leurs bagues,
dont il leur rendra le prix, si elles le souhaitent, et il en sera remboursé
par celles qui prendront leurs places.
3° Elles seront
fidèles à réciter leur chapelet tous les jours et à éviter tout ce qui pourrait
ternir le moins du monde leur pureté et donner la moindre atteinte à la
sainteté de leur état, tels que sont les bals, les danses, les compagnies et
les assemblées de /200/ personnes de différents sexes.
4° Elles
s'assembleront quatre fois l'année à l'église, aux fêtes de l'Annonciation de
la sainte Vierge, de son Assomption, de son Immaculée-Conception, et de la
Purification. Elles communieront ensemble à la grand'messe, habillées de blanc,
et, après vêpres, elles porteront la figure de la sainte Vierge en procession ;
après quoi, elles assisteront à une instruction[88] que leur fera M. le curé
ou autre prêtre, dans la chapelle du rosaire.
5° Elles obéiront
simplement à celle qui sera désignée supérieure et à ses deux assistantes, et
recevront leurs avis avec respect et soumission lorsqu'elles leur ordonneront[89] ou défendront quelque
chose pour le bon ordre de leur compagnie.
6° Si quelqu'une,
après leur avertissement charitable, continue à donner mauvais exemple, on
ôtera son nom du catalogue des vierges et on en mettra une autre plus sage en[90] sa place.
7° Tous les ans elles
renouvelleront leur vœu, pour un an, le jour de l'Annonciation de la sainte
Vierge.
Telles sont les
pieuses observances que M. de Montfort prescrit à des filles qui veulent se
consacrer à Jésus-Christ, sans être séparées du monde par d'autres barrières
qu'une vie plus retirée, une modestie plus exemplaire, un éloignement entier de
ses fêtes dissipantes et de ses plaisirs dangereux. Ces associations de
vierges, consacrées à Dieu sans vivre en communauté, sont très recommandables
et très anciennes dans l'Eglise. On voit dans le troisième concile de Carthage,
tenu en 397, la distinction des vierges consacrées qui vivaient dans des
monastères et de celles qui vivaient[91] dans des maisons
particulières. Saint Grégoire de Tours rapporte qu'aux funérailles de saint
Martin il s'assembla une grande troupe de vierges. Elles n'étaient donc pas
réunies sous la clôture. Mais, pour mettre dans un même point de vue
l'ancienneté de ces chastes associations et un exemple de zèle de M. de
Montfort à les former[92], il nous suffit de
rappeler quelle fut à cet égard la conduite de saint Ambroise, évêque de Milan.
«Il y avait à peine
trois ans qu'il était évêque, dit M. de Fleury, et déjà on le regardait comme
le principal docteur de l'Eglise latine. Sa réputation s'étendait jusqu'en
Mauritanie, et en attirait des vierges qui venaient à Milan recevoir le voile
de ses mains. Il en venait aussi de Plaisance et de Boulogne, et c'était /201/
le fruit des fréquentes exhortations qu'il faisait sur cette matière ; mais
elles avaient moins de succès à Milan où il prêchait. Plusieurs se plaignaient
qu'il relevait trop la virginité et les mères renfermaient leurs filles de peur
qu'elles n'assistassent à ses instructions, ou qu'elles n'allassent se
consacrer entre ses mains. Les discours qu'il avait faits sur cette matière
ayant eu tant de succès, sainte Marcelline, sa sœur, qui avait depuis longtemps
fait vœu de virginité à Rome, l'en félicita par lettre, et le pria de les lui
envoyer, puisqu'elle ne pouvait le venir entendre. Ce fut donc à sa prière
qu'il recueillit en trois livres intitulés: des vierges, les sermons qu'il
avait faits sur ce sujet, dont le premier contient l'éloge de sainte Agnès,
parce qu'il fut prononcé le jour de sa fête. Il y marque que les vierges de
Boulogne étaient au nombre de vingt, qu'elles travaillaient de leurs mains, non
seulement pour vivre, mais pour faire des libéralités, et qu'elles avaient un zèle
et une industrie singulière pour attirer d'autres filles à cette sainte
profession ...
«Dans le troisième
livre il rapporte le discours que le Pape Libère avait fait à sainte
Marcelline, en lui donnant l'habit de vierge dans l'église de Saint-Pierre, le
jour de Noël. Elle ne vivait pas en communauté, mais avec ses parents, comme
plusieurs vierges en ce temps-là. Elles avaient à l'église leur place séparée
par des planches, et on y voyait des sentences de l'Ecriture sainte sur les
murailles pour leur instruction.» (Fleury, Tome 4 de l'Histoire Ecclés. 1. 17.)
Peut-être, en
comparant les vierges[93] de M. de Montfort avec
celles de la primitive Eglise, trouvera-t-on qu'il manque au parallèle un trait
essentiel. En effet,[94] on a déjà remarqué que le
saint missionnaire ne les consacrait que pour un an, et qu'après ce temps elles
étaient libres de prendre un autre état. Mais un vœu, pour être limité à un
nombre de mois ou d'années, n'en est pas moins un acte de religion, surtout
lorsqu'il a pour objet une vertu qui nous[95] élève jusqu'à la
condition des anges, et dont un Père de l'Eglise égale le mérite à celui du
martyre. Celles qui chaque année renouvellent leur engagement, font un nouveau
sacrifice, qui souvent leur obtient la grâce de le continuer jusqu'à ce que /202/
la mort vienne consommer la victime. Les vierges qui renoncent à leurs
privilèges pour embrasser un état que Jésus-Christ a élevé à la dignité de
sacrement, ne doivent pas être réputées du nombre des vierges folles. Si le
monde en pense autrement, ce ne peut être que l'effet de sa malignité. Il
serait même dangereux pour leur salut de continuer[96] plus longtemps un genre
de vie où Dieu ne les aurait pas appelées pour toujours. Elles ont eu pendant
quelque temps le courage de[97] se refuser aux attraits du
monde ; elles ont ensuite assez de fermeté pour ne pas craindre sa censure
quand il s'agit de ne pas pousser plus loin une épreuve qu'elles sentent être
au-dessus de leurs forces, et de ne pas sacrifier au respect humain la place
moins distinguée qu'elles veulent s'assurer dans le ciel. D'un autre côté, la
démarche éclatante qu'elles ont faite en se consacrant peut servir de frein à
l'inconstance et à la légèreté trop naturelle à de jeunes personnes. On craint
de se donner une seconde fois en spectacle. Après avoir occupé dans l'Eglise
une place distinguée avec les vierges, on aurait une espèce de confusion de se
voir confondue dans la foule avec les femmes. Ces motifs, quoique peu
surnaturels, servent au moins de contrepoids à des motifs peut-être encore plus
humains qui pourraient rengager dans le monde. La grâce qui met tout à profit
vient au secours de la volonté irrésolue, la porte vers le parti le plus
favorable à la vertu et lui donne de l'attrait[98] pour un état de
perfection. Enfin, pour quelqu'état que l'on se décide, on a toujours
l'avantage d'avoir édifié par des exercices publics de piété et de religion, de
s'être sanctifiée par le fréquent usage des sacrements, d'avoir reçu des
instructions et d'avoir vu de près des exemples de sainteté dont l'impression
reste toute la vie. Le prudent[99] missionnaire avait pesé
tous ces avantages et avait jugé qu'ils devaient l'emporter sur quelques légers
inconvénients, qui ne doivent jamais arrêter quand il s'agit du plus grand
bien. Aussi fut-il publiquement autorisé par[100] le saint et savant
évêque de La Rochelle,[101] qui non seulement
approuva ses sages règlements mais qui accorda aux pieuses vierges quarante
jours d'indulgence toutes les fois qu'elles s'assembleraient. Enfin, ce qui
justifie parfaitement ces saintes associations ce sont les fruits de dévotion
et de ferveur qu'elles ont produits, et qui ont retracé à notre siècle ce qu'on
avait admiré dans les plus beaux jours de l'Eglise. /203/
153 - Les Filles de la Sagesse arrivent à La Rochelle
L'établissement des
Filles-de-la-Sagesse devait être encore plus édifiant et plus utile. Le saint
empressement de l'homme de Dieu à le voir commencer à La Rochelle l'avait déterminé,
dès les premiers jours[102] de la mission, à envoyer
un exprès à Poitiers pour presser le départ de la sœur Marie-Louise de Jésus et
de la sœur de la Conception, sa compagne. Les obstacles se multipliaient à
chaque instant[103], le moment décisif
semblait les réunir tous. Elles en vinrent heureusement à bout par leur zèle et
leur fermeté, et se mirent en route. Arrivées à Mozai, elles apprirent que
Taugon où M. de Montfort faisait la mission n'était pas éloigné. Elles lui
dépêchèrent le frère Jean[104]. Mais[105] ses occupations ne lui
permettant pas de les aller voir, il se contenta de leur écrire et de les adresser
à La Rochelle à une bonne demoiselle qui leur procura un asile, où elles
demeurèrent jusqu'à ce qu'elles pussent occuper la maison que monseigneur
l'évêque avait affermée pour elles[106], en attendant[107] qu'il leur en eût acheté
une autre plus commode, qu'il leur acheta en effet peu après, et qui était
située vis-à-vis de l'hôpital de Saint-Louis.
L'homme apostolique,
ayant fini la mission de Taugon, se disposa à aller commencer celle de
Saint-Amand, à une lieue de la petite ville de Châtillon, pour laquelle M.[108] l'évêque le pressait
fort. En y allant il voulut passer par La Rochelle, pour voir dans quel état
étaient les choses à l'égard du nouvel établissement des Filles-de-la-Sagesse[109]. Il s'y rendit le lundi
de la semaine sainte 1715 et s'arrêta au petit Plessis, maison de campagne du
séminaire. La sœur Marie-Louise de Jésus et la sœur de la Conception s'y
rendirent aussi pour conférer avec lui sur ce qui concernait les écoles
chrétiennes[110].
Ce fut dans cette occasion qu'il constitua la sœur Marie-Louise de Jésus
supérieure des Filles-de-la-Sagesse, qu'il lui exposa en peu de mots les
qualités nécessaires pour remplir cette place, et que tirant une comparaison
d'un objet qui se présentait à leurs yeux dans le lieu où ils parlaient, il lui
dit : «Voyez, ma fille, voyez cette poule qui a sous ses ailes ses petits
poussins, avec quelle attention elle en prend soin, avec quelle bonté elle les
affectionne. C'est ainsi que vous devez faire et vous comporter avec toutes les
filles dont (204) vous allez désormais être la mère.»
La conversation dura
pendant tout le chemin depuis cette maison jusqu'aux portes de La Rochelle. Elle
fut assez longue ; mais elle parut bien courte à ces vertueuses filles, parce
qu'il ne leur parlait que de Dieu et de leurs devoirs. Il les laissa en
arrivant et se retira[111] à son petit ermitage de
Saint-Eloi, d'où il partit le lendemain pour se rendre à Saint-Amand, où il
devait commencer la mission le jour du vendredi-saint.
154 - La mission de Saint-Amand
Il en porta presque
seul tout le poids[112]. Il est vrai qu'il avait
avec lui M. Vatel et deux autres missionnaires, mais[113] ils ne faisaient pas
autre chose que confesser, de sorte qu'il fut obligé de prêcher tous les sermons
et de faire les conférences. Il lui fallait encore trouver du temps pour bien
des œuvres de charité. Il lui venait[114] tous les matins une
quantité de malades et d'infirmes, attirés par la réputation de sa sainteté et
par l'espérance d'obtenir leur guérison. Il les recevait avec bonté et les
faisait approcher d'un autel sur lequel il plaçait une figure de l'enfant Jésus
qu'il avait coutume de porter dans les missions, et qui est déposée proche son
tombeau à Saint-Laurent. Il leur disait à tous un évangile, et s'ils
guérissaient[115]
par le mérite de leur foi, ils offraient au saint enfant Jésus un petit pain
pour tribut de leur reconnaissance. La cure des maladies de l'âme lui donnait
plus d'occupation encore. Il s'attachait à les connaître pour y appliquer le
remède ; mais parmi bien des abus[116] et des désordres qu'il
eut à combattre, rien ne fournit plus de matière à son zèle que (la)
superstition. On sait que c'en est une bien commune dans les campagnes
d'attribuer au démon et à l'ensorcellement nombre de maladies dont on ne
connaît pas la cause. On amena au saint missionnaire une femme sujette à des
convulsions, accompagnées de quelques autres accidents qui faisaient croire à
tout le monde qu'elle était possédée.[117]
/205/ Il y a sans
doute des possessions véritables et quoique l'ennemi du genre humain exerce[118] beaucoup moins de tyrannie
sur les hommes depuis que Jésus-Christ a détruit son empire, cependant ce n'est
pas contre des chimères que l'Eglise a institué des prières et des cérémonies,
et l'ordre d'exorciste, qui de tout temps a occupé un rang distingué dans la
hiérarchie, suppose nécessairement qu'on peut[119] encore aujourd'hui être
dans le cas de conjurer[120] les opérations de Satan[121]. L'incrédulité aura beau
épuisé toutes les recherches du naturalisme, il est des faits contre lesquels
le naturalisme se trouve toujours en défaut et auxquels l'incrédulité ne peut
opposer que des raisonnements absurdes. D'un autre côté, on ne saurait être
trop précautionné[122] pour ne pas regarder
comme surnaturelles des choses qui ne doivent être attribuées au démon qu'en
tant qu'il est le père du mensonge. On (n')ignore pas les scènes étonnantes que
l'imposture[123]
et l'adresse ont quelquefois données en ce genre, et combien ont été la dupe
d'une compassion trop crédule. Enfin, l'imagination ou quelques maladies
singulières peuvent donner lieu à des méprises, contre lesquelles un prêtre
doit se tenir en garde en observant[124] soigneusement ce que
prescrit l'Eglise, et en examinant les signes douteux avec une attention digne
du ministère qu'il exerce, pour ne pas exposer les choses saintes à la dérision
des impies.
Ce fut sur ces
principes que notre sage missionnaire se décida au sujet de la prétendue
possédée[125]
qu'on lui avait amenée. Il ne fit point sur elle les exorcismes de l'Eglise. Il
se contenta de réciter un évangile, comme il est d'usage de le faire pour les
malades ; après quoi, ayant encore examiné la chose de plus près, il vit
clairement que la maladie n'était rien moins qu'un sort ou une possession, et
qu'il ne fallait, pour la guérir, que tranquilliser l'esprit de la malade et
recourir ensuite aux remèdes ordinaires. Ce qu'il y avait de pire, et ce qui l'embarrassa
davantage, c'est qu'on accusait publiquement un particulier de la paroisse
d'avoir jeté sur elle un maléfice. Tout le monde le croyait, le disait,
l'assurait, et l'on ne regardait le malheureux accusé qu'avec cette frayeur que
doit nécessairement inspirer la vue de ceux que l'on pense être en société avec
le démon pour nuire aux hommes. Au reste, il n'était pas le seul dans le canton
qui eût cet odieux renom ; /206/ plusieurs familles étaient décriées au point
de ne pouvoir marier leurs enfants, et même ceux-ci pouvaient à peine trouver à
louer leur service ou leur travail, tant on craignait que[126] les pères ne les eussent
initiés dans quelque mystère diabolique.
Un désordre si
contraire à tous les sentiments d'équité et de charité toucha vivement le cœur
du saint missionnaire. Il s'attacha à le combattre[127]. D'abord il instruisit
dans les conférences ce peuple ignorant et superstitieux ; après quoi il prêcha
sur cette matière avec une force et une véhémence qui achevèrent de persuader,
et qui portèrent dans les consciences les moins timorées le trouble et les
remords. Un jour surtout que l'auditoire était plus nombreux, il traita son
sujet d'une manière persuasive et si touchante, que le peuple donna des marques
sensibles de repentir et de douleur, jusqu'à crier hautement pardon,
miséricorde. Il profita[128] de cette heureuse
disposition pour détruire sur le champ toutes les impressions désavantageuses
qu'avaient pu donner[129] l'erreur et le mensonge,
et effacer la tache dont plusieurs familles étaient noircies. Il engagea ses
auditeurs à faire réciproquement une rétraction publique de tant d'imputations
calomnieuses. Il fut obéi. On déclara à haute voix qu'on désavouait tout ce
qu'on avait dit et pensé, au préjudice de la réputation de ses frères, sur
l'article du sortilège. On se rendit mutuellement justice, les préjugés
s'évanouirent, la réconciliation fut sincère et durable, et depuis ce jour il
ne fut plus question dans la paroisse ni de possédés ni de sorciers[130]. Pour peu que l'on
connaisse le penchant furieux que les peuples mal instruits ont à la
superstition et la difficulté presque insurmontable qu'il y a à les désabuser,
on ne pourra s'empêcher de reconnaître qu'une révolution aussi subite et aussi générale
fut une espèce de prodige.
Animé par ces heureux
succès, l'homme de Dieu sentit redoubler son zèle. Le nombre de ses auditeurs
croissait aussi et Dieu, de son côté, semblait donner[131] à sa voix une force et
une étendue miraculeuse. Un jour l'affluence du peuple fut si grande que,
l'église ne pouvant la contenir, il se vit obligé de faire porter la chaire
sous un grand arbre qui en est proche. Comme tout le monde /207/ s'empressait[132] de se placer assez près
pour l'entendre[133], on s'avança[134] vers ce lieu avec une
précipitation qui lui fit craindre que quelqu'un ne pérît dans la foule. Il les
avertit[135]
donc de ne point tant se serrer[136], assurant qu'on[137] ne perdrait pas une de
ses paroles. «Ne vous pressez point, mes chers frères, leur dit-il, ne vous
pressez point. Dieu m'a fait la grâce de posséder tout mon auditoire, vous entendrez
bien tous.» «Effectivement, dit un frère qui rapporte ce trait, j'étais dans un
champ un des plus loin, et je l'entendais comme si j'avais été au pied de
l'arbre.» Un prêtre qui était présent a attesté la même chose. «J'étais,
dit-il, dans une distance de lui d'où il était naturellement impossible de
l'entendre ; je l'entendis néanmoins.» On pense bien que la parole de Dieu
entendue comme par miracle ne demeura pas sans fruit. La réforme des mœurs fut
entière : en moins d'un mois, tous les habitants de cette paroisse
devinrent de nouveaux et de fervents chrétiens. Il[138] s'était tellement attiré
leur confiance qu'il lui suffisait de leur dire qu'il fallait faire une chose
pour[139] les déterminer à en
venir aussitôt à l'exécution. Un jour, après l'exercice du matin, il leur
proposa de murer leur cimetière qui ne l'avait jamais été. Sur-le-champ tous
les hommes et tous les garçons s'offrirent à lui pour y travailler, et ils s'y
portèrent avec tant d'ardeur qu'au troisième jour l'ouvrage se trouva achevé,
quoiqu'on n'eût point la pierre sur le lieu, qu'il fallût même l'aller chercher
assez loin, et que, dans le cours ordinaire des travaux, plusieurs mois eûssent
à peine suffi pour finir celui-ci.
155 - Bref séjour à La Séguinière
L'homme de Dieu,
extrêmement fatigué des exercices de cette mission, crut devoir se procurer
quelques jours de repos, aussi bien qu'à ceux qui en avaient partagé les
pénibles fonctions. Il en prit un avec lui[140] et ils partirent[141] accompagnés de quelques
frères pour aller à La Séguinière. Les demoiselles de Beauveau, qui lui avaient
déjà donné l'hospitalité, l'ayant prié d'accepter[142] leur château pour s'y
délasser, il s'y rendit[143] et y séjourna huit à dix
jours. Mais il ne put résister au désir ardent de travailler encore dans une
paroisse dont il se trouvait si près, et pour laquelle il avait toujours
conservé un tendre attachement, soit par rapport au curé qu'il regardait comme
un saint, soit par le souvenir de la mission qu'il y avait donnée et dont les
fruits subsistaient encore, soit enfin par /208/ sa singulière dévotion pour la
chapelle de Notre-Dame de Toute-Patience, qu'il avait fait réparer et décorer. Il
prêcha donc plusieurs sermons[144] dans l'église de La
Séguinière, et fit faire en l'honneur de la Vierge de Toute-Patience, qu'il
avait si souvent sujet d'invoquer sous ce titre, une procession générale avec
le plus pompeux appareil qu'il pût imaginer.
156 - Quinze jours à Nantes
Après ces œuvres de
zèle, il prit par Roussay la route de Nantes. Il demeura quinze jours dans
cette capitale et employa tout ce temps à perfectionner l'établissement qu'il
avait entrepris pour le soulagement des pauvres incurables. Il les vit avec la
tendresse d'un père pour ses chers enfants. Il les encouragea à souffrir avec
patience et recommanda à ses amis de continuer à soutenir cette œuvre de
charité[145]
par leurs aumônes et par leurs bons offices. Il n'eut pas lieu d'être satisfait
des gouvernantes à qui ü avait confié la conduite de ce nouvel hôpital, et il
conçut le dessein d'y faire venir les Filles-de-la-Sagesse aussitôt que les
circonstances pourraient le lui permettre ; mais il ne vécut pas assez pour
exécuter ce projet. Cependant, sa mort n'entraîna pas la chute de l'ouvrage
qu'il avait si bien commencé, et le pieux monument subsiste encore pour le
soulagement des malheureux et l'édification publique de la ville de Nantes,
ainsi que nous l'avons marqué ailleurs.
157 - La mission de Mervent
Il comptait avoir pris
son délassement quoiqu'il n'eût fait que varier ses occupations. Il pensa donc
à revenir au travail des missions et partit pour en donner une à Mervent, près
Fontenay-le-Comte[146]. Le triste état où il
trouva cette[147]
paroisse l'attendrit jusqu'aux larmes. Il en vit d'abord une image sensible
dans les dégradations et l'affreuse malpropreté de l'église. Elle était presque
tombée en ruines. Les murs entrouverts soutenaient à peine une charpente demi
pourrie. La couverture de la nef laissait entrevoir le jour de tous côtés et ne
servait qu'à donner un peu d'ombre sans pouvoir garantir de la pluie. Il ne
restait[148]
aux fenêtres que quelques morceaux de vitres fracassées, qui annonçaient dès le
dehors la pauvreté et l'indécence du lieu saint. L'autel même n'était pas à
l'abri des injures de l'air: et il arrivait quelquefois que l'eau ou le vent
faisaient craindre au prêtre de ne pouvoir /209/ finir le sacrifice. Le saint
homme, accoutumé[149] à recueillir les pierres
dispersées du sanctuaire, ne s'arrêta point à de stériles[150] gémissements. Il n'eut
pas même besoin de recourir à l'autorité. Ses exhortations pathétiques tenaient
lieu d'arrêts et d'ordonnance. Il prêcha avec[151] force sur le zèle qu'on
doit avoir pour la maison de Dieu. Celui dont il brûlait lui-même donna une
nouvelle onction à ses paroles, et ses discours firent tant d'impression que
non seulement les habitants du lieu, mais[152] les peuples des environs
qui venaient en foule l'entendre, s'empressèrent de réparer l'église[153]. Il ne fallut ni rôle ni
tarif ; lui-même, à la fin de ses[154] sermons, se tenait à la
porte de l'église pour recevoir les offrandes des fidèles[155]. Il prenait leurs noms
et marquait ce que chacun avait donné, afin d'exciter entre eux une sainte
émulation. Elle ne pouvait être plus édifiante. Tous se portèrent avec ardeur à
contribuer à ce grand ouvrage. Les uns donnaient de l'argent, les autres du
bois, ceux-ci des charrois, ceux-là de la chaux et du sable, de sorte que dans
peu de temps l'église fut parfaitement réparée.
Le renouvellement des
temples spirituels ne fut ni moins prompt, ni moins entier. Des hommes si
dociles aux remontrances du saint prédicateur en profitèrent surtout pour la
réformation de leurs mœurs. On vit à Mervent ce qu'on avait vu partout où il
avait exercé le ministère apostolique. On y admira même une de ces guérisons
extraordinaires, par où Dieu récompensait la foi de ceux qui imploraient son
assistance[156]
pour recevoir du soulagement dans leurs maux.
Il se présenta à lui
une pauvre fille qui, depuis six semaines, était affligée d'une si grande
fluxion sur un œil qu'elle l'avait enflé et gros comme un œuf. Elle y
ressentait des douleurs très aiguës et ne pouvait dormir ni jour ni nuit. Elle
supplia le saint homme d'apporter quelque remède à son affliction et se
recommanda à ses prières. Son état le toucha de compassion. Il se fit apporter
de l'eau, la bénit avec les prières de l'Eglise et[157] en donna à la malade
pour en frotter son œil. Elle ne l'eut pas plus tôt fait qu'elle sentit du
soulagement, et la nuit suivante elle fut entièrement guérie. /210/
158 - La grotte de Mervent
Au milieu de tant
d'occupations si utiles au prochain, mais si accablantes pour lui, l'homme de
Dieu[158] pensait souvent à ces[159] retraites solitaires, où
l'on peut plus aisément vaquer à l'oraison et se recueillir dans la présence du
Seigneur[160].
On lui parla de la vaste forêt de Vouvant qui n'était pas éloignée. Il s'y fit
conduire dans le dessein d'y chercher un lieu propre à méditer dans le silence
et la retraite, et à se bien pénétrer lui-même de ces grandes vérités qu'il
annonçait aux peuples. Il y trouva en effet un lieu fort retiré[161]. Des deux côtés, il
s'élève deux montagnes ; la rivière coule au milieu, et un rocher à perte de
vue présente une caverne profonde. Ce lieu lui parut tout à fait propre pour y
bâtir un hermitage et il résolut[162] d'y travailler
incessamment. Il n'eut pas plus tôt mis[163] la main à l'œuvre,
qu'une multitude de personnes des environs vinrent l'aider dans son travail[164]. Un jour on en compta
plus de cent. Les matériaux furent bientôt rassemblés. On avait la pierre et
l'eau sur le lieu[165]. On[166] apporta[167] de la chaux, du sable,
des tuiles, des carreaux, des briques, du bois, en un mot tout ce qui était
nécessaire, et même plus qu'il n'était nécessaire, et le tout gratuitement. L'apôtre
anachorète ne pouvait que payer[168] de sa personne et il ne
s'épargnait pas. Nul ne travailla avec plus de force que lui. Il fit tant qu'il
creusa dans le roc un espace capable de contenir une couchette, une table, une
chaise. Il y avait au bas de la grotte une source excellente, il y fit les arrangements
nécessaires pour une fontaine. Son dessein était encore d'y bâtir une chapelle
et d'y planter une grande croix. Ses travaux continuels ne le lui permirent
pas, et les fruits qu'ils ne cessèrent de produire[169] font bien voir que s'il
se bâtissait des solitudes, il n'était pas appelé à la vie solitaire.
159 - Ouverture des écoles à La Rochelle
La ville de La
Rochelle surtout avait encore besoin de son secours. Il s'y rendit[170] et passa par Fontenay-le-Comte,
où il annonça la mission pour le vingt-cinq[171] du mois d'août, jour et
fête de saint Louis qui est le patron du diocèse.
L'établissement des
écoles chrétiennes et des Filles-de-la-Sagesse dans la ville épiscopale fut ce
qui /211/ l'occupa principalement pensant le séjour de six à sept semaines qu'il
y fit. Déjà les maisons et les fonds[172] destinés pour la bonne œuvre
lui étaient assurés par les libéralités de Mgr l'évêque, qui n'en désirait pas
moins l'exécution que lui. Mais pour mettre les maisons en état, il fallait y
faire des arrangements et des réparations immenses. Le serviteur de Dieu ne se[173] rebuta point par la
difficulté de l'entreprise. Il en prit même sur lui tout le détail. Il commença
par chercher tous les matériaux nécessaires et les faire apporter sur les
lieux. Il mit aussitôt en besogne toutes sortes d'ouvriers : maçons,
charpentiers, menuisiers, serruriers, vitriers, et autres en nombre suffisant,
tandis[174]
que lui-même faisait l'office d'entrepreneur, donnant à chacun sa tâche, et
marquant la manière dont il voulait qu'on la remplit. L'ardeur que le nouvel
architecte inspirait à ses ouvriers[175] semblait les reproduire,
et jamais peut-être on ne travailla avec plus d'activité, de sorte qu'au bout
de sept à huit jours tout fut achevé au grand étonnement des maîtres de l'art,
et l'homme de Dieu se trouva en état d'ouvrir les écoles. Il commença par
celles des garçons, où il établit trois maîtres avec un prêtre à leur tête pour
veiller sur leur conduite, dire la messe aux enfants à la fin des classes, et
les confesser au moins tous les mois.
Afin que personne,
faute de moyens, ne fût privé des fruits des écoles chrétiennes, il voulut
qu'elles se fissent gratuitement et sans aucune vue d'intérêt. C'est pourquoi
il défendit absolument aux maîtres d'école de rien demander aux enfants ou à
leurs parents, ni argent, ni présents, directement ou indirectement. Ce serait
une prévarication notable à un maître de contrevenir à cette règle, et M. de
Montfort veut qu'il en soit sévèrement puni, et qu'il soit même chassé en cas
d'incorrigibilité. Il régla dans le plus grand détail ce qui concerne les
maîtres qui doivent[176] faire l'école, les
enfants qu'on y reçoit[177], /212/ le temps qu'on y
emploie[178],
les exercices qu'on y pratique, tant pour l'instruction que pour la piété, les
récompenses qu'on y donne, les châtiments dont on punit les fautes. Il n'oublia
pas la figure que doit avoir la classe, qui doit être un carré long,
l'arrangement des bancs, la distinction des places selon l'âge et la capacité
des enfants, à qui il voulut qu'on enseignât à lire, à écrire, l'arithmétique
et surtout le catéchisme. Lui-même se transportait tous les jours dans l'école
pour former les maîtres à sa méthode d'enseigner, et pour donner de l'émulation
aux disciples. Tout le monde vit avec étonnement les fruits que produisit cette
œuvre de charité. Le libertinage de la jeunesse disparut avec l'ignorance et la
grossièreté. On sait quels désordres causent dans les villes les enfants du bas
peuple quand ils n'ont aucune occupation qui les fixe. Les jurements, les
chansons déshonnêtes, les querelles, des malices de toute espèce, les rendaient
à La Rochelle le fléau de tous les gens de bien. On les craignait dans les
rues, dans les promenades, dans les églises même. Tous ces scandales cesseront
des que les écoles chrétiennes furent ouvertes. Elles devinrent même une source
d'édification publique par les exemples de sagesse que donnaient les jeunes
disciples des nouveaux maîtres. On ne parlait dans chaque maison[179] que de l'auteur d'un si
heureux changement. Les pères et les mères bénissaient Dieu de voir une si
prompte réforme dans leurs familles. Messieurs les curés étaient tranquilles
sur la portion du troupeau qui demandait le plus leurs soins et leur
sollicitude. Toutes les personnes de piété applaudissaient à un établissement
qu'elles savaient n'être pas moins[180] l'ouvrage des pieuses
largesses[181]
de leur saint évêque que[182] de la sagesse du zélé
missionnaire, et qui subsiste encore aujourd'hui pour l'utilité publique,
l'honneur de la religion et la gloire de ces deux grands hommes.
La bonne œuvre eût été
imparfaite si l'on n'eût pas procuré les mêmes secours[183] aux petites filles des
pauvres. Elles les trouvèrent dans les mêmes /213/ sources, c'est-à-dire dans
les charités du prélat sagement appliquées par le zèle de M. de Montfort. Le
saint instituteur leur procura de même[184] des écoles charitables
dont il confia le soin à sa nouvelle Congrégation des Filles-de-la-Sagesse. C'était
dans cette vue qu'il avait fait venir de Poitiers la sœur Marie[185] de Jésus et la sœur de
la Conception. Elles avaient déjà reçu dans leur Société[186] quelqu'autres filles et
partageaient avec elles[187] le travail[188], dont la sœur Marie[189] de Jésus avait la
direction générale. Elles faisaient des biens infinis et observaient exactement
le plan de conduite que leur père leur avait tracé. Ce fut alors qu'il pensa à
rédiger en forme de Règles les documents qu'il s'était jusqu'alors contenté de
leur donner de bouche. Elles sont si édifiantes et font si bien connaître le
vrai esprit du serviteur de Dieu qu'on ne sera pas fâché[190] de voir ici, non point
ce qu'elles prescrivent en détail, mais le précis et une idée succinte des
devoirs qu'elles imposent et des maximes qu'elles contiennent.
160 - Précis de la Règle des Filles de la Sagesse
D'abord il propose
pour fin aux Filles de la Sagesse non seulement de vaquer, avec la grâce de
Dieu, à l'acquisition de la divine Sagesse et à leur propre perfection; mais
encore de s'employer de toutes leurs forces, avec le secours de la même grâce,
à faire tout servir à l'édification, au salut, à la perfection du prochain, et
surtout des pauvres qui étaient le principal objet de toutes ses entreprises[191]. Dans cette vue il leur
propose pour modèle Jésus-Christ lui-même, la Sagesse incréée.
Ainsi la vocation
spéciale et l'état propre d'une Fille de la Sagesse est de fouler aux pieds
toute la sagesse du monde, par rapport aux biens, aux honneurs, aux plaisirs,
aux aises, aux douceurs, aux commodités même de la vie les plus innocentes[192], pour imiter
Jésus-Christ, la Sagesse incarnée, et dans sa vie cachée et dans sa vie
publique. Dans sa vie cachée, non seulement[193] en remplissant
l'obligation commune à tous les chrétiens de vivre cachés en Dieu avec
Jésus-Christ (Coloss. III, 3), mais en s'efforçant d'acquérir les vertus que Jésus-Christ
a pratiquées dans cette vie cachée[194] : son mépris du monde,
sa pauvreté, son humilité, sa /214/ mortification, son obéissance etc., en un
mot, comme dit M. de Montfort, d'acquérir la divine Sagesse. Voilà ce qui
regarde leur propre perfection et ce qu'il appelle la fin intérieure des Filles
de la Sagesse. La fin extérieure de leur état, c'est l'exercice de la charité
envers le prochain, qu'il les avertit cependant de n e pas prendre pour leur
fin principale. «Car[195], dit-il, si dans la
suite vous n'étiez point occupée au service du prochain vous tomberiez dans le
trouble, le chagrin et le découragement. Mais si votre première intention est
de vous sanctifier en accomplissant la volonté de Dieu marquée par l'obéissance,
vous resterez en paix de quelque manière que les choses arrivent.»
Lors donc qu'elles se
trouvent engagées dans ces exercices publics de charité, elles doivent faire
tout servir à l'édification et au salut du prochain pour imiter Jésus-Christ
dans sa vie publique, en sorte que cette imitation soit la fin qu'elles se
proposent dans tous les emplois et les fonctions de leur état[196]. Par là, elles se rendront[197] dignes du beau nom de
Filles de. la Sagesse, qui leur a été donné[198] pour signifier que, sous
les auspices et la protection de la sainte Vierge, elles sont les filles de
Jésus-Christ, la Sagesse éternelle de Dieu, de Jésus-Christ, la Sagesse
incarnée. Si elles se[199] nomment simplement
Filles de la Sagesse, ce n'est point par une orgueilleuse distinction, comme
pourraient se le persuader ceux qui contestent aux personnes consacrées à Dieu
jusqu'aux titres qui les consacrent, et qui croient trouver de la vanité dans
ce qui n'est que le langage de la piété, quelquefois l'expression de l'humilité
même. Mais c'est qu'il est plus court et plus commode de[200] prononcer Filles de la
Sagesse, et que Jésus-Christ, dont nous sommes tous les disciples, est très
bien désigné par le seul nom de Sagesse, étant seul la Sagesse par excellence
et par appropriation. Enfin, M. de Montfort a voulu qu'on les appelât de ce[201] nom afin qu'elles
fussent continuellement averties d'en remplir toute la signification. /215/
«Les heureuses filles, dit-il, que le Saint-Esprit appellera de la funeste
Babylone dans la Compagnie des Filles de la Sagesse, n'y viendront pas
seulement pour porter ce beau titre de Filles de la Sagesse, mais pour
apprendre les règles et les maximes de la divine Sagesse et pour les pratiquer
parfaitement, en s'y exerçant jour et nuit jusqu'à la mort. Elles doivent
savoir que ce n'est ni la noblesse, ni les richesses, ni les talents naturels
d'esprit ou de corps qui donnent entrée dans la Sagesse, mais le seul désir de
la perfection évangélique, avec une volonté déterminée à tout bien.» C'est pour
cela qu'il les exhorte à repasser continuellement dans leur esprit les vérités
et le cri de la divine Sagesse, et qu'il leur en met sous les yeux les plus
sublimes maximes. Au reste, lorsqu'il distingue deux fins dans leur état, l'une
intérieure et l'autre extérieure, ce n'est que pour mieux développer sa pensée
et son dessein ; car il a voulu que les deux fins n'en fissent qu'une dans leur
Institut, et qu'elles dépendissent l'une de l'autre. Il était persuadé que
comme rien ne contribue davantage à notre propre perfection que de nous dévouer
tout entiers à l'édification et au salut des âmes, rien aussi ne nous rend plus
propres à édifier et à sauver les âmes que de nous sanctifier nous-mêmes, de sorte
qu'une Fille de la Sagesse qui ne se proposerait que l'une de ces fins,
séparément de l'autre, s'égarerait étrangement et ne répondrait point au
dessein du saint instituteur.
Ayant établi la fin,
M. de Montfort pensa aux moyens qui étaient nécessaires pour y parvenir. Il se remit
devant les yeux ces deux formes de vie si différentes, dont l'une, sur le
modèle de Marthe, est toute occupée au service du prochain, et l'autre à
l'exemple de Marie n'a point d'autre emploi que le repos de la contemplation. Il
reconnut parfaitement que les fonctions de ces deux états /216/ prises à part
et dans toute leur étendue, ne convenaient point à son dessein, qu'il fallait
choisir ce que l'une et l'autre avait de meilleur[202], joindre les deux vies ensemble
dans un juste tempérament et faire en sorte que[203], bien loin de se nuire,
elles pussent s'entraider. Car enfin, quelque peu de ressemblance qu'il y ait
entre Marie et Marthe, elles sont sœurs et ne sont pas[204] ennemies. Il prit donc
de la vie contemplative l'oraison mentale, les examens de conscience et surtout
l'examen particulier, la lecture des livres de dévotion[205], la fréquentation des
sacrements, les retraites spirituelles et autres semblables exercices de piété.
Il tira de la vie active tout ce qui peut contribuer à l'édification, au
soulagement et au salut du prochain, dans les fonctions convenables à des
filles de communauté, comme de gouverner les hôpitaux généraux et les manufactures
qui y sont établies, les hôpitaux des malades et des incurables, les maisons de
retraites, d'orphelines et même les maisons de force , de visiter les pauvres
qui sont malades dans leurs maisons, tant dans les villes que dans les
campagnes, de les saigner, médicamenter, panser leurs plaies, leur distribuer
du bouillon, du linge et des remèdes selon leur besoin ; de visiter les
prisonniers ; mais surtout d'instruire la jeunesse, et notamment les
religionnaires et nouvelles converties. Enfin, pour se rendre plus utiles au
prochain et à l'Etat, elles se chargent même des hôpitaux militaires, dont le
roi leur a déjà donné le gouvernement en différents endroits.
Comme toutes ces
fonctions de charité dont s'occupent les Filles de la Sagesse sont très pénibles,
M. de Montfort ne leur a prescrit aucune austérité de règle[206]. Cependant elles jeûnent
le samedi et, autant qu'elles le peuvent, elles font abstinence le mercredi. Pour
ce qui est de macérations corporelles, elles sont entièrement volontaires et
dirigées par le confesseur[207] et la supérieure[208] qui, considérant d'un
côté la fin de l'Institut à laquelle les moyens doivent être subordonnés et de
l'autre la /217/ force de chacune, sauront opter le milieu entre le relâchement
qui nuit à l'âme et l'excès qui ruine le corps[209]. Le saint instituteur,
sans faire une obligation particulière des pratiques extérieures de la
pénitence, ne laisse pas néanmoins d'y exhorter ses filles. Il veut que chacune
maltraite son corps autant que sa santé et son emploi pourront le lui
permettre. «Prenez garde, mes chères Filles, dit-il, de croire que la
mortification du corps ne vous soit pas nécessaire pour acquérir la Sagesse,
car elle ne se trouve point dans ceux et celles qui vivent à leur aise et selon
leurs sens.»
Il veut qu'on ne
reçoive dans l'institut que des filles saines et d'une bonne santé. Celles qui
sont trop âgées ou infirmes en sont exclues. On y reçoit les pauvres comme les
riches, les roturières comme les nobles, «pourvu que leurs dispositions et
leurs vocations soient bonnes[210], c'est-à-dire si elles
sont[211] dociles et pauvres
d'esprit. »
Leur premier noviciat
dure au moins un an «et pendant ce noviciat on les exerce en toutes sortes de
vertus pour les dépouiller de leurs mauvaises habitudes, de leurs inclinations
vicieuses, de leurs humeurs naturelles et de leurs moindres imperfections.»
Outre les exercices
ordinaires[212]
de la communauté, il veut qu'elles s'appliquent à apprendre parfaitement la
manière de faire le catéchisme et de tenir les petites écoles : la lecture,
l'écriture, et des ouvrages manuels selon leur capacité.
Il faut qu'elles
soient[213]
éprouvées pendant leur noviciat ; mais les épreuves doivent être également
propres à les bien établir dans l'humilité et le mépris d'elles-mêmes, et à les
disposer aux emplois de zèle et de charité auxquels elles sont destinées.
Pour qu'elles fussent
entièrement consacrées à Dieu, il les a engagées par les vœux simples de
pauvreté, de chasteté, d'obéissance, qu'elles renouvellent tous les ans dans
une communion qu'elles font à cet effet. Et afin qu'étant /218/ obligées de
vivre au milieu du monde elles puissent l'édifier dans les différents emplois
qui les occupent au dehors[214], il leur a prescrit des
règles admirables de prudence, de discrétion, de modestie[215], aussi bien que d'union
entre elles, de charité envers les pauvres qu'elles soulagent, de douceur et de
fermeté à l'égard des enfants qu'elles instruisent. Enfin, il n'a rien oublié
de ce qui peut rendre sa nouvelle congrégation également sainte et utile, et un
grand homme de bien en[216] lisant la Règle[217] ne put s'empêcher de
s'écrier : «Quiconque gardera cette Règle sera un ange.»
M. de Montfort[218] la présenta lui-même à
la sœur Marie-Louise de Jésus. Elle la reçut à genoux, promettant de la faire
observer à toutes celles qui seraient sous sa conduite.
Le saint instituteur[219] ne manquait pas de
joindre des instructions particulières à ce qu'il laissait par écrit à ses
filles. Un jour qu'il était avec elles en conférence et qu'il leur parlait de
Dieu comme à son ordinaire, tout-à-coup, il s'arrête et demeure immobile, les
yeux fixés au ciel. Il continue ensuite à leur parler non plus en directeur,
mais en homme inspiré. «O mes filles, leur dit-il, que Dieu me fait connaître à
cet instant de grandes choses ! Je vois, mes chères filles, dans les décrets de
Dieu une pépinière de Filles de la Sagesse.» L'événement ne peut aujourd'hui
être douteux, puisqu'il y a déjà plus de quarante maisons de Filles de la
Sagesse dans différentes villes et provinces. Ce fut là comme les derniers
adieux et les dernières prédictions[220] du serviteur de Dieu à
ses filles[221].
Il partit pour ses missions, et elles ne le revirent plus dans ce monde.
161 - Mission à Fontenay
Il avait annoncé la
mission de Saint-Jean de la ville de[222] Fontenay pour le 25
d'août 1715. Il s'y rendit le jour marqué[223], aussi animé de zèle
pour le salut de ceux à qui il venait annoncer les vérités de l'évangile
qu'affermi contre les persécutions qu'il envisageait[224] depuis longtemps comme
inséparables /219/ de son apostolat[225]. Il est vrai qu'elles
faisaient sa gloire et ses délices et qu'il les regardait comme la principale
source des bénédictions que Dieu répandait sur ses travaux, mais d'un autre
côté, il craignait que les idées désavantageuses qu'on voulait donner de lui au
peuple ne fussent un obstacle aux fruits que pouvaient produire ses discours,
et que tout son zèle ne vînt échouer contre un défaut de confiance. Plus il
voyait de bien à faire dans la mission qu'il allait entreprendre, plus il pensa
à prévenir ce qui pouvait la rendre moins utile et moins fructueuse. Il crut
donc devoir préparer les esprits par une courte apologie de sa conduite et à
l'exemple de l'apôtre, céder à la nécessité de faire respecter son ministère en
se recommandant lui-même, sans être arrêté par la crainte de paraître peu sage
(II Cor. XII, 11).
Il commença son
premier sermon par ces paroles Judica me
Deus, jugez-moi mon Dieu (Ps. 42, 1.), et paraphrasa le psaume tout entier.
Cependant, s'il eut beaucoup à souffrir à Fontenay, ce ne fut pas de la part
des habitants qui se portèrent avec ardeur à profiter des secours spirituels
qu'il venait leur donner, mais c'est que dans cette ville comme ailleurs il se
trouvait[226]
exposé à des événements que toute sa sagesse n'avait pu prévoir et où toute sa
fermeté lui devint nécessaire. En voici un qui pensa entraîner la ruine de la
mission.
C'était l'usage de M.
de Montfort[227],
comme de beaucoup d'autres missionnaires, de partager les exercices de la
mission, et de les faire séparément pour les hommes et pour les femmes, lorsque
l'église était trop petite ou la foule trop grande. Cette conduite n'a rien que
d'honnête et de raisonnable, et l'homme apostolique se trouva dans le cas d'en
agir ainsi à Fontenay. Il annonça donc qu'il ferait d'abord la mission pour les
femmes. Un officier de cavalerie[228], dont les soldats
étaient alors en garnison dans cette ville, lui demanda[229] de leur permettre[230] d'assister[231] à cette première mission
parce qu'ils étaient sur le point de partir. M. de Montfort lui accorda volontiers
cette grâce. Presque tous les cavaliers y /220/ assistèrent effectivement
pendant quinze jours, et ils le firent soir et matin avec une piété exemplaire.
On avait tout à espérer de leur assiduité. Une malheureuse catastrophe leur en
enleva le fruit[232], et aucun d'eux ne finit
la mission. Voici le fait, rapporté par M. de Montfort lui-même à un prêtre
missionnaire qui travaillait alors avec lui[233].
«Je fus, dit-il, à mon
ordinaire à l'église sur les quatre heures du soir pour prêcher. En entrant, je
vis un monsieur que je ne connaissais point, appuyé sur le bénitier, son
chapeau sur la tête, qui prenait du tabac et qui riait, je ne sais avec qui, ni
à quelle occasion. J'allai à lui et le priai de sortir de l'église, parce que
je ne faisais la mission que pour les femmes. Il me répondit fort brusquement
qu'il ne sortirait pas et me demanda pour qui je le prenais, qu'il avait autant
d'autorité que moi de rester dans l'église, et qu'enfin il était aussi bien
chrétien que moi. Eh bien ! lui dis-je, monsieur, restez pour aujourd'hui, mais
n'y retournez pas demain. Je ferai une mission particulière pour les hommes
après celle-ci, à laquelle vous pourrez assister. J'y retournerai malgré vous,
me répliqua-t-il, tout en colère. Les églises ne sont pas faites pour les
chiens, mais pour les chrétiens ; j'ai droit d'y aller aussi bien que vous. Au
moins, monsieur, lui dis-je, n'y commettez point d'immodestie. Ce fut alors
qu'il jura le saint nom de Dieu exécrablement en me disant des injures atroces
et en me menaçant de me passer son épée au travers du corps, sans la tirer
tout-à-fait. Je me mis à genoux et baisai la terre, en demandant pardon à Dieu
des blasphèmes horribles que cet impie venait de vomir contre lui. M'étant
relevé, et quelques femmes s'étant approchées de ce monsieur pour le mettre
hors de l'église, ce fut alors qu'il entra dans une fureur presque diabolique
et, se jetant sur moi comme un lion rugissant, me prit à la gorge et me donna
deux coups de poing sur l'estomac avec tant de violence et de force que je
pensai tomber à la renverse évanoui. Ce fut dans ce moment qu'il se fit un
grand scandale dans l'église. Les femmes d'un côté criaient les hauts /221/
cris, l'officier de l'autre qui appelait ses soldats pour les faire sortir avec
lui. Ceux-ci obéirent. Toute la troupe s'assembla dans le cimetière, y resta
pendant le sermon et la bénédiction, ne cessant de jouer de la trompette et d'y
faire un bruit étonnant jusqu'à sept heures du soir qu'ils se retirèrent
tout-à-fait.» Telle[234] est la narration simple
et naïve de M. de Montfort.
L'officier partit sur
le champ pour aller porter ses plaintes à M. de La Rochelle, qui était pour
lors à sa maison de campagne. Le sage prélat, qui savait que les coupables sont
souvent les premiers accusateurs, ne voulut rien décider sans avoir été instruit
par quelque personne de confiance. Il entendit M. le curé de Saint-Jean et
comprit, sur son rapport, qu'il n'y avait rien de répréhensible dans la
conduite du missionnaire. Avec cette assurance il écrivit en cour, et ce qu'il
avait prévu arriva, l'affaire lui fut renvoyée[235]. Il avait pris toutes
les connaissances nécessaires. M. de Montfort demeura pleinement justifié et
continua tranquillement sa mission.
Toujours attentif à se
montrer l'apôtre des pauvres, il voulut qu'on fît pour eux le catéchisme dans
une église particulière, et au sortir de l'instruction il leur faisait
distribuer du pain et autres aliments par des personnes pieuses qu'il avait
chargées de cet emploi. Ce moyen ne pouvait manquer de lui réussir pour
rassembler tous les mendiants. Aussi il ne lui en échappa aucun, et il sut si
bien joindre la nourriture de l'âme à celle du corps[236], qu'il rendit dévots des
gens qui auparavant savaient à peine qu'ils étaient chrétiens. Eux-mêmes firent
une quête, non plus pour avoir[237] de quoi vivre, on y fournissait
abondamment, mais pour construire sous les halles un oratoire où ils faisaient
leur prière tous les soirs et récitaient le saint rosaire.
M. de Montfort avait
vu avec satisfaction les fruits de piété qu'avait produits la société de
vierges qu'il venait d'établir[238] à Taugon. Il en établit
une semblable /222/ à Fontenay ; il y assembla aussi une confrérie de
pénitents.
Sa vie à lui-même
était si pénitente et si austère qu'une personne, qui était chargée de ses
linges pendant cette mission, a protesté qu'elle les avait trouvés tous trempés
de sang. Il y a bien apparence qu'elle n'est pas la seule qui aurait pu rendre
un pareil témoignage. Quoiqu'il en soit, une découverte si édifiante ne fut pas
l'unique[239]
fruit qu'elle retira de sa charité. Cette dame, épouse de[240] M. Gusteau alors
fabriqueur de l'église de St-Jean, avait une fille malade d'une fièvre qui la
tourmentait depuis plusieurs mois. Le saint homme lui dit un évangile et elle
fut guérie sur le champ.
La mission avait été
marquée[241]
de l'empreinte de la croix ; elle[242] ne pouvait manquer
d'être féconde en œuvres de grâces et de salut. L'homme de Dieu eut la
consolation de ramener dans le sein de l'Eglise deux protestantes. Elles
étaient sœurs. Les liens du sang et de l'amitié contribuaient sans doute à les
retenir dans l'erreur. Ils servirent à faciliter et à affermir leur conversion,
qui en effet fut durable et dans laquelle elles persévérèrent jusqu'à la mort.
Le saint missionnaire
qui savait employer dans ses missions ce que l'extérieur de la religion a de
plus frappant, le fit à Fontenay avec un appareil tout particulier. L'église de
Saint-Jean était ornée[243] et tapissée de quinze
belles bannières, qui représentaient les quinze mystères du rosaire, pour
donner au peuple une plus haute estime de cette dévotion, dont il prêcha la
pratique journalière avec un succès qui répondit pleinement à son zèle. A la
fin de la mission, il fit planter une croix dans un lieu assez éloigné, mais
qui devint comme une station où l'on se rendait fréquemment pour adorer Jésus-Christ
crucifié et méditer les mystères de sa passion et de sa mort. La procession de
la clôture ne fut pas moins touchante que majestueuse. Il y fit marcher les
trente-trois pénitents qu'il avait établis en l'honneur des trente-trois années
que Notre-Seigneur a vécu sur la terre. Leur office était d'étendre des
linceuls dans[244]
les chemins /223/ à mesure que le saint Sacrement passait, à l'imitation de ce
que firent les peuples lorsque Jésus-Christ entra[245] triomphant dans
Jérusalem[246].
Lorsque la procession partit, le temps paraissait disposé à une pluie abondante
et le vent était si violent qu'il cassa un des bras de la bannière. Cependant,
M. de Montfort ayant exhorté tout le monde à mettre sa confiance en Dieu et à
espérer qu'il accorderait un temps favorable, on continua la marche. Dieu
exauça la prière de son serviteur et récompensa la docilité des fidèles. Le
temps fut très beau, la procession se fit sans aucun dérangement, et le saint
Sacrement fut porté avec beaucoup de majesté et de dévotion jusqu'à l'endroit
où l'on devait donner la bénédiction, lequel était éloigné de près d'un quart
de lieue. La mission finie, M. de Montfort[247] alla faire un tour à sa
grotte de la forêt de Vouvant. M. Gusteau, prieur de Doix, qui était alors
écolier à Fontenay, dit que notre saint prêtre[248] le prit pour
l'accompagner dans ce petit voyage. «Je fus édifié, ajouta-t-il, de voir un
nombre de personnes qui quittaient leurs travaux pour venir se mettre à genoux
sur le bord des chemins. Il les bénissait, et leur faisait avec son[249] pouce un signe de croix
sur le front.» Après avoir visité son ermitage il revint à Fontenay, où il
donna une retraite dans l'église des religieuses de Notre-Dame, qui l'en
avaient prié. C'était là le délassement ordinaire du travail de ses missions.
162 - La vocation de M. Mulot
Nous touchons à
l'heureuse époque qui en assura la perpétuité, par l'acquisition qu'il fit[250] du vénérable prêtre M.
René Mulot, destiné à être après lui le chef et le soutien des pieux
établissements qu'il avait si bien commencés, et nous[251] allons rapporter le
trait remarquable[252] de sa vocation[253] en copiant mot pour mot
ce qu'il en a laissé lui-même par écrit.
«Etant vicaire à
Soulans, sur les différents bruits qu'on faisait courir au sujet de M. de
Montfort, je n'aurais pas fait un pas pour /224/ aller l'entendre. Un jour
étant allé à la Garnache où il faisait la mission, monsieur le curé m'en parla
si avantageusement qu'il me fit revenir de toutes mes préventions, de manière
que je sentais autant d'empressement pour le voir que j'avais eu d'indifférence
ou plutôt d'opposition. Je tombai malade peu de temps après d'une maladie qui
me mit à l'extrémité. Je fus longtemps en danger de mort, et condamné par
quelques fameux médecins. Cependant, je me remis peu à peu par les bons soins
qu'on prit de moi, mais toujours bien infirme. Sitôt que je fus un peu en état
de monter à cheval, je fus prendre mon air natal chez mon frère, prieur de
Saint-Pompain[254],
qui n'est qu'à trois lieues de Fontenay, lieu de ma naissance, où j'étais
toujours languissant. M. de Montfort venait de faire une mission à Saint-Jean
où il fit un bien infini, ce que nous racontait M. le curé des Loges, voisin de
mon frère qui nous était venu voir. Cela me réveilla l'idée que m'en avait
donnée celui de la Garnache. Je dis alors à mon frère qu'il fallait le
demander. Il me répliqua que cela ne se pouvait pas, parce qu'il en avait
demandé un autre. Je lui dis alors qu'il le demanderait s'il voulait ; que j'étais
certain que celui-ci faisait beaucoup de bien, qu'il avait fait une mission à
Soulans pendant que j'y étais, mais que je croyais que M. de Montfort en ferait
davantage par les pratiques de piété qu'il laissait, surtout par la dévotion du
rosaire qu'il faisait réciter dans les paroisses, et autres confréries qu'il y
établissait ; que par ce moyen le fruit s'en perpétuait plus longtemps. Il me
dit alors de faire ce que je voudrais, pourvu que je m'accordasse avec celui
qui devait venir la faire, à qui il avait donné sa parole.
«Sur cela, tout faible
que j'étais, je me déterminai d'aller à Fontenay. Je le trouvai aux religieuses
de Notre-Dame à qui il donnait une retraite. Je le priai alors de vouloir bien
exercer sa charité et son zèle à Saint-Pompain. Il me dit que cela ne se
pouvait pas si tôt, parce qu'il était /225/ engagé en bien d'autres endroits ; il
me pria à dîner, ce que j'acceptai volontiers. Je fus bien édifié de voir qu'il
avait un pauvre à sa table qu'il servait le premier, lui donnant à boire dans
son gobelet et buvant après lui. Vers la fin du repas, je redoublai mes
instances pour l'engager à venir à Saint-Pompain, en lui disant que si j'avais
assez de force et de science je le suivrais partout. Il se rendit à mes
instances, me disant que si je voulais aller lui aider à la mission de Vouvant
qui était annoncée, il viendrait ensuite à Saint-Pompain. Le désir que j'avais
de l'y voir fit que je lui promis au-dessus de mes forces.
«Ayant rendu compte à
mon frère de l'issue de mon voyage, je me disposai peu de jours après à l'aller
trouver à Vouvant. Ce fut là que je fus témoin de tout ce qu'on m'avait dit des
grands fruits qu'il faisait dans ses missions.»[255] Ici finit la relation de
M. Mulot.
Il n'y a pas de doute
que M. de Montfort ne pénétrât tous les desseins que Dieu avait sur ce bon[256] prêtre. Aussi lui dit-il
encore, d'un ton ferme et en le regardant fixement : «Si vous voulez me suivre
et travailler avec moi le reste de vos jours, j'irai chez votre frère, non
autrement. Tous vos maux s'évanouiront lorsque vous aurez commencé à travailler
au salut des âmes, et il faut faire un coup d'essai à la mission de Vouvant.»
Effectivement, il n'eut pas plus tôt commencé à exercer son nouveau ministère[257] qu'il sentit ses forces
revenir, et sa santé fut si parfaitement rétablie en peu de jours qu'il suivit
depuis M. de Montfort dans ses missions sans aucune incommodité. Ce grand
maître eut tant de confiance en son nouveau disciple, qu'il le prit pour son
confesseur. Ce fut lui qui l'assista à la mort, et sur qui il jeta les yeux
pour être à la tête de cette Compagnie de missionnaires[258] qu'il destinait à
continuer ses travaux apostoliques[259]. Glorieuse et pénible
fonction, qu'il a remplie pendant plus de trente ans, jusqu'à la fin de sa
sainte[260]
carrière qu'il termina le 12 mai 1749 dans le /226/ diocèse de Vannes, à la
mission de Questemberg[261], où il est enterré et
vénéré comme un grand serviteur de Dieu et un parfait imitateur de M. de
Montfort.
[1]
1er texte : Dans
les différents endroits où il passait
[2]
1er texte : et qu'ils
[3]
1er texte : (remplacé par la phrase précédente) «J'ai vu plusieurs fois... », texte qui
figure quelques lignes plus loin
[4]
1er texte : la plus loin qu'ils pouvaient
[5]
1er texte : qu'après,
puis barrés : les et un mot illisible
[6]
1er texte : ils ne le laissaient point sans lui donner des marques
[7]
1er texte : donné
[8]
1er texte : ils
n’auraient jamais le bonheur de le revoir
[9]
1er texte : Enfin
il arriva, barré, puis repris
[10]
1er texte : qui
était, barré, puis repris
[11]
1er texte : et lui marqua
[12]
1er texte : Une feuille volante, contenant un long texte
à insérer en cet endroit, a disparu. Le texte manquant est reproduit ci-après
d'après une copie, tirée sur l'original avant la disparition de la feuille en
question. L'original reprend au point marqué par la note (13)
[13]
1er texte : L'original reprend ici
[14]
1er texte : d'une
paroisse
[15]
1er texte : leur
annoncer
[16]
1er texte : il
courut à son secours par préférence
[17]
1er texte : et
où
[18]
1er texte : de la
gloire si flatteuse
[19]
1er texte : suivi par
[20]
1er texte : L'hiver avait
rendu
[21]
1er texte : les chemins effroyables, presqu'im
[22]
1er texte : (remplacé par le membre de phrase précédent) Le lieu où son zèle et sa charité
l'appelaient était Fouras, petit bourg (en surcharge : paroisse) situé sur le bord de la mer à quatre lieues de La Rochelle.
Les chemins pour s'y rendre étaient effroyables, et on était (en surcharge
: presque) au cœur de l'hiver
[23]
1er texte : il
trouva une église
[24]
1er texte : lettres barrées, illisibles
[25]
1er texte : d'où
[26]
1er texte : à celle
de Fouras
[27]
1er texte : dans l'état
le plus pitoyable
[28]
il s'agit sans doute de l'équipe des missionnaires
[29]
1er texte : un pauvre
galetas
[30]
1er texte : lorsqu'ils
se levaient ils
[31]
1er texte : la propreté, la décence, l'arrangement
[32]
1er texte : qu'il mit
[33]
1er texte : (remplacé par celui qui fait suite) : Après quoi il les quitta, avec la
consolation de les avoir rendus et plus humains et plus chrétiens
[34]
1er texte : avoir
l'honneur
[35]
1er texte : M. de Montfort toujours
[36]
1er texte : des
deux partis
[37]
1er
texte : Il propo(sa)
[38]
1er texte : église d'où
[39]
1er texte : devait terminer
[40]
1er texte : nous n'avions point
[41]
1er texte : ce
mauvais prêtre
[42]
1er texte : l'homme
de Dieu
[43]
1er texte : entendit
ces abominables
[44]
1er texte : pour l'accomplissement
[45]
1er texte : de cet
[46]
1er texte : une onction
[47]
1er texte : augmenta encore
[48]
1er texte : de respect
[49]
1er texte : ses avis
[50]
1er texte : soit pour
avancer dans la voie de la perfection
[51]
1er
texte : si l'on comprenait
[52]
1er
texte : un mot barré illisible ; en surcharge : pieux
[53]
1er
texte : cette fonction
[54]
1er
texte : il n'avait pas, ce semble,
lieu
[55]
1er
texte : ou de l'invalidit(é)
[56]
1er
texte : et des meilleurs casuistes
[57]
1er
texte : Ce fut dans cette
perplexité
[58]
1er
texte : qu'il mit pied à terre
[59]
1er
texte : dans sa pensée
[60]
1er
texte : s'interrompit
[61]
1er
texte : et dit
[62]
1er texte : Ces paroles qui
[63]
1er texte : (remplacé par celui qui suit) il alla dans l'appartement où se trouvait M. de
Montfort
[64]
1er texte : il alla joindre
[65]
1er texte : et le
trouva qui
[66]
1er texte : il
n'eut pas plus tôt aperçu : en surcharge : Dès qu'
[67]
1er texte : c'était
pr(écisement)
[68]
1er texte : ratifia
[69]
1er
texte : de rester avec lui
[70]
1er
texte : fini de parler
[71]
1er
texte : le saint missionnaire
[72]
1er
texte : dans laquelle il a
continué
[73]
1er
texte : son habile maître
[74]
1er texte : Il était
arrêté qu'on chercherait ; en
surcharge : ils étaient convenus de
chercher
[75]
1er texte : deux mots barrés, illisibles
[76]
1er texte : partit pour
la mission de
[77]
1er texte : qu'on
lui fit; puis, un mot barré, illisible
[78]
1er texte : des
biens qu'y fit
[79]
1er texte : Toujours ingénieux
et admirab(le)
[80]
1er texte : les moyens de trouver
[81]
1er texte : l'une qu'il
a(ppela)
[82]
1er texte : leur donna
[83]
1er texte : par la vertu
[84]
1er texte : dit-on
[85]
1er texte : avait
établi
[86]
1er texte : aussi
[87]
1er texte : un an seulement
[88]
1er texte : aux
instructions
[89]
1er texte : lorsqu'elles les
leur donneront
[90]
1er texte : à sa
place
[91]
1er texte : qui vivaient chez leurs parents ou dans la compagnie de quelques femmes vertueuses
[92]
1er texte : à les faire
[93]
1er texte : dont
nous venons de parler
[94]
1er texte : un trait essentiel, en ce que
[95]
1er texte : une ou deux lettres barrées, illisibles
[96]
1er texte : de rester
[97]
1er texte : de résister
[98]
1er texte : et donne enfin
du goût
[99]
1er texte : Le sage
missionnaire
[100]
1er texte : D'ailleurs
il avait consulté son oracle
[101]
1er texte : dans le
diocèse duquel il travaillait alors
[102]
1er texte : dès le
commencement
[103]
1er texte : (remplacé par celui qui précède) Elles levèrent tous les obstacles et se
mirent (en route)
[104]
1er texte : le frère Jean, pour lui
[105]
1er texte : un mot barré, illisible
[106]
1er texte : jus(qu'à)
[107]
1er texte : plusieurs mots barrés, illisibles
[108]
1er texte : Monseigneur
[109]
1er texte : des filles de La Rochelle
[110]
1er texte : l'établissement
des écoles chrétiennes
[111]
1er texte : pour se
retirer
[112]
1er texte : il porta presque seul tout le poids de cette mission
[113]
1er texte : mais vu qu'ils
[114]
1er texte : La
réputation de sa sainteté
[115]
1er texte : ceux
qui étaient guéris offraient
[116]
1er texte : des
abus, barré, puis repris en surcharge
[117]
1er texte : (remplacé par celui qui est rapporté
ci-après) Il (un mot barré,
illisible) fit (un mot barré,
illisible) sur elle les exorcismes de
l’église. Il n'était pas de ceux (un mot barré, illisible) qui, flattés de la gloire de chasser le
diable, s'imaginent de le trouver où il ne fut jamais
(117) 1er texte :
(en surcharge sur le précédent et remplacé par la phrase transcrite ici à la
suite) C'eût été peu de temps après une
heureuse rencontre pour les (zélé : barré) partisans fanatiques d'un prétendu
thaumaturge, ou pour ceux qui (barré, puis repris), épris de la gloire de chasser le diable, trouvaient leur intérêt à se
prêter à leurs indécentes manœuvres.
(117) 1er texte :
(remplacé par le texte définitif, conservé) : Il se contenta de réciter (sur elle l'évangil(e), barré) un évangile sur sa tête, comme il est
d'usage de le faire pour les malades
[118]
1er texte : ait
beaucoup moins
[119]
1er texte : qu'il
peut
[120]
1er texte : le cas de détruire
[121]
1er texte : être employé
à chasser les démons
[122]
1er texte : trop sur
ses gardes
[123]
1er texte : la
fourbe(rie)
[124]
1er texte : en suivant
[125]
1er texte : la
malade
[126]
1er texte : on craignait qu’il(s)
[127]
1er texte : à le combattre, et d'abord
[128]
1er texte : il profita à l'instant
[129]
1er texte : qu'avait
donné
[130]
1er texte : ni de sorciers, ni de possédés
[131]
1er texte : donnait
[132]
1er texte : de se
mettre à portée de l'entendre
[133]
1er texte : (remplacé par le précédent) Comme chacun craignait de n'être pas assez près
pour entendre
[134]
1er texte : on se porta
[135]
1er texte : Il leur
dit donc
[136]
1er texte : leur
assurant
[137]
1er texte : qu’ils
ne perdraient pas
[138]
1er texte : un mot barré, illisible
[139]
1er texte : pour qu’elle
fût
[140]
1er texte : Il en prit
un avec lui ; en surcharge en retint
un près de
[141]
1er texte : avec quelques frères
[142]
1er texte : le prièrent
d'accepter ; en surcharge : lui
offrirent, puis de nouveau : le
prièrent
[143]
1er texte : Il accepta
leur offre
[144]
1er texte : Il donna
donc quelques sermons
[145]
1er texte : cette bonne œuvre
[146]
1er texte : paroisse
du diocèse de La Rochelle près Fontenay-le-Comte
[147]
1er texte : deux mots barrés, illisibles
[148]
1er texte : Il n'était
[149]
1er texte : un ou deux mots barrés, illisibles, puis: les débris
[150]
1er texte : plusieurs mots barrés, illisibles, en
surcharge
[151]
1er texte : avec,
barré, puis repris
[152]
1er texte : mais ceux
[153]
1er texte : de faire
tout l'ouvrage
[154]
1er texte : chaque
sermon
[155]
1er texte : ce que
chacun voulait donner
[156]
1er texte : qui s'adressaient
à lui
[157]
1er texte : et lui
en donna
[158]
1er texte : l'homme
de Dieu, barré, puis repris
[159]
1er texte : à ces
solitudes, puis plusieurs mots barrés, illisibles
[160]
1er texte : (remplacé par la deuxième partie de la phrase
qui précède) le saint homme savait se
ménager quelques jours de retraite et de solitude, pour vaquer à l'oraison et
se recueillir dans la présence du Seigneur
[161]
1er texte : un lieu fort retiré entre deux montagnes, au pied
[162]
1er texte : et il forma
le dessein
[163]
1er texte : A peine
eut-il mis
[164]
1er texte : et lui
donner tous les secours nécessaires
[165]
1er texte : (substitué par les deux phrases précédentes) Les uns tiraient de la pierre, les autres
préparaient de la terre, ceux-ci allaient
[166]
1er texte : en surcharge, un mot barré, illisible
[167]
1er texte : On
apporta gratuitement
[168]
1er texte : ne pouvait payer que
[169]
1er texte : (substitué par le membre de phrase qui
précède) Le peu de temps qu'il eut à
vivre et ses travaux continuels ne le lui permirent pas
[170]
1er texte : il y
retourna
[171]
1er texte : le vingt-cinquième
[172]
1er texte : Déjà les
fonds et les maisons
[173]
1er texte : ne se
rebut
[174]
1er texte : tandis,
barré puis repris en surcharge
[175]
1er texte : travailleurs
[176]
1er texte : doivent
; en surcharge : devaient
[177]
1er texte : recevait
[178]
1er texte : qu'on y empl.,
en surcharge : reste
[179]
1er texte : chaque famille
[180]
1er texte : être
également
[181]
1er texte : libéralités
[182]
1er texte : et
de la sagesse
[183]
1er texte : le même avantage
[184]
1er texte : leur procura aussi
[185]
1er texte : Marie-Louise
[186]
1er texte : Elles s'étaient
déjà associé
[187]
1er texte : et partageaient toutes
[188]
1er texte : sous la
direction générale de
[189]
1er texte : Marie-Louise
[190]
1er texte : d'en
voir le précis à la suite de cet article
[191]
1er texte : (substitué par le membre de phrase qui
précède) des pauvres, à qui il semblait
lui-même tout rapporter dans cette, et en surcharge : à qui il (un mot barré, illisible) rapportait dans toutes ses entreprises
[192]
1er texte : aux
commodités de la vie, pour imiter
[193]
1er texte : non seulement par
[194]
1er texte : d'acquérir et de pratiquer les vertus de
cette vie cachée de Jésus-Christ ; en surcharge : qu'il a pratiquées
[195]
1er texte : parce
que, dit-il
[196]
1er texte : de leur ministère,
et que par là
[197]
1er texte : se rendent
[198]
1er texte : qui ne leur
a été donné que pour
[199]
1er texte : Et si el les s'app(ellent)
[200]
1er texte : de dire
[201]
1er texte : de son
nom
[202]
1er texte : et
joindre
[203]
1er texte : en sorte qu’elles
[204]
1er texte : ne sont point
[205]
1er texte : des bons
livres de piété
[206]
1er texte : aucunes
austérités d'obligation, ni aucunes macérations corporelles; en surcharge :
macérations corporelles ni même aucunes
austérités de règle
[207]
1er texte : le
directeur
[208]
1er texte : et la supérieure. Au reste, le saint instituteur sans faire
[209]
1er texte : deux ou trois mots barrés illisibles
[210]
1er texte : «pourvu qu'elles
aient une bonne vocation et de bonnes dispositions
[211]
1er texte : c'est à dire, qu'elles soient
[212]
1er texte : les exercices comm(uns)
[213]
1er texte : Elles
doivent être
[214]
1er texte : dans leurs
différents emplois de charité
[215]
1er texte : de
ferveur et de charité, tant envers leurs
[216]
1er texte : en,
répété puis barré
[217]
1er texte : après a
voir lu sa règle
[218]
1er texte : Le
saint instituteur
[219]
1er texte : Le serviteur
de Dieu
[220]
1er texte : prédictions,
barré puis repris en surcharge
[221]
1er texte : dernières prédictions ... au sujet
[222]
1er texte : à
Saint-Jean
[223]
1er texte : s'y
rendit le jour indiqué; en surcharge : en
fit l'ouverture le jour marqué et commença son
[224]
1er texte : qu'il regardait
[225]
1er texte : de son ministère
[226]
1er texte : il
trouva un
[227]
1er texte : du saint
missionnaire
[228]
1er texte : L'officier
d'une garnison
[229]
1er texte : demanda à
M. de Montfort
[230]
1er texte : de permettre à sa troupe
[231]
1er texte : d'assister à l'église
[232]
1er texte : (substitué par les deux affirmations qui
précèdent) Une malheureuse catastrophe
les priva des fruits de leur assiduité
[233]
1er texte : qui se
trouva alors avec lui en surcharge, deux mots barrés illisibles
[234]
1er texte : telle,
répété puis barré
[235]
1er texte : c'est-à-dire,
l'affaire fut renvoyée à sa décision. Il
ne fut pas en peine sur la conduite qu'il devait tenir
[236]
1er texte : qu'il apprit
à aimer Dieu à des gens qui le connaissaient à peine
[237]
1er texte : non plus pour vivre
[238]
1er texte : qu'il avait
(puis un mot barré, illisible) établie
[239]
1er texte : le seul
fruit
[240]
1er texte : de,
répété puis barré
[241]
1er texte : Ce fut
pendant le cours de
[242]
1er texte : les
fruits ne pouvaient manquer
[243]
1er texte : était tapiss(ée)
[244]
1er texte : sur
les chemins
[245]
1er texte : fit son
(entrée)
[246]
1er texte : à
l'entrée triomphante de Jésus-Christ à J.
[247]
1er texte : il
alla
[248]
1er texte : le
serviteur de Dieu
[249]
1er texte : le
pouce
[250]
1er texte : qu'il fait
[251]
1er texte : voici
[252]
1er texte : nous allons donner le récit détaillé
[253]
1er texte : un mot barré, illisible
[254]
1er texte : Saint-Pompin
[255]
1er texte : deux mots barrés, illisibles
[256]
1er texte : ce
saint prêtre
[257]
1er texte : le ministère de la chaire et du confessionnal
[258]
1er texte : toute
destinée (puis : occupée) à
continuer ses missions et ses travaux
apostoliques
[259]
1er texte : ce
qu'il a fait pendant plus de trente ans
[260]
1er texte : de sa pénible
et glorieuse carrière
[261]
1er texte : qu'il termina à la mission (en surcharge : le
12) de Questemberg, dans le diocèse de
Vannes, le 12 mai 1749