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Besnard 04 pp 201-266

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LIVRE QUATRIEME
 
Jamais homme apostolique n'e
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t Plus d'occasions que M. de Montfort de mettre en pratique ce que Jésus-Christ prescrivit à ses disciples en leur disant : «Quand on vous persécutera dans une ville, fuyez-vous-en dans une autre» (Math. X, 23).[1]
 
91 ‑ Mission à la Garnache
 
Après avoir resté quelque temps à Nantes sans que le service essentiel qu'il venait de rendre à cette ville eût changé les esprits à son égard, il fut appelé dans le diocèse de Luçon pour donner la mission à La Garnache. Ce serait trop nous arrêter dans des récits /60/ où nous pouvons à peine le suivre[2], que de détailler tout ce qu'il fit pour gagner des âmes à Dieu, et pour détruire l'empire du péché. Catéchismes, conférences, sermons, instructions familières, prières et surtout celle du saint rosaire, tout tendait à porter la lumière dans les esprits, à toucher les cœurs et à fléchir la justice divine. Sa charité pour les pauvres s'y montra dans un nouveau jour. On lui avait autrefois fait un crime de les attirer après lui ; il prit une autre voie pour les secourir. Il engagea tous les bourgeois et toutes les personnes aisées à en prendre[3] chacun un chez eux et à le nourrir pendant tout le cours de la mission. Il donna le premier l'exemple et en avait toujours un à sa table, choisissant par préférence le plus crasseux et le plus dégoûtant. Il le plaçait à sa droite et le servait lui-même[4]. Il prodiguait à ces malheureux une infinité d'autres secours qu'il semblait tirer du sein même de la pauvreté.[5]
 
Un des moyens des plus efficaces qu'il employa pendant cette mission pour en assurer le succès ce fut le pieux monument par lequel il signala[6] sa tendre dévotion à[7] la mère de Dieu[8]. Il le fit à La Garnache, d'une manière bien marquée. Il y avait à l'entrée ville une ancienne chapelle de Saint Léonard qui était comme abandonnée. Le saint prêtre[9] entreprit de la rétablir, de la décorer et d'y mettre une statue de la sainte Vierge, sous le nom de Notre-Dame-de-Victoire. Il proposa son dessein aux habitants. Tous y consentirent. Il fit venir un habile sculpteur, lui donna son plan pour le retable, la figure, la niche et les accompagnements, et comme l'ouvrage ne pouvait être achevé pour la fin de la mission, il en indiqua la bénédiction au mois de mai 1712. Nous verrons dans la suite[10] qu'il[11] revint en effet dans cette ville et qu'il fit lui-même cette pieuse cérémonie.
 
92 ‑ La mission manquée de Loulay
 
Il était retourné à Nantes[12], lorsque M. le curé de Saint-Hilaire de Loulay, près Montaigu, au diocèse de Luçon, ayant appris les grands fruits qu'il avait faits à La Garnache voulut procurer le même avantage à sa paroisse et l'appela pour y donner la mission. La vérité avait parlé en sa faveur et la bonne œuvre projetée devait être le fruit de sa haute réputation. La calomnie travailla à détruire sa réputation et fit échouer la bonne œuvre. La liberté avec laquelle il s'était /61/ élevé contre les vices et les abus qui régnaient moins à La Garnache que dans les environs[13], avait piqué jusqu'au vif certaines gens du voisinage qui n'aimaient pas à être troublées dans leurs désordres et qui se réunirent pour décréditer un homme dont le zèle leur était insupportable. Ce qui augmenta leur dépit[14] ce fut l'espérance qu'il donna dans son dernier sermon au bon peuple de La Garnache de le revenir voir. Ils résolurent de s'y opposer, et c'est ici la source des différentes croix que le saint homme eut à essuyer dans ce diocèse plus que partout ailleurs.
 
Ils tentèrent d'abord de semer la zizanie dans le champ où il venait de semer le bon grain, mais la vigilance du pasteur rendit leurs efforts inutiles. M. Dorion soutint pendant plus de trente ans après la mission de M. de Montfort, tout le bien qu'il avait fait dans sa paroisse. D'ailleurs les habitants de La Garnache, pleins de vénération pour le saint missionnaire, n'écoutaient pas tranquillement les contes[15] ridicules qu'on voulait leur faire à son sujet, de sorte que ses ennemis furent réduits[16] à porter ailleurs leurs indécentes railleries ou plutôt leurs scandaleuses invectives.
 
On ne sait que trop de quelle manière on travestit dans le monde un prêtre zélé qui, au-dessus des vaines terreurs du respect humain, enseigne à joindre aux devoirs essentiels du christianisme les exercices d'une tendre dévotion qu'il pratique lui-même. Un Prêtre qu'on croit pouvoir désigner par le titre de dévot, n'est plus ce qu'on appelle un homme de mérite, et pour peu que sa conduite ou ses discours aient contrarié les maximes des faux sages et surtout la délicatesse des prudes, il n'est point d'histoires qu'on ne fabrique sur son compte. Une action de zèle, un trait de morale donnent lieu à bien des commentaires. On emploiera jusqu'au mensonge pour placer un bon mot. On ne rougira pas même d'accréditer de faux bruits en disant : J'ai vu et entendu. La satyre qui n'est jamais plus outrée que lorsqu'elle a pour objet les choses saintes[17], se porte alors jusqu'à l'impiété et au blasphème. Les spectacles de religion ne sont plus que farces et charlatanerie. Les discours les plus touchants, elle les parodie à sa mode, et si les mœurs d'un homme dévoué au ministère évangélique sont à l'abri de sa censure, elle attaque ses intentions, elle lui suppose les vues les plus contraires à la sainteté de son état, et veut qu'on doute pour le moins s'il n'est point un hypocrite et un imposteur. /62/
 
Telle était la manière de penser et de parler au sujet du saint missionnaire de La Garnache, dans tout ce canton du diocèse qui confine d'un côté à la Bretagne et de 'autre à la mer. Le curé de Saint-Hilaire de Loulay fut un de ceux qui donna le plus grossièrement dans le piège. Plein d'estime d'abord pour M. Grignion, il l'avait regardé comme un homme puissant en œuvres et en paroles, qui faisait un bien infini partout où il passait. C'est ce qui le détermina à lui demander une mission pour le printemps de 1711. Il l'annonça lui-même[18] à son prône, indiqua le jour où elle devait commencer, exhorta tout le monde à en profiter, fit[19] l'éloge de la mission et du missionnaire qui devait la donner.
 
Ce début, auquel les ennemis de M. de Montfort ne s'attendaient pas les inquiéta furieusement. Ils cherchèrent donc tous les moyens de faire échouer la bonne œuvre. Un d'entre eux, du caractère de celui à qui saint Paul reprocha d’être un homme plein de toute sorte de fourbe et de tromperie, enfant du démon, ennemi de toute justice, et de ne point cesser de renverser les voies droites du Seigneur (Act. XIII. 10), ramassa tout ce qui s'était dit et fait contre le saint homme et fut le porter aux oreilles du pasteur. Celui-ci homme de bien, à la vérité, et rempli de zèle, mais plus facile à se laisser prévenir qu’il ne convenait à son caractère et à sa place, passa tout d'un coup de l'estime et de la vénération qu'il avait pour M. de Montfort, à l'aversion la plus extrême pour sa personne et ses travaux.
 
Cependant l'ouvrier évangélique qui ignorait un changement si extraordinaire part de Nantes pour se rendre à Saint-Hilaire, et croyant trouver M. le Curé tel à son égard qu'il avait été quelques jours auparavant, se présenta chez lui avec confiance. Il ne fut pas longtemps à être détrompé. Non seulement le pasteur séduit lui déclara qu'il ne donnerait point la mission, il ne voulut pas[20] même le loger[21] ; il le chassa honteusement sans égard pour son caractère, sans même être sensible à son pressant besoin car il était très mouillé et très fatigué et la nuit était proche.
 
Le saint prêtre reçut cette humiliation ou plutôt cet outrage, avec une douceur et une modestie qui ont peu d'exemples. Il sortit de la maison aussi tranquille[22] qu'il y était entré et[23] rempli (de) contentement et de cette joie intérieure, fruits précieux qu'il recueillait toujours à la naissance de quelque croix nouvelle. Toute sa peine, et ce qui le toucha sensiblement, ce fut le scandale qu'on allait prendre à son /63/ sujet et le danger où demeuraient tant d'âmes qui l'attendaient comme un ange pour les plonger dans la piscine. Ne pouvant trouver de retraite chez un homme qui l'avait si solennellement invité[24], il alla à une hôtellerie du village pour demander le couvert, mais l'hâte, soit dans la crainte de déplaire[25] à son curé, soit qu'il vit qu'il n'y avait pas grand profit à loger un pauvre prêtre à pied le refusa aussi. L'homme de Dieu[26] exercé à partager avec Jésus-­Christ les opprobres du Calvaire fut charmé de pouvoir aussi entrer en société de ses humiliations à Bethléem. Il se croyait même réduit à ne pas trouver[27] où se mettre à couvert ; mais une pauvre femme du voisinage qui le vit passer[28], lui ayant demandé où il allait si tard, «Je cherche, lui dit-il,[29] quelqu'un qui veuille bien me retirer cette nuit pour l'amour de Dieu.» Alors elle le pria d'entrer dans sa maison. «Je suis bien pauvre, ajouta-t-­elle ; mais j'ai encore un peu de pain et de paille à votre service.» Il accepta son offre, et tandis que selon la promesse de l'évangile, elle se rendait digne de la récompense d'un prophète en recevant un prophète, lui de son côté s'estimait[30] heureux d'avoir trouver l'occasion d'imiter l'abandon et la pauvreté de son divin Maître.
 
93 ‑ Visite à des religieuses de Fontevrault
 
Le lendemain il partit pour Montaigu, petite ville du Luçonnais où il y a une communauté de religieuses de l'ordre de Fontevrault. Il alla leur rendre visite, moins par un motif de bienséance que par religion. Il célébra[31] dans leur église les saints mystères avec cette décence et cette touchante dévotion qui lui attiraient la vénération de tous ceux qui assistaient à sa messe. Le désir qu'eurent les bonnes religieuses d'entendre prêcher un homme qui leur parut si respectable et que, sans doute, elles connaissaient de réputation les détermina à le prier de leur dire quelques mots de Dieu et de leur état. Il se rendit à leur demande et le sermon leur fit à toutes tant d'impression, que ce fut ensuite à qui lui parlerait en particulier pour lui ouvrir son intérieur et profiter de ses avis. Ce jour[32] fut presque tout employé à édifier cette sainte maison, et le missionnaire[33] regarda avec raison comme une de ses fonctions apostoliques d'encourager, des épouses de Jésus-Christ à vivre conformément à la sainteté de leur état, tandis que de leur côté elles profitaient avec empressement /64/ d'une visite[34] qu'elles regardaient plutôt comme l'apparition passagère d'un ange que le ciel leur avait envoyé[35].
 
Au sortir de cette communauté M. de Montfort prit sa route vers Luçon. Une humiliation l'attendait sur le passage. Il avait avec lui le frère Mathurin. Avant d'arriver à un bourg qui s'appelle la Couture, il lui dit d'avancer quelques pas et d'aller demander au curé s'il voulait bien lui donner un morceau à manger pour l'amour de Dieu. Le curé lui envoya un petit morceau de pain comme on en donne à un pauvre. M. de Montfort voyant qu'il n'y en avait pas assez pour son compagnon et pour lui, fut lui-même[36] au presbytère pour demander l'aumône à M. le cure. Il entra dans la salle où il le trouva a table avec grande compagnie et, après lui avoir fait son compliment, il se mit à genoux, selon sa coutume, dit un Ave Maria et l'oraison Visita qu
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sumus
. Le curé le prenant pour un homme dérangé le fit entrer dans sa cuisine et ordonna qu'on lui donna à manger avec ses valets. On lui servit du pain bis avec de mauvais vin. Si ce n'était pas ce qu'il devait attendre, c'est au moins ce qu'il désirait et lui était assez ordinaire d'être régalé de la sorte.
 
Ce repas fait, il vint remercier M. le curé de sa charité. Elle eût sans doute été plus abondante et plus honnête si avant de se décider sur la manière de recevoir son hôte il avait voulu se distraire quelques moments de sa compagnie pour s'entretenir avec lui. Il aurait sûrement vu qu'il avait plus que du bon sens. Il dut le comprendre par la réponse qu'il lui fit à une question assez déplacée. Lui ayant demandé «pourquoi il n'allait point à cheval», (comme s'il était si rare de voir des prêtres voyager à pied, ou par dévotion ou par nécessité). Le pauvre missionnaire lui répondit «que les apôtres n avaient point coutume d'aller à cheval, que cela était bon pour les gens du monde.» Après cela, il prit congé de lui et continua par la même voiture son chemin pour[37] Luçon.
 
94 ‑ M. de Montfort à Luçon
 
En y arrivant, il alla d'abord droit au séminaire pour y faire une retraite, car c'était sa coutume de se préparer par ce saint exercice à ses fonctions évangéliques non seulement afin d'attirer les bénédictions du Seigneur sur ce qu'il entreprenait pour sa gloire, mais encore pour le prier de lui faire connaître dans quel lieu il voulait qu'il fût [38] annoncer sa parole.
 
En effet, il lui est arrivé bien des fois de commencer des voyages sans avoir d'objet déterminé. Un sentiment qui /65/ lui tenait lieu d'inspiration le décidait ensuite, et alors il poursuivait sa route sans dire à personne où elle devait aboutir, ayant remarqué que, lorsque son dessein était connu, les démons semblaient prendre le devant pour indisposer contre lui les esprits et les cœurs.
 
95 ‑ En extase pendant sa messe
 
Ce fut pendant cette retraite qu’il lui arriva un jour de rester comme en extase à l'autel. Un jeune clerc[39] qui lui servait la messe, étonné de le voir immédiatement après la consécration se tenir immobile et les mains jointes sans passer aux autres parties du sacrifice, ne savait à quoi attribuer cette inaction et un si long retardement. Après avoir attendu un gros quart d'heure et n'osant pas monter pour l'avertir[40] de continuer, il alla se placer au coin de l'autel afin qu'il pût l'apercevoir et sortir ainsi de son espèce de ravissement. Mais le pieux célébrant ne voyait que Dieu seul, paraissait privé de l'usage de tous ses sens et restait comme mort. Lejeune homme le considéra dans cet état pendant un autre quart d'heure et ne pouvant plus tenir contre une longueur si extraordinaire n'étant pas d'ailleurs assez instruit[41] pour savoir que le saint prêtre n'aurait pas suspendu pendant un temps si considérable le sacrifice s'il lui eût été libre de le continuer prît le parti de se retirer[42]. On était au réfectoire, et on allait dans peu[43] dire les grâces[44]. Le Supérieur surpris de le voir[45] entrer si tard le prévint et lui demanda si M. de Montfort ne faisait que de finir sa messe[46]. Il s'en faut bien qu'elle ne soit dite, répondit-­il, il y a plus d'une grosse demi-heure[47] qu'il a consacré et depuis ce temps-là, je ne sais[48] s'il est vivant ou mort. On envoya sur le champ un séminariste de théologie qui rapporta après la messe qu'il avait effectivement trouvé M. de Montfort dans la situation[49] où le premier l'avait laissé, et qu'il avait été obligé de le tirer bien fort par sa chasuble pour le faire sortir de son extase, car c'est ainsi qu'il s'exprima. Cet événement confirma tout le séminaire dans l'idée qu'on avait de sa sainteté et fit voir la vérité de ce qu'avaient dit les pères jésuites dès qu'il fut entré : «Qu'il venait d'arriver un saint dans la maison. »
 
Il n'en sortit que pour aller chez les capucins qui voulurent l'avoir à leur tour et partager ainsi avec le séminaire le plaisir de le posséder pendant quelques jours qu'il resta à Luçon. Pieux commerce de charité et de déférence où il ne pouvait y avoir que[50] beaucoup à gagner pour les uns et les autres. Ce fut chez les derniers qu'il composa son beau cantique sur le respect humain.
 
96 ‑ Le sermon à la cathédrale
 
Il ne[51] /66/ manqua pas d'aller rendre ses hommages à Monseigneur l'évêque qui lui fit un accueil des plus gracieux, et sur le témoignage[52] avantageux que lui rendit le même jour un des dignitaires il fut arrêté qu'il prêcherait dans l'église cathédrale le lendemain, qui était le cinquième dimanche après Pâques. Après avoir expliqué succinctement l'évangile du jour qui parle[53] de la prière en général, il s'étendit sur la prière à la sainte Vierge Mère de Dieu et parla[54] surtout de la dévotion du[55] saint rosaire. On sait assez que toutes les fois qu'il traitait cette matière il se surpassait lui-même. Aussi M. l'évêque parut-il très satisfait, et il ne lui sut point mauvais gré d'un trait sur lequel il aurait[56] sans doute[57] moins insisté[58] s'il y eût fait un peu plus d'attention[59] ou peut-être s'il eût su devant qui il parlait. Comme le sujet qu'il traitait lui donna occasion de parler de ce que saint Dominique avait fait pour établir le rosaire et des[60] prodiges en tout genre qu'il avait opérés par cette sainte prière, il ne manqua pas de citer pour exemple la conversion de plus de cent mille hérétiques albigeois et détailla fort au long les ravages affreux que cette hérésie avait faits dan% l'Eglise. Il s'aperçut dans cet endroit que deux chanoines se regardaient en souriant l'un et l'autre et en jetant quelque coup d'oeil sur M. l'évêque. Cela lui fît quelque peine. Il continua néanmoins avec la même assurance. Le sermon fini, il lui survint encore quelque inquiétude, craignant que dans la chaleur de son zèle il ne lui eût échappé quelque chose de déplacé ou qu'on aurait pu mal interpréter. Il fit part de sa peine au[61] dignitaire de l'église, son ami, qui lui répondit qu'il n'avait rien dit qui ne fût très bon et très juste, «cependant, ajouta-t-il, un moment après, comme M. l'évêque est d'Alby et que vous avez ici des ennemis qui pourraient empoisonner dans son esprit la sortie que vous avez faite sur les Albigeois, allons tout[62] à l'heure le voir et lui marquer votre petit embarras.» Ils y allèrent en effet. M. Grignion[63] protesta de la droiture de ses intentions et de sa profonde vénération pour sa Grandeur. Le prélat fut charmé de ce trait de candeur, le rassura[64] et lui dit en souriant : «M. de Montfort, d'une mauvaise souche il sort quelquefois de bons rejetons.»
 
97 ‑ Arrivée à La Rochelle
 
Le lendemain, onzième de mai[65] 1711, il partit pour la Rochelle. Comme il /67/ était un peu tard lorsqu'il y arriva et se[66] trouvant fatigué du voyage qu'il avait fait à pied selon sa coutume, il chercha une hôtellerie pour s'y délasser et prendre quelque nourriture. Un honnête homme à pied, fût-il prêtre, est rarement bien accueilli dans ces sortes d'endroits où l'on ne reçoit jamais les hôtes à titre d'hospitalité. M. de Montfort en avait autrefois fait l'épreuve. Il ne demandait pourtant pas d'être retiré par charité, mais comme il n'annonçait pas un grand profit, la première auberge[67] à laquelle il se présenta n'en put être une pour lui. Il pensa essuyer le même sort dans une seconde, cependant on l'y reçut. Le soir, tandis qu'il prenait un repas très frugal, son compagnon lui dit : «Mon Père, vous n'avez point d'argent, qui est-ce qui paiera demain pour nous ? » ‑ «Ne vous mettez point en peine, mon enfant, répondit-il, la Providence y pourvoira.» Le lendemain il fit monter l'aubergiste dans sa chambre pour compter avec lui. Les articles du mémoire furent bientôt supputés, et la dépense ne se montait qu'à douze ou quatorze sols. «Je n’ai point d'argent, dit le saint voyageur ; mais prenez ma canne, elle vous tiendra lieu de paiement, jusqu'à ce que je vous en envoie la somme.» Comme la valeur du meuble excédait la dette[68], le gage[69] fut accepté, mais quelques personnes de piété le retirèrent bientôt et le digne missionnaire[70] qui était venu à La Rochelle avec toute la pauvreté d'un homme apostolique ne fut pas longtemps à exercer dans le diocèse les fonctions de son ministère.
 
98 ‑ Premières prédications
 
Il[71] ne se fut pas plutôt présenté à M. de Champflour, l'un des plus saints et des plus savants évêques de son temps que le prélat, qui le connaissait de réputation, se fit un plaisir de lui donner les pouvoirs et d'employer un homme que les persécutions qu'il avait essuyées lui rendaient encore plus cher et plus estimable. Il alla aussitôt, selon sa coutume et son attrait, exercer son zèle dans la demeure des pauvres. Mais l’église de l'hôpital, quoique très vaste, ne l'étant pas assez pour contenir la foule prodigieuse de peuple qui venait l'entendre, il fut obligé de prêcher dans la grande cour. Les premiers de ses travaux furent marqués au coin des contradictions, heureux préjugé des fruits de grâce et de salut qu'ils devaient /68/ produire. Les personnes du monde déclamèrent contre sa morale qui ne les accommodait pas. Ceux qui n'osaient la blâmer à raison de la sainteté de leur état et de leur ministère, essayaient au moins de la décréditer en[72] l'attaquant du côté des talents et de la discrétion. Malgré toutes ces contrariétés auxquelles il s'était attendu et qui semblaient le suivre partout, il eut la consolation d'avoir ramené bien des âmes dans le chemin du ciel, et ces nouvelles épreuves ne servirent qu'à l'affermir dans la pensée que Dieu voulait par là épurer ses motifs et ranimer son zèle[73].
 
99 ‑ Mission à L'Houmeau et trois autres en ville
 
La mission de l'hôpital fut suivie de celle de L'Hou­meau paroisse à demie lieue de La Rochelle qui n'eut pas de moindres succès, puis il rentra dans la ville où il en donna trois autres, l'une pour les hommes et les garçons, l'autre pour les femmes et les filles, et la troisième pour les soldats. L'empressement avec lequel on s'était porté à l'entendre à l'hôpital lui fit désirer une église plus vaste pour y faire ses exercices. Celle des pères dominicains[74] lui parut la plus commode. Le choix qu'il en fit par préférence à toute autre les flatta beaucoup, et l'estime singulière qu'ils avaient pour lui leur fut un puissant motif de concourir, autant qu'il était en eux, au succès de ses travaux.
 
Comme on savait qu'il possédait parfaitement la science de la controverse et qu'il avait composé sur cette matière une méthode claire et très propre à convaincre et à instruire les hérétiques, quelques personnes aussi distinguées par leur mérite[75] que par leur savoir auraient désiré qu'il eût fait de temps en temps quelques discours sur cette matière pour tâcher de ramener les protestants dont le nombre est si grand dans cette ville. Mais le sage[76] missionnaire crut devoir suivre[77] une voie différente.
 
Rempli du même zèle qui animait saint Dominique pour la conversion des hérétiques de son temps, il se proposa de le prendre pour modèle. Ce saint apôtre du Languedoc, ayant entrepris de travailler à détruire[78] l'hérésie des Albigeois, avait cru qu'il fallait d'abord[79] entrer avec eux en conférence sur les points qui les séparaient de l'Eglise catholique. Mais bientôt il s'aperçut que ce moyen qui pouvait être suffisant pour les convaincre, ne l'était pas à beaucoup près pour les convertir, que la source de leur obstination était dans le coeur, et que pour les amener à abjurer l'hérésie, il fallait commencer par leur faire haïr le péché. Il pensa donc à /69/ trouver un remède à la corruption de leurs mœurs. Il ne fallait pas moins qu'un miracle de grâce. Il crut pouvoir l'obtenir par l'intercession de la Mère de grâce et de miséricorde et[80] substitua la dévotion du rosaire en la place des disputes, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre[81] du ciel, et par le secours de cette sainte prière il convertissait plus d'hérétiques dans un jour qu'il n'avait fait jusqu'alors par les travaux de plusieurs années.
 
100 ‑ M. de Montfort préfère le rosaire à la controverse
 
   M. de Montfort, l'apôtre du rosaire après saint Dominique, employa[82] avec avantage cette dévotion toute céleste pour convertir des sectaires qui ont emprunté une partie de leurs faux dogmes de l'hérésie des Albigeois. Il laissa les controverses à ceux que M. J'évêque voulut charger de cette partie du ministère. Il s'attacha à inspirer la dévotion du saint rosaire et à expliquer les mystères dont on y rappelle[83] la mémoire au commencement de chaque dizaine. L'église où il prêchait était con sacrée par cette pieuse pratique, et peut-être fut-ce un    des motifs qui l'engagèrent à la choisir pour y faire la mission. Il parlait sur cette matière avec tant de lumières et d'onction que jamais on ne se lassait de l'entendre. Il n'oubliait pas les grandes maximes de la morale[84] et les vérités les plus frappantes de la sainte religion. Elles étaient toujours la base et le point d'appui de tous ses discours. Il les traitait avec une force et une véhémence qui touchaient les cœurs les plus endurcis. Il fut plus d’une fois interrompu par les gémissements et les sanglots de ses auditeurs, et ne pouvant[85] alors se faire entendre, il était obligé de s'arrêter et de leur dire : «Mes enfants, ne pleurez pas, vous m'empêchez de parler. Il est pourtant aussi nécessaire de vous instruire et d'éclairer vos esprits que de toucher vos cœurs.» Il réussit également dans ces deux points[86], l'unique but que doit se proposer un orateur évangélique. Toute la ville de La Rochelle fut touchée, émue, presque entièrement changée. Les pécheurs les plus endurcis venaient, au sortir du sermon, se jeter aux pieds du saint prédicateur. Les autres confesseurs, prêtres séculiers et religieux, pouvaient à peine suffire à entendre les confessions générales. Il n'est pas concevable combien il fit faire de restitutions et de réconciliations. La seule réputation de sa sainteté et la manière dont on en parlait étaient comme une prédication continuelle[87] qui se répétait[88] dans toutes les familles. Les protestants eux-mêmes en furent frappés[89]. /70/ Ce qu'on leur disait du prédicateur[90] les engagea à venir l'entendre. Ses discours[91] firent sur eux de vives impressions ; plusieurs abjurèrent leurs erreurs et revinrent sincèrement au giron de l'Eglise. Le changement de ceux qui les premiers ouvrirent les yeux à la lumière de la foi fut comme un signal qui en attira un grand nombre d'autres.
 
101 ‑ La conversion de Madame de Mailly
 
Mais rien ne fit une plus forte sensation et ne contrista davantage le parti huguenot que la conversion éclatante de Madame de Mailly. C'était une personne de condition et de beaucoup d'esprit. Elle avait passé en Angleterre, d'où elle était revenue en France pour fixer sa demeure[92] à Paris. Des affaires[93] l'avait obligée de faire quelque séjour à La Rochelle. Ce fut pendant cet intervalle[94] qu'elle fit connaissance avec M. de Montfort. Charmée des merveilles qu'on lui racontait de ce prêtre zélé[95], elle conçut un grand désir de le voir et de s'entretenir avec lui[96]. Elle s'en ouvrit à une demoiselle catholique qui en parla à l'homme de Dieu[97]. Il se rendit au lieu[98] dont on était convenu pour la conférence. La dame fut d'abord frappée de son air de sainteté, de sa retenue, de sa modeste simplicité. Elle goûta beaucoup le talent singulier qu'il avait pour s'entretenir des choses de Dieu d'une manière également aisée[99] et persuasive et qui rendait la vertu aussi aimable dans sa bouche qu'elle était austère dans sa conduite. Il répondit à ses questions avec tant de précision et de lumières et lui mit les vérités catholiques dans un si beau jour, que dès ce premier entretien, elle se trouva presque entièrement changée. Ses propres réflexions ayant achevé de la convaincre, elle pria M. de Montfort de vouloir lui servir de guide et de consommer son ouvrage. Cette conversion devenue publique[100] fit une sensation des plus grandes et plusieurs protestants[101] qui étaient déjà ébranlés ne tardèrent plus (à faire) une profession ouverte de leur soumission à l'Eglise romaine.
 
Le pieux controversiste[102] qui comptait si fort sur la, dévotion du rosaire pour convertir les hérétiques ne manqua pas de la proposer à sa fervente néophyte, comme le moyen le plus propre à assurer sa persévérance. Elle s'y engagea avec de grands sentiments de piété et fut si exacte à dire[103] cette sainte prière que quand elle se souvenait la nuit de l'avoir omise, elle se levait à l'instant pour la réciter. Elle a persévéré dans cette religieuse pratique[104] jusqu'à sa mort qui arriva vers l'an 1749 à[105] /73/ Paris où elle résida toujours depuis sa conversion, sur la paroisse de St Sulpice, qu'elle ne cessa d'édifier par une vie sainte et où elle a laissé Mademoiselle sa fille digne héritière de sa vertu. Cette vertueuse dame ne pouvait parler de M. de Montfort sans verser des larmes et sans faire éclater les sentiments de sa vive reconnaissance[106].
 
102 ‑ Au danger de sa vie
 
/71/ Il[107] travaillait à déraciner tous les vices, mais celui contre lequel son zèle éclatait davantage, c'était le vice honteux de l'impureté[108]. Plus d'une fois, au risque de sa vie, il arracha de leurs infâmes demeures les malheureuses victimes du libertinage. Il ne connaissait alors d'autre danger que celui de laisser périr des âmes qui elles-mêmes en faisaient périr tant d'autres. Il faut des anges pour exécuter les ordres de Dieu[109] dans le séjour de l'abomination. Un St François Régis l'avait fait avec succès. M. de Montfort crut devoir marcher sur ses traces[110]. Il le fit aux mêmes risques et avec le même héroïsme de fermeté. Nous nous hâtons ici de détourner nos regards ; mais à peine pouvons-nous retenir nos larmes, en voyant le saint prêtre aux pieds d'un scélérat qui d'une main le tient par les cheveux[111] et de l'autre tire son épée dont il menace de le percer, «Ah ! très volontiers, Monsieur, lui dit le serviteur de Dieu, je consens que vous m'ôtiez la vie, pourvu que vous me promettiez de vous convertir, car j'aime mieux mille fois le salut de votre âme que dix mille vies comme la mienne.» Ces paroles furent comme un coup de foudre qui arrêtèrent l'assassin. Il en fut si frappé qu'il sortit tout tremblant. Tout le reste s'était déjà dissipé. Il ne restait qu’une de ces pauvres malheureuses, qui, dès [112] que M. de Montfort était entré s'était mise à genoux comme lui et ne s'était point relevée. «Elle était plus que demi-morte aussi bien que moi, dit celui qui avait accompagné le saint homme, sans savoir où il le conduisait. M. de Montfort l'emmena avec nous, et la mit entre les mains d'une fille très pieuse qui l'instruisit si bien qu'elle devint en peu un parfait modèle de pénitence, publiant jusqu'à la mort l'inestimable faveur dont elle était redevable au zèle héroïque de celui[113] qu'elle regarda toujours comme un ange gardien que Dieu lui avait envoyé pour la tirer de l'abîme du péché et la mettre dans le chemin du salut.» C'est ainsi qu'il en usait à l'égard d'un grand nombre d'autres, dont il sauva l'innocence[114], ou dont il assura la conversion.
 
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103 ‑ Calomnié et justifié
 
La mission qu'il avait donnée[115] à l'hôpital général lui avait fait des ennemis. Celle qu'il donnait alors[116] dans le centre de la ville, lui en suscita un Plus grand nombre encore. On entreprit d'abord de le décrier dans l'esprit du peuple. Il fallait pour cela employer les injures les plus grossières et parler le langage des halles. Rien ne fut épargné. Le prêtre étranger qui prêchait aux Jacobins, n'était qu'un coureur, un aventurier, un bateleur, un hypocrite[117] ; c'était même un enchanteur, un possédé, un sorcier, un antéchrist. Heureusement le bon peuple était trop prévenu en sa faveur pour qu'on pût lui faire illusion, et une passion si marquée ne portait préjudice qu'à ceux qu'elle faisait agir et parler. Il fallut donc prendre un parti moins odieux et faire entendre ailleurs des reproches moins insultants[118]. Ne pouvant séduire le troupeau, on alla frapper l'oreille du pasteur.[119] Pour indisposer M. l'évêque contre le missionnaire, on le lui représenta comme un homme d'un zèle bizarre et extravagant, comme un esprit impétueux, brouillon, indiscret, qui se mêlait de tout, s'ingérait dans le secret des familles et en troublait la paix, qui attaquait tout le monde sans épargner les plus honnêtes gens dont il fait des portraits affreux, que ses prédications étaient moins des discours chrétiens que des satyres continuelles et des invectives sanglantes dont personne n'était à couvert, qu'il fallait réprimer les excès d'un zèle si peu mesuré et que le mieux serait de lui ôter les pouvoirs.
 
Le prélat[120] aussi rempli de sagesse que de piété démêla aisément les intentions de ceux /74/ qui lui tenaient de semblables discours, et bien loin de se laisser prévenir[121] contre un homme dont il connaissait le mérite, il pensa au moyen le plus propre à faire tomber tant de calomnieuses imputations. Il agit donc comme si en effet il eût eu quelque égard aux rapports qu'on venait lui faire. Il appela trois chanoines de sa cathédrale, leur fit part de tout ce qu'on lui avait dit et les chargea d'observer de près la conduite du missionnaire, de le suivre dans ses sermons, d'assister à ses exercices, de vérifier les faits qui occasionnaient les plaintes, et de lui faire un fidèle rapport de tout, dans un temps qu'il leur fixa. Ces trois messieurs choisis parmi ce qu'il y avait de plus éclairé et de plus judicieux dans le chapitre s'acquittèrent exactement de leur commission et tous trois s'accordèrent à[122] rendre à M. de Montfort le témoignage le plus favorable et le plus glorieux.
 
«Nous l'avons entendu, dirent-ils, c'est un ouvrier infatigable, qui ne respire que la gloire de Dieu. Il combat le vice avec le zèle d'un apôtre. S'il poursuit vivement le péché, il ménage le pécheur avec toute la charité possible. Il fait la guerre au scandale avec une sainte liberté, sans être retenu par aucune considération. C'est uniquement ce qui a soulevé contre lui plusieurs pécheurs scandaleux.
 
Tel fut le rapport des commissaires. Le prélat fut charmé de le voir conforme à l'idée avantageuse qu'il avait toujours eue du serviteur de Dieu. Dès lors il se déclara son protecteur et prit hautement sa défense. Il le fit venir, lui donna publiquement des marques[123] de son estime et de sa bienveillance et l'exhorta à combattre le vice avec la même fermeté qu'il avait toujours fait paraitre.
 
La sage conduite de M. de Champflour déconcerta l'iniquité, et mit l'homme apostolique en état[124] de remplir ses fonctions sans plus craindre ces délations calomnieuses contre lesquelles les supérieurs ecclésiastiques ne sauraient être trop en garde. Heureux ceux qui savent donner[125] leur confiance à des hommes amateurs du vrai, assez habiles pour dévoiler l'imposture, assez éclairés pour découvrir le mérite qu'on veut obscurcir ou qui se cache, vraiment dignes d'être l'ouïe de l'évêque et les dépositaires de son autorité.
 
Pour qu'il ne manquât rien à la justification de M. de Montfort, Dieu voulut que plusieurs de ceux qui avaient le plus cherché à l'humilier fûssent les premiers à faire
 
6eme Cayer
 
de lui les plus grands éloges. L'un d'eux, homme de qualité[126] ayant tenu publiquement des propos désavangeux de sa conduite et de ses sermons, ressentit un jour, en l'entendant prêcher, un remords si vif et si pressant que le lendemain, de grand matin, il alla[127] le trouver, lui fit /75/ des excuses et lui avoua qu'il n'avait pu dormir toute la nuit, tant sa conscience lui avait fait de reproches sur ce qu'il avait dit à son sujet. Le saint homme le reçut avec les égards dûs à sa condition, lui parla avec bonté, acheva de le gagner à Dieu, et trouva dans la suite en lui un de ses plus zélés défenseurs. Un autre qui en était venu jusqu'à faire des railleries impies et scandaleuses de ce que le touchant prédicateur disait en chaire, tomba peu de temps après dangereusement malade. Il le fit prier de venir le voir, lui demanda pardon de tous ses excès devant ceux de sa famille qui se trouvèrent alors à la maison, s'offrit même à rétracter par un désaveu public ce qu'il avait faussement avancé contre lui, et, sur ce que l'humble prêtre[128], bien loin d'y consentir lui en fit, une défense expresse, il le fit d'une manière plus persuasive encore, en le priant de vouloir bien être le dépositaire de sa conscience. Il lui fit une confession générale de toute sa vie et mourut saintement entre ses bras.
 
104 ‑ Projet d'assassinat
 
Cependant les ennemis de M. de Montfort ne se contentaient pas de l'attaquer par les traits de leur langue ; quelques-uns en préparaient contre lui de plus dangereux. Trois scélérats se déterminèrent à attenter à sa vie et à «décharger, disaient-ils, la terre d'un homme qui était si contraire et si à charge au public.» L'un d'eux, ayant appris qu'un soir il devait aller chez le sieur Adam, son sculpteur, courut aussitôt en donner avis aux deux autres. «Son chemin, dit-il, est de passer par cette petite rue fort obscure et peu fréquentée. C'est là qu'il faut l'attendre, et nous défaire de cet ennemi du genre humain. » Le serviteur de Dieu qui ne savait rien de ce qui se tramait contre lui, sort tranquillement avec son compagnon pour aller chez le sieur Adam. Rendu à la rue où les assassins l'attendaient, il allait l'enfiler lorsque, tout à coup, il se sentit dans tout le corps un frissonnement extraordinaire. Il le prit pour un avertissement intérieur de ne point passer outre, et rebroussa chemin. «Nous nous égarons, monsieur, lui dit son compagnon.» Mais il eut beau dire, il fallut rétrograder et faire autant de chemin qu'ils en avaient déjà fait, pour éviter cette rue. Les conjurés[129], s'ennuyant de ne point voir arriver leur victime, l'un d'eux se détacha pour s'avancer jusqu'à l'entrée de la rue. La passion le /76/ transportait si fort, qu'il fut assez inconsidéré pour demander à quelqu'un qu'il trouva dans le carrefour s'il n'avait point vu M. de Montfort passer depuis peu. On lui répondit qu'il venait de passer dans l'instant, qu'il avait été jusqu'à l'entrée de la rue d'où il sortait, mais qu'il avait aussitôt retourné sur ses pas et pris un autre chemin. Alors ce forcené, jurant comme un démon, dit tout haut : «Cet homme est un sorcier, c'est un devin, car il n'y a que le diable qui ait pu lui dire que nous étions ici à l'attendre. Il a bien fait, car s'il avait passé, il serait à présent à tous les diables.» On serait assez embarrassé[130] de dire lequel dans cette occasion courut[131] le plus de risque, ou M. de Montfort que quelques pas de plus allaient mettre à la discrétion de ces monstres, ou de ce malheureux, que les paroles qu'il venait de prononcer auraient conduit sur un échafaud, si l'on en eût fait suite.
 
Le serviteur de Dieu[132] continuait son chemin sous les ailes de la Providence. A quelque distance de l'endroit où il s'était détourné[133], son compagnon lui demanda pourquoi il n'avait pas voulu passer par cette rue, puisque c'était le chemin le plus court. «Je n'en sais rien, répliqua-t-il, mais lorsque nous avons été vis-à-vis, mon cœur s'est trouvé froid comme de la glace et je n'ai pu avancer.»
 
Ce mystère, qui était alors caché à M. de Montfort et à son compagnon, fut quelque temps après développé à celui-ci d'une manière fort claire. Comme il revenait de Nantes à La Rochelle, il rencontra sur la route sept cavaliers qui suivaient le messager. «Il n'y eut, dit-il, ni dinée ni couchée où ils ne mirent sur le tapis M. de Montfort et où ils n'en dirent des choses qui ne convenaient qu'aux plus grands scélérats, et quand il aurait commis les crimes les plus inouïs ils n'auraient pas pu le traiter plus indignement. A la dernière couchée qui fut au Poiré, à sept lieues[134] de La Rochelle, (c'est toujours le même voyageur qui parle) on ne se coucha point, parce qu'on devait s'embarquer à minuit pour passer à Marans. Cependant ces messieurs se retirèrent dans une chambre haute, et moi je me retirai dans une chambre basse, immédiatement au-dessous d'eux, d'où j'entendais aisément tout ce qu'ils disaient. Ils prirent encore M. de Montfort pour le sujet de leur conversation. Il n'y a point d'injures qu'ils ne vomirent /77/ contre lui. «Si je le rencontrais dans un lieu écarté, dit l'un d'entre eux, je lui passerais mon épée au travers du corps.» A ce sujet un autre raconta que lui et deux de ses amis avaient cent fois cherché l'occasion de le rencontrer seul à seul. ... Nous apprimes un jour, ajouta-t-il, qu'il devait aller un dimanche au soir chez Adam sculpteur, et qu'il devait passer par cette petite rue de La Rochelle. Nous y fumes dès sept heures du soir[135], mais il n'y vint point. Un de la compagnie lui demanda ce qu'il lui aurait fait, s'il avait passé. Nous lui aurions cassé la tête, répliqua-t-il.»[136]
 
Un aveu si formel fait bien voir que le saisissement qu' [137] avait éprouvé le serviteur de Dieu, dans le danger inconnu où il s'était trouvé, tenait du prodige.
 
105 ‑ Tentative d'empoisonnement
 
Mais si la guerre qu'il faisait au libertinage pensa le faire expirer sous des armes meurtrières, son zèle à combattre l'hérésie, l'exposa de plus près encore à périr sous l'effort du poison. Les calvinistes de La Rochelle, outrés de ce qu'il enlevait tous les jours quelques dépouilles à leur secte[138]. complotèrent entre eux pour s'en défaire par une de ces voies cachées que le démon de l'erreur, serpent adroit et venimeux[139], pouvait seul leur inspirer. Ils empoisonnèrent un bouillon qu'on lui donna un jour après avoir prêché. Il ne l'eut pas plus tôt pris que l'effet se fit sentir[140]. On eut recours aux remèdes qui pour le moment lui sauvèrent la vie, mais ils ne purent être assez efficaces pour empêcher entièrement les suites du mal. Il s'en ressentit le reste de ses jours[141]. Ce fut lui-même qui raconta ce fait à M. Blain lorsqu'il alla le voir à Rouen en 1714. Celui-ci eut peine à le reconnaitre.
 
«Je le trouvai, dit-il, fort changé, épuisé. Je fus dès lors persuadé que sa fin n'était pas éloignée, quoiqu'il n'eût alors qu'environ quarante-et-un ans. Il me dit pour raison de cette grande destruction de ses forces que les huguenots l'avaient voulu empoisonner, et que c'était depuis ce temps qu'il se sentait toujours exténué et défaillant.»
 
106 ‑ La mission des soldats
 
Ce tragique événement ne l'empêcha pas cependant d'entreprendre une nouvelle mission pour les soldats des casernes de La Rochelle, et on ne vit peut-être jamais 78/ mieux que dans cette occasion ce que peut un prédicateur animé de l'esprit de Jésus-Christ. On entendait presqu’à tous les sermons ces pauvres militaires jeter les hauts cris. On les voyait à la fin de chaque exhortation se prosterner contre terre criant miséricorde. Lorsqu'ils venaient se jeter à ses pieds pour se confesser, ils arrosaient son surplis de leurs larmes. Il fut[142] même un jour obligé de laisser[143] son mouchoir à l'un d'eux, pour essuyer les siennes. On ne parlait dans toute la ville que des conversions qui se faisaient dans cette mission. M. de Cha­milly, gouverneur de La Rochelle, en conçut tant d'estime pour le serviteur de Dieu, qu'il souhaita que pendant le reste de la mission, il n'eût point[144] d'autre table que la sienne. M. de Montfort s'en excusa poliment sur ses occupations[145], et n'y mangea que rarement. Encore savait-il faire payer bien cher à son corps par de sanglantes austérités les repas qu'il avait pris à une table si bien servie.
 
C'était un spectacle bien touchant de le voir dans les rues de La Rochelle toujours environné d'officiers et de soldats, et, lorsqu'ils venaient à la maison pour lui demander des conseils, il ne leur disait que ce peu de paroles[146] : «Contentez-vous de votre paie. Ne faites tort a personne. Soyez fidèles à Dieu et au Roi. Obéissez à ceux qui vous commandent, en un mot, soyez des soldats chrétiens.» Comme plusieurs d'entre eux ne savaient pas lire, il composa exprès un beau cantique qu'ils pouvaient aisément apprendre par cœur à l'entendre chanter à leurs camarades, et qui leur servirait de règlement de vie pour conserver les fruits de la mission.
 
Une procession de militaires ne peut être qu'un spectacle bien édifiant ; celle qu'il leur fit faire en fut un qui tira les larmes des yeux de tous les spectateurs, et ces hommes, qu'un coup de baguette eût fait donner comme des lions contre l'ennemi, marchaient à l'harmonie des saints cantiques, comme de vrais anachorètes. On voyait à la tête un officier qui portait un drapeau ou étendard de la croix les pieds nus. Tous les soldats le suivaient, aussi les pieds nus, tenant un crucifix dans une main et un chapelet dans l'autre. Les chantres, d'espace en espace, entonnaient ces mots : Sainte Vierge demandez pour nous, et le chœur répondait : Le saint amour de Dieu. Et cette réponse se faisait d'un air si touchant, chacun ayant les yeux baissés sur son crucifix, qu'elle portait le feu de la divine /79/ charité dans le cœur de tous ceux qui furent témoins de cette religieuse pompe vraiment digne de l'admiration des anges et des hommes.[147]
 
107 ‑ Les croix en l'air
 
La fin de toutes ces missions fut signalée par un événement qui sembla annoncer que le ciel lui-même en garantissait le succès. Lorsqu'on eut porté à la porte Dauphine celle des croix qui devait y être plantée, M. de Montfort prononça[148] selon sa coutume un discours sur cette édifiante cérémonie. A peine avait-il commencé qu'il se fit un bruit étonnant au milieu de l'auditoire, composé non seulement des habitants de la ville mais encore de ceux des paroisses circonvoisines, qui étaient accourus à ce religieux spectacle. On[149] entendit une multitude de voix qui criaient : «Miracle, miracle, nous voyons des croix en l'air.» Il n'est guère possible qu'un si grand nombre de personnes se soit fait illusion, jusqu'à croire voir ce qu'elles n'auraient pas vu en effet. Si le phénomène ne fut pas visible pour tout le monde, c'est peut-être parce que Dieu se plait souvent[150] à mêler un peu d'obscurité dans les prodiges qu'il opère selon les besoins de ceux en faveur de qui il les fait, et les vues de gr
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ce et de miséricorde qu'il se propose. La croix lumineuse qui parut aux yeux de l'empereur Constantin et de son armée fut non seulement pour lui présager la victoire qu'il allait remporter sur Maxence, après avoir substitué aux enseignes de l'empire l'étendard de la croix, mais encore pour le déterminer à embrasser[151] la religion de Jésus-Christ. On peut rapporter à une cause assez semblable l'apparition des croix aériennes dont nous venons de parler. Dieu, sans doute, voulait d'un côté rendre complète la victoire que les missions avaient remportée sur le tyran des âmes l'ennemi du salut et d'un autre, autoriser le culte de la croix en présence d'un grand nombre de protestants qui selon les apparences se trouvaient mêlés parmi le peuple catholique.
 
108 ‑ Voyage et mission à l'Ille D'Yeu
 
M. de Montfort, après avoir répandu des fruits de salut à La Rochelle et dans les lieux circonvoisins, fut appelé dans le diocèse de Luçon. L'évêque le connaissait déjà, mais instruit par la voix publique des biens infinis que produisaient ses missions, il lui écrivit qu'il se promettait autant de son zèle pour la sanctification des peuples confiés à ses soins, mais qu'il y avait surtout un canton de son diocèse, lequel privé de secours par la position[152] où le mettait la mer, en avait plus besoin que tout autre. C'était l'Ile D'Yeu, éloignée de sept lieues des terres. On ne peut[153] dire quelle fut dans cette occasion[154] la joie du saint missionnaire, et avec quel empressement il se prépara à entrer dans cette nouvelle carrière. Il ne pensa qu'à hâter son voyage et il fut résolu[155] qu'il irait par mer avec les trois autres missionnaires. La nouvelle en fut bientôt portée à La Rochelle. Les calvinistes qui ne pouvaient oublier ni digérer les conquêtes qu'il avait faites sur eux, crurent l'occasion favorable pour se défaire enfin d'un homme dont ils avaient depuis bien du temps conjuré la perte.
La France était alors en guerre avec J'Angleterre, et les corsaires de Guernesey infestaient les côtes de la Bretagne, de l'Aunis et du Poitou. Les protestants leurs amis traitèrent avec l'un d'eux pour enlever M. de Montfort dans le trajet et les en délivrer. La partie était bien liée. Messieurs les réformés, toujours aussi ennemis de, l'Etat que de l'Eglise, avaient pris toutes leurs mesures pour livrer aux Anglais des prêtres sujets du roi.[156] Ils n'en avaient fait confidence qu'aux personnes discrètes de la secte,[157] mais apparemment[158] ils n'avaient pas donné la chose sous le sceau de la confession et le secret[159] fut éventé. M. Clémenson, chez qui les missionnaires demeuraient alors, les avertit qu'il savait de science certaine qu'on les avait vendus aux Guernezains[160]. On le dit à M. de Montfort. Il n'était pas accoutumé à craindre, et ne fit aucun cas de cet avertissement. Cependant les autres n'en pensaient pas de même et ils persistaient fortement à dire qu'il ne fallait pas s'exposer au danger. Lui, toujours ferme, s'efforçait de les rassurer, riait agréablement de leur frayeur, et prenant ensuite un ton plus sérieux leur disait : «Qu'il n'y avait en cela aucune apparence de vérité, que les ennemis de Dieu et du salut des âmes avaient inventé cette fourberie pour leur faire peur et les empêcher d'aller travailler à la conversion de ces pauvres insulaires.» /80/ Il ajoutait : «Si les martyrs avaient été aussi lâches que nous, ils n'auraient pas la couronne de gloire dont ils jouissent. Pour moi, sans m'arrêter[161] à toutes ces vaines terreurs[162], j’irai toujours où m'appellera la gloire de Dieu et le salut des âmes.» Un des missionnaires qui savait qu'il était quelquefois à propos de s'opposer[163] à l'ardeur de son zèle, lui répliqua : «Qu'il n'avait pas le courage des martyrs, ni le sien ; mais qu'il se savait bon gré d'avoir été timide dans une occasion où il pensa périr avec lui. Vous pouvez, ajouta-t-il,[164] vous embarquer quand il vous plaira, pour moi, je ne vous suivrai pas et je vas prendre une autre route pour vous aller joindre.»
 
L'homme de Dieu, quoique ferme dans ses sentiments, savait pourtant les sacrifier au devoir d'une sainte amitié et d'une charitable complaisance, et alors son humilité secondait merveilleusement les dispositions de son cœur. Il acquiesça donc à tout ce qu'on voulut et se détermina à prendre une autre voie pour aller à l'Ile D'Yeu. Le départ fut différé de quelques jours. «Et ce fut, dit le même missionnaire qui rapporte ce fait, un grand bonheur pour nous, car nous apprîmes bientôt après que la barque qui nous devait passer, étant partie à deux heures du matin, avait été prise le même jour par un corsaire de Guernesey qui fut bien surpris de ne nous y pas trouver, car il demanda d'abord au patron de la barque dont il s'était rendu maître, où étaient les prêtres qui devaient passer à l'Ile-D’Yeu. Lequel lui ayant répondu qu'ils étaient restés à La Rochelle : Tant pis pour toi, répliqua le corsaire. Je me serais contenté de les prendre, et je t'aurais renvoyé avec ton équipage, mais puisque tu ne les as pas[165], tu perdras la barque et les marchandises. » On conseilla à M. de Montfort de prendre la route de terre et d'aller jusqu'aux Sables, où ils trouveraient un embarquement plus prompt et plus assuré. Il suivit ce conseil et se mit en chemin.
 
Arrivé aux Sables, il s'informa dans la ville s'il pouvait espérer de passer à J'Ile‑D'Yeu, mais il ne trouva aucun marinier qui voulût tenter le passage. Les côtes des environs étaient trop bien gardées par les ennemis depuis plus de quinze jours. On lui dit d'avancer jusqu'à Saint-Gilles, /81/ petit port de mer qui n'est[166] éloigné que de trois lieues, et que là il pourrait trouver quelque occasion favorable, le trajet étant moins long et moins risquable. Mais là, comme aux Sables, tous les matelots refusèrent de le passer. Il en conçut un chagrin extrême. Cependant, toujours supérieur à tous les obstacles, il fait une dernière tentative, va trouver un maître de barque, le prie[167] avec tant d'instance, lui assure avec tant de fermeté qu'il ne leur arrivera aucun accident[168], et que la sainte Vierge les gardera, qu'il se détermina à se mettre à la mer. Mais à peine eurent-ils fait trois lieues qu'ils aperçurent deux vaisseaux guernezains qui venaient sur eux à toutes voiles. Pour comble de malheur le vent leur était contraire et la barque n'avançait qu'à force de rames. Les matelots s'écrièrent : «Nous sommes pris», et ces pauvres gens faisaient des cris lamentables. M. de Montfort les rassurait en leur disant : «Ne craignez rien, et ne vous ressouvenez-vous pas que je vous ai promis que notre bonne Mère nous empêcherait d'être pris ? » En disant cela il tira une[169] figure de la sainte Vierge, la posa[170] sur le bord de la barque, se mit à chanter des cantiques en son honneur et invita tous les autres à en faire autant.
 
La crainte n'est guère une disposition à chanter, lors même que le chant est une prière. Personne ne répondait. Il leur dit donc : «Eh ! bien, mes chers amis, récitons ensemble le chapelet.» Ils le récitèrent avec lui, et l'on peut penser si leur prière était fervente. Le chapelet fini, il leur dit : «Mes chers amis, encore une fois ne craignez rien, notre bonne Mère la sainte Vierge nous a secourus nous sommes hors de danger.» Cependant, les vaisseaux corsaires les suivaient de si près qu'ils étaient à la portée du canon, ce qui fit dire à un des matelots : «Eh ! comment serions-nous hors de danger ? L'ennemi est sur nous, et prêt à fondre sur notre barque, préparons-nous plutôt à faire le voyage d'Angleterre.» «Ayez de la foi, mes enfants, répliqua le saint homme, les vents vont changer. » A peine[171] avait-il fini de parler, qu'il s'éleva[172] un brouillard qui déroba leur chaloupe à la vue[173] des pirates. Ceux-ci n'espérant plus d'atteindre leur proie, virèrent de bord, et la tranquillité fut rendue à la /82/ barque de la mission. Elle aperçut bientôt la terre de J'Ile‑D'Yeu. Et ce fut alors que[174] l'on chanta de bon coeur le Magnificat en action de grâce d’une protection si marquée de celle que l'Eglise appelle l'Etoile de la mer.
 
M. de Montfort fut reçu dans l'île avec des démonstrations de joie qu'il serait difficile d'exprimer. Le clergé et le peuple vinrent au-devant de lui jusque sur le rivage. Le curé, qui lui-même était un saint, lui donna des témoignages de la plus vive reconnaissance. Un seul homme parut ne point prendre part à la joie publique ; ce fut le gouverneur qui en effet ne vit qu'avec un extrême regret le pieux missionnaire entrer dans l'île, et qui le traversa pendant tout le cours de la mission.
On le logea, lui et ses confrères, dans une maison proche de l'église, appartenant à la fabrique. On la nomma, selon l'usage, la Providence et elle en porte encore aujourd'hui le nom.
 
A peine la mission fut-elle commencée que les fruits conversion s'annoncèrent par des signes sensibles. La terre était bien préparée. Les habitants de l'île savaient[175] tout le bien qu'avait produit la mission de La Garnache ; ils avaient[176] sous les yeux l'espèce de prodige qui venait d'arracher l'homme apostolique[177] des mains des pirates, et ils ne pouvaient manquer de se convertir à la prédication d'un prophète, qui bien loin d'avoir voulu se soustraire aux ordres du Seigneur, s'était exposé avec tant de courage aux périls de la mer pour venir leur prêcher la pénitence. Tout eût réussi au gré du serviteur de Dieu si le gouverneur eût voulu suivre l'exemple de la multitude. Son obstination à ne pas profiter comme les autres de ses travaux et de son zèle fut l'unique croix qu'il trouva dans ce lieu, lui qui était accoutumé à les voir naître sous ses pas. Il est vrai que dans la suite il le trouva plus traitable, qu'on le vit même donner quelques marques de bienveillance aux ouvriers évangéliques. C'est tout ce qu'il fit pour eux, et il ne rien pour lui-même.
 
M. de Montfort n'oubliait pas les pauvres qui étaient toujours le plus cher objet[178] de ses soins. Outre un ou deux qu'il avait toujours à sa table, chaque jour il les assemblait tous pour leur donner leur subsistance. Voici le plan qu'il s'était proposé pour y réussir et qu'il suivait exactement. Il convoquait les dames et les demoiselles de la paroisse, leur faisait un petit discours sur le /83/ mérite des bonnes œuvres et surtout de l'aumône. Il leur disait que sa coutume était que les pauvres du lieu fussent nourris pendant la mission, afin de les pouvoir tous assembler et les mettre à lieu d'être[179] instruits des devoirs du christianisme que la plupart ignoraient. Il les exhortait à donner la main à cette bonne œuvre. Il cherchait ensuite une maison dans l'endroit, où journellement on faisait bouillir une marmite pour tous les pauvres. Tout le monde était invité à y contribuer, chacun selon ses facultés. Le repas était préparé par les personnes pieuses qui s'en étaient chargées. L'homme de miséricorde s’y trouvait tous les jours pour dire le Benedicite, faisait lui-même une lecture, disait les grâces, et avant de renvoyer les pauvres, leur parlait sur l'obligation de joindre la sainteté avec la pauvreté, sans quoi ils seraient malheureux dans ce monde et dans l'autre. Il les envoyait au catéchisme, ou le leur faisait lui-même afin de les disposer à gagner leur mission.[180]
 
La mission finie, ils se séparaient[181] aussi édifiés de la tendre charité du saint prêtre que pénétrés des grandes vérités qu'ils avaient entendues et bénissant Dieu de les avoir privés des richesses de la terre pour leur faire acquérir plus sûrement les richesses du ciel. Ce serait nous répéter que d'entrer dans le détail[182] de tout le bien que produisit cette mission. D'ailleurs ce n'est point les succès de M. de Montfort que nous voulons[183] mettre sous les yeux des ouvriers évangéliques ; ils pourraient leur paraître trop au-dessus de leurs efforts. Nous nous attachons principalement aux moyens qu'il employait pour réussir afin que chacun puisse les prendre pour modèle[184].
 
Celui qu'il croyait le plus propre à rendre les conversions solides et durables, c'était l'établissement de la dévotion du rosaire. Aussi ne manqua-t-il pas de l'établir dans l'Ile-D'Yeu, où l'on a toujours continué à le dire depuis dans trois chapelles consacrées à la sainte Vierge, l'une appelée de bonne nouvelle, à la Meule, la seconde dans le champ de Saint Hilaire, et la troisième sous le nom de Notre-Dame de bon secours sur le port.
 
Au sortir de l'lle‑D'Yeu M. de Montfort prit la route de Nantes, et comme son chemin était de passer par La Garnache, il revit avec plaisir les bons habitants de cette ville, le digne et saint Pasteur qui les gouvernait et qu'il portait toujours dans son cœur. Il concerta avec lui une retraite qu'il donna en effet après[185] /84/ son voyage de Nantes dans la chapelle de Notre-Dame de victoire, dont il fit la bénédiction et où il plaça la figure de la sainte Vierge sur l'autel, dans la niche qu'il avait fait construire avec un goût et un travail exquis. Depuis ce temps-là, il y a toujours eu un concours extraordinaire de pèlerins à cette chapelle, et les offrandes qu'on y fait sont si considérables que la paroisse a été obligée de nommer un trésorier pour les recueillir et en tenir compte. La dévotion des fidèles est récompensée par un nombre infini de guérisons, et lorsque j'y allai en 1763, un bon vieillard du temps de M. de Montfort m'assura avoir vu plus de soixante personnes y laisser leurs béquilles, se trouvant subitement guéries et en état de s'en aller[186]. Les larmes qu'il versait en disant ceci m'attestaient assez la vérité et la sincérité de ses paroles.
 
109 ‑ La mission de Salertaine
 
M. le curé de Salertaine qui avait déjà concerté avec l'homme de Dieu une mission pour sa paroisse, le sachant à La Garnache, vint l'y trouver[187]. Le projet de cette bonne œuvre ne fut pas plutôt répandu qu'il se forma mille complots pour en empêcher l'exécution. On renouvela toutes les anciennes fables qu'on avait débitées. On indisposa contre les missionnaires des gens de tous états et de toutes conditions. Ce qu'il y avait de plus apparent, de plus distingué dans la paroisse s'étant laissé prévenir[188], entraîna presque toute la multitude, et[189] le pieux pasteur eut à se raidir contre son troupeau pour lui procurer un des plus grands avantages qu'il pût attendre de son zèle. Cependant, il ne se découragea point. Après avoir fait part à M. de Montfort et au curé de La Garnache de tous les obstacles qui s'opposaient à son dessein, il convint avec eux d'un expédient également propre à faire impression sur l'esprit du peuple et à couvrir de confusion les ennemis de Dieu et de son œuvre. Ils arrêtèrent donc que le jour de l'Ascension, immédiatement après vêpres, les deux curés partiraient processionnellement, celui de La Garnache pour aller, accompagné de M. de Montfort, jusqu'à Salertaine, et celui de Saler­taine pour venir au-devant d'eux, jusque vers la[190] moitié du chemin. Ce fut là que les deux processions s'étant réunies s'avancèrent ensemble jusqu'au lieu[191] où la mission allait commencer. La première était très nombreuse, composée du clergé de la ville et de mille ou onze cents personnes. La seconde ne réunissait qu'un petit nombre de paroissiens[192] à la suite du /85 / curé. C'était cependant pour annoncer à ce peuple des jours de salut et de miséricorde qu'on avait formé ce religieux appareil. Il avait en effet quelque chose de bien touchant et de bien édifiant ; mais tandis que le pieux cortège s'avançait[193] comme en triomphe vers l'église, les plus[194] notables du lieu, les bourgeois et tous ceux qui voulaient traverser la mission étaient dans leurs maisons, plusieurs dans les cabarets[195] et les Jeux publics, d'où ils ne sortaient que pour se mettre à crier, à faire des huées, insultant ainsi non seulement aux missionnaires, mais à la religion même, d'une manière à s'attirer toute l'animadversion des lois portées contre les impies et les sacrilèges, si les ministres évangéliques, qui étaient venus pour les sauver et non pour les perdre, n'en eussent usé avec une douceur et une charité dignes des envoyés de Jésus-Christ.
 
M. de Montfort surtout, à qui l'on en voulait personnellement, montra toute la constance et toute la fermeté d'un saint. Ayant su que, pour comble d'outrages, on avait fait fermer les portes de l'église depuis que le curé en était parti avec sa procession, il s'arrêta à une croix de pierre placée au milieu du bourg, y fit une exhortation, et après avoir remercié[196] M. le curé de La Garnache et son clergé, il fit ses adieux aux paroissiens qui fondaient en larmes, et leur dit entre autres choses : «Mes petits enfants, je vous porte tous dans mon cœur. Vous voudriez bien me suivre partout, mais que pourriez-vous attendre d'un pauvre prêtre qui n'a ni feu, ni lieu, et qui attend de la divine Providence chaque jour ses besoins. » Cependant plusieurs des habitants de Salertaine qui se tenaient[197] à leurs fenêtres et sur les murailles ne l'écoutaient que pour se moquer de[198] ce qu'il disait. Il y en eut même qui lui jetèrent des cailloux. Le scandale était à son comble. Dieu avait marqué ce moment pour dissiper l'orage. En effet, l’homme de Dieu finissait à peine de parler[199] lorsqu'on vint annoncer à M. le curé que les portes de l'église venaient de s'ouvrir, sans qu'on pût[200] lui dire par qui, ni comment. Les séditieux l'ayant su crurent que c'était le sacristain qui les avait ouvertes.
Ils allèrent à lui, le maltraitèrent de coups de poing et de soufflets. Le pauvre malheureux leur dit qu'ils avaient tort de s'en prendre à lui, puisqu'eux-mêmes l'avaient forcé de les porter (les clefs) chez le fabriqueur, et /86/ qu'il les y avait portées en leur présence. Il ne parait pas qu'ils se soient mis en peine d'éclaircir le fait. Ils en furent quittes pour la honte de voir leur manœuvre découverte et déconcertée.
 
Proche du lieu où M. de Montfort venait de parler au peuple était la maison d'un riche bourgeois, qui avait une nombreuse famille. Cet homme était un des plus opposés à la mission, et avait protesté en toutes rencontres qu'il ne s'y rendrait jamais, ajoutant que M. de Montfort était un fol et mille autres impertinences.
 
Le sage missionnaire[201] qui voulait commencer par gagner ses ennemis et les attirer les premiers, demanda qu'on lui apportât le bénitier et dit à celui qui le portait de venir le conduire dans cette maison. Y étant arrivé, il aspergea la chambre d'entrée où se trouvait le maitre du logis avec toute sa famille, qui furent tous fort étonnés d'une pareille[202] cérémonie. L'aspersion faite, il tira son crucifix et cette figure de la sainte Vierge qu'il portait toujours avec lui et qu'il posa sur le rebord de la cheminée. Puis, s'étant mis à genoux et ayant fait sa prière, il se releva et dit : «Eh bien ! monsieur, vous croyez que je viens ici de moi-même. Non, c'est Jésus et Marie que voilà qui m'envoient. Je suis leur ambassadeur. Ne voulez-vous pas bien me recevoir de leur part ? » Le bourgeois répondit : «Oui, volontiers, soyez le bienvenu.» Le saint missionnaire répliqua :[203] «Venez donc avec moi à l'église tout à l'heure.» («Oui»), répondit-il encore. Puis, M. de Montfort invita toute la famille à le suivre, et tous[204] le suivirent. Ceci se passa en fort peu de temps, et le peuple qui était dehors fut bien étonné de voir M. de Montfort sortir de cette maison accompagné d'une famille qui[205] peu de moments auparavant lui était si fort opposée. Ils entrèrent ensemble dans l'église et le saint homme monta en chaire pour annoncer les exercices de la mission. Ce premier succès lui parut[206] un heureux présage que la suite y répondrait. En effet, il n'eut plus qu'à se louer des habitants de Salertaine, et après être[207] entré au milieu d'eux comme un agneau parmi les loups, il vit[208] dans la suite ces loups se changer en agneaux. /87/
 
Dès le lendemain matin, il commença les exercices de la mission. L'église se trouva pleine[209] de monde, et tous en sortirent les larmes aux yeux. Nulle mission ne fut peut-être plus fructueuse que celle-ci, sans doute parce que nulle[210] n'avait peut-être été plus traversée. Le travail était pénible, la moisson n'en fut que plus abondante. Les haines et les inimitiés les plus invétérées, les calomnies, les vengeances, les querelles,[211] les procès, les ivrogneries et d'autres désordres non moins scandaleux lui firent d'abord apercevoir que le curé[212] n'avait rien exagéré dans l'horrible portrait qu'il lui avait fait de l'état où il avait trouvé sa paroisse en y entrant.
 
M. de Montfort n'y eut pas plus tôt commencé les fonctions de son ministère que tout prit une nouvelle face. Il devint l'arbitre de tous les différents. Chaque jour il passait une heure et souvent deux à terminer les procès. Il en termina plus de cinquante. Il fit faire un plus grand nombre encore de réconciliations, des restitutions considérables. Enfin on vit une multitude prodigieuse[213] de conversions éclatantes couronner l'œuvre sainte, qu'un zèle moins constant et moins courageux eût abandonné dès les premiers obstacles, qui tous annonçaient[214] une impossibilité entière d'en venir à l'exécution.
 
Ce qui donnait encore plus d'efficace à ses paroles c'était l'austérité et la sainteté de sa vie. On ne pouvait ne se pas laisser persuader lorsqu'on écoutait un homme dont toutes les actions étaient autant d'exemples de vertus, et qui pratiquait une pénitence infiniment plus austère que celle qu'il prêchait. On savait à Salertaine que dans la maison qu'il occupait avec les missionnaires, il n'avait choisi pour lui qu'un petit réduit où il étendait un peu de paille pour se coucher, n'ayant pour chevet qu'une pierre, ne se couchant qu'à[215] onze heures du soir pour se lever à deux[216] heures du matin, interrompant encore ce court sommeil pour déchirer son corps par de sanglantes disciplines. On le voyait tout épuisé qu'il était par ses veilles et ses macérations remplir les exercices, de la mission avec un zèle infatigable, donner tous les jours /88/ deux sermons[217] et une[218] conférence d'une heure, se prêter sans relâche et sans distinction à tous ceux qui venaient le consulter, leur faire des instructions particulières sur les vertus propres[219] de leur état et leur apprendre à trouver dans l'exact accomplissement des devoirs de leur profession la dévotion la plus sûre et la plus solide. On ne pouvait assez admirer[220] qu'au milieu de tant d'occupations si variées et si capables de distraire, il parut toujours recueilli, toujours uni à Dieu, toujours occupé de sa présence[221]. On en eût été moins surpris si l'on avait fait attention qu'il agissait comme s'il n'eût eu que lui seul pour témoin de ce qu'il entreprenait pour sa gloire. Aussi rien[222] ne lui échappait de ce qui pouvait la procurer. Dévoré[223] du zèle de sa sainte maison, il ne donnait jamais de mission qu'il ne fît ou réparer ou décorer l'église. Dès le premier jour qu'il entra dans celle de Saler­taine, il y remarqua une ancienne chapelle où, autrefois, on avait dit la sainte messe. Il demanda permission à M. l'évêque d'y ériger un autel sous le titre de Notre-Dame-de-bon-secours, ce qui lui fut accordé. Il ne perdit point le temps. Il fit aussitôt approprier[224] cette chapelle, et la mit en état d'y pouvoir célébrer avec décence les saints mystères. Elle a toujours été depuis très fréquentée, et plusieurs personnes[225] assurent y avoir reçu des grâces particulières.
 
Il y avait[226] proche du bourg un ancien cimetière fort élevé, et où l'on n'enterrait plus. Il conçut le dessein d'y bâtir un beau calvaire. Il le proposa aux habitants, qui y acquiescèrent volontiers et s'engagèrent d'eux-­mêmes à lui procurer toutes les facultés nécessaires pour le construire. Il tira un rond de dix ou douze toises de circonférence. Dans la clôture du bas était une chambre ronde qu'on avait nommée le sépulcre et dans laquelle on avait projeté de placer les différents personnages qui se trouvèrent à celui du Sauveur. Au-dessous[227] on avait construit une chapelle[228] voûtée avec un bel autel sur lequel devait être placée une grande statue de saint Michel. La voûte[229] était ouverte par une lanterne faite de pierres de taille et bien vitrée, dans laquelle on montait un flambeau ou une lampe. Ce fut[230] sur le haut de cette chapelle[231] et par[232] derrière que M. de Montfort /89/ planta la croix de la mission, dont les trois branches portaient un grand chapelet enchainé à l'entour du Christ. A côté étaient placées les croix du bon et du mauvais larron. Autour de ce calvaire et en dehors était une espèce de promenade à passer deux personnes côte à côte, et renfermée[233] par une balustrade. Elle était carrelée, un peu en pente pour donner l'écoulement à la pluie[234]. Toute l'enceinte de ce petit ouvrage qui représentait comme la figure d'un globe était renfermée par un mur à hauteur d'appui, au-delà duquel on avait encore laissé une lisière de terre pour y cultiver des fleurs. Depuis le bas jusqu'à la chapelle régnait un escalier tournant de pierres de taille et d'une trentaine de marches, où l'on pouvait monter trois de front. Il ne restait plus qu'à consacrer le monument par une bénédiction solennelle. M. de Montfort[235] en obtint la permission et de dire la sainte messe dans la chapelle. Il annonça le jour et l'heure du plantement de là croix et de la bénédiction. Il en régla la cérémonie, et recommanda à tous et à chacun de porter à la main une petite croix ou crucifix, un chapelet, les engagements contractés dans leur baptême imprimés sur du vélin et signés de leur main, ou de lui. La procession pour aller au calvaire étant en ordre, il dit à tous les hommes et garçons de se mettre nu-pieds à son exemple, de placer leurs chaussures le long de la rue vis-à-vis l'endroit où ils étaient alors, assurant qu'au retour de la procession ils les retrouveraient dans la même position. A l'instant tous lui obéissent[236] prêtres, gentils hommes, bourgeois, gens du commun et tous se rendirent ainsi pieds nus au calvaire. La bénédiction étant finie on retourna à l'église aussi processionnellement et chacun retrouva ses chaussures où il les avait laissées, sans nulle confusion, ce qui parut bien extraordinaire dans une si nombreuse[237] assemblée. Il n'y a en effet que des corps militaires qui puissent fournir des exemples d'un si bel ordre, et qu'un saint prêtre chéri et respecté de tout un peuple qui pût y mettre une semblable[238] police. Dès le lendemain il célébra la sainte messe dans la chapelle du calvaire, et depuis ce temps tous les prêtres des paroisses voisines venaient l'y dire /90/ toutes les fois que leurs occupations pouvaient le leur permettre.
 
Tout avait réussi à Salertaine au gré de M, de Montfort. Les esprits étaient réunis, les cœurs étaient changés, la sainte Vierge était honorée, Jésus était glorifié et sa croix exaltée. Il en manquait une à notre apôtre avant de consommer l'œuvre de Dieu. Il la trouva et sa joie fut complète. Avant la procession qui devait servir de clôture à la mission, une demoiselle de la première qualité se rendit à l'église et s'y comporta d'une[239] manière très indécente. Notre saint prêtre[240] crut que son ministère l'obligeait à lui donner quelques avis. Ses remontrances furent bien mal reçues[241], et elle les prit pour une injure. De retour chez elle, elle en fait ses plaintes a sa mère et lui raconte l'histoire avec toute l'exagération que le dépit, l'orgueil, le ressentiment pouvaient lui suggérer. La dame, dont le vrai caractère était peint dans celui de sa fille, résolut de tirer une vengeance éclatante[242] de la prétendue insulte, et part sur le champ[243] pour se rendre dans le bourg. Elle se promenait dans la place[244] lorsqu'elle aperçut l'homme de Dieu qui passait. Elle l'attaque, l'insulte[245], et sans mettre aucun intervalle entre l'effet et les menaces lui applique cinq à six coups d'une canne qu'elle tenait à la main[246]. Une dame devait être bien gauche[247] dans cette manière d'escrime[248], mais il est à croire que ce n'était pas là un premier essai[249] et qu'on s'était exercé plus d'une fois sur les domestiques[250]. Quoi qu'il en soit, le saint homme qui avait vu ailleurs sans pâlir un fer meurtrier prêt à le percer, ne perdit rien ici de sa tranquillité. Il ne fit même que rire d'une scène à laquelle il ne s'attendait pas, et dit[251] avec[252] tout le sang-­froid du monde : «Madame, j'ai fait mon devoir, il fallait que mademoiselle votre fille eût fait le sien.» Toutes les personnes qui se trouvèrent présentes ne purent voir, sans frémir, un prêtre si indignement outragé ; mais ce qui les inquiéta encore davantage, c'est que connaissant le caractère de la dame et son crédit, elles ne doutèrent point qu'elle ne suscitât à[253] M. de Montfort quelque fâcheuse affaire, et que sa langue plus à craindre pour lui que ses mains, ne cherchât à le déshonorer et à le perdre. Cependant elle n'entreprit rien contre lui. On croit seulement qu'elle eut beaucoup de part à la destruction de son calvaire à SaIertaine[254] qui arriva bientôt après. /91/ Il termina la mission comme à l'ordinaire par une procession générale. Celle-ci fut d'autant plus édifiante qu'outre le nombre de personnes qui s'y trouva et qui montait à plus de quinze mille, il y régna un ordre admirable, qui ne put être dérangé par la pluie abondante qui survint. L'homme de Dieu l'avait annoncée lorsque le temps y paraissait moins disposé.
 
«Mes chers frères et mes chères sœurs[255], avait-il dit, avant qu'on se mit en marche, voici une belle journée et le temps est fort clair, mais avant que notre procession soit à moitié, nous aurons une grosse pluie. Je vous prie de ne pas ralentir votre dévotion pour cela.. » La prédiction fut vérifiée et l'ordre ponctuellement exécuté.
 
Les habitants de Salertaine s'empressèrent de réparer à la fin de la mission, ce qui s'était passé à son ouverture. Non seulement ils s'y trouvèrent tous,[256] ils voulurent encore accompagner processionnellement leur apôtre jusqu'au bourg de Saint-Christophe-du-Ligneron distant de trois lieues, où il allait faire les mêmes exercices. Lorsqu'on fut vers la moitié du chemin, on vit arriver M. le curé à la tête de sa paroisse, qui venait également en procession au-devant de celle de SaIertaine.
 
Les deux pieux cortèges se joignirent et marchèrent ensemble. Leur chemin était de passer au milieu du bourg de Challans, et M. de Montfort comptait faire dans l'église une exhortation à tout ce peuple. Le curé ne jugea pas à propos de le lui permettre. Il se contenta donc de faire sa prière à l'entrée[257] du cimetière vis-à-vis d'une figure de la sainte Vierge, et continua sa route jusqu'à la halle. Il y fit un discours, où il exhorta surtout les habi­tants de Challans qui n'avaient pas fait la mission à Sa­lertaine de venir la faire à Saint-Christophe.[258] Dans le moment qu'il prêchait, il passa plusieurs marchands qui allaient à une foire. Voyant tout ce monde autour du prédicateur, quelques-uns se dirent les uns aux autres : «C'est le fol de Montfort qui est là.» Ceux des auditeurs qui entendirent ces paroles voulurent aussitôt venger l'affront que l'on faisait à leur cher missionnaire[259], et dont le contrecoup retombait sur eux-mêmes. Leur zèle sans doute n'était pas selon la science, et il eût pu avoir[260] des suites très funestes. Il n'eût fallu que deux ou trois têtes échauffées pour entrainer la multitude ; /92/ on eût donné aux négociants leur compte. Heureusement pour eux le prêtre qu'ils traitaient de fol en usa, avec beaucoup de sagesse, il arrêta les murmures ; et par un expédient le plus propre à faire une prompte diversion, il ordonna que l'on chantât le cantique qui commence par ces paroles : Dieu soit béni, Dieu soit béni. On prit et le sens du cantique et l'esprit de l'auteur[261].
 
Les passants continuèrent leur route, bien contents apparemment de n'avoir pas payé un bon mot plus cher qu'ils n'allaient vendre leurs denrées.
 
L'exhortation finie on continua la marche pour se rendre à Saint-Christophe. Le serviteur de Dieu avait dit en partant à ceux qui l'accompagnaient, «Nous serons attaqués sur le chemin.» Cependant ils touchaient au terme du voyage, sans avoir essuyé autre chose que quelques paroles. Un insolent prit ce moment pour vérifier la prophétie sur le prophète même et lui[262] appliqua un soufflet au milieu de la foule. On le vit et on voulut l'arrêter. «Non, non, dit l'homme évangélique[263], mes petits enfants, nous l'aurons bien.» Effectivement, peu de temps après, ce malheureux[264] honteux et repentant de son crime vint se jeter à ses pieds fondant en larmes, lui confessa ses péchés, et lui fit en cela une réparation plus digne d'être agréée de lui, et plus consolante que toutes celles à quoi on aurait-pu le condamner.
 
110 ‑ La mission au Ligneron
 
Outre les prodiges de zèle et de charité qu'il fit dans cette mission, comme partout ailleurs, on peut dire qu'il en fit dans un autre genre. Voici du moins quelques faits ou il parait bien du merveilleux. Il y avait dans cette paroisse un homme riche, mais dont la fortune un peu trop rapide faisait parler le public. Cet homme et sa femme qui ne firent point leur mission, se répandirent publiquement en paroles injurieuses contre le missionnaire. Il en fut averti mais il n'en fit pas grand cas, espérant les gagner par la douceur et la patience. Le mari, ayant été touché aux exercices de la mission, alla consulter M. de Montfort sur certains contrats qu'il avait et qui au su de tout le monde, étaient des contrats usuraires. Le pieux et savant casuiste le lui déclara devant un nombre de personnes[265], et lui dit qu'il fallait pour réparer le scandale qu'il avait donné, brûler tous ces papiers en présence de témoins[266]. L’homme le lui promit. M. de Montfort lui dit : «J'irai[267] chez vous.» Il y /93/ alla effectivement suivi d'une foule de peuple. Etant entré dans la maison, il se mit à genoux et dit à l'homme et à la femme qu'il leur demandait pardon s'il les avait offensés. L'usurier en présence de tout ce monde alla à sa cassette, prit ses papiers et il était déjà rendu au milieu de l'appartement[268] pour les aller jeter au feu, lorsque sa femme lui dit : «Pourquoi veux-tu, mon mari, brûler ces papiers ? Nous pouvons bien n'en point faire un mauvais usage.» A l'instant l'homme s'arrêta. «Eh ! quoi, lui dit M. de Montfort, est-ce que la voix d'une femme est capable de vous empêcher d'acquitter votre conscience ? » La femme répliqua : «Bon, bon, monsieur, nous ne sommes point encore une fois pour faire un mauvais usage de ces contrats», et ajouta plusieurs autres choses peu convenables. Ce qui déplut si fort au serviteur de Dieu que, se tournant vers le mari, obstinément esclave de sa complaisance pour son épouse, il lui dit : «Vous êtes attachés aux biens de la terre, vous méprisez ceux du ciel. Vos enfants ne réussiront point, ne laisseront point de postérité. Vous serez misérables, vous n'aurez seulement pas de quoi payer votre enterrement.» La femme prenant la parole[269] répondit. «Ah ! ah ! nous aurons toujours trente sols pour payer le son des cloches. » «Et moi, je vous dis, répartit M. de Montfort, que vous ne serez pas même honorés du son des cloches à votre enterrement.» Cette prédiction s'est vérifiée dans toutes ses parties. Ces[270] deux époux moururent accablés de dettes. Ils n'ont laissé que deux enfants, un garçon et une fille qui, quoique mariés l'un et l'autre, n'ont point eu de postérité. Ils mènent une vie pauvre et misérable, devant[271] plus qu'ils n'ont de bien, sans cesse poursuivis et persécutés par leurs créanciers. Leur père et leur mère n'ont point été honorés du son des cloches à leur enterrement. Ils moururent tous deux le jeudi-saint, la mère[272] en 1730, et le père[273] en 1738, et furent enterrés le lendemain, vendredi-saint, jour auquel on ne sonne point les cloches. Tous ces faits ont été attestés par les habitants de la paroisse, le seigneur du lieu et le curé à leur tête, qui ont signé[274].
 
Peut-être[275] que, pour ce qui regarde l'article des cloches, l'homme de Dieu pensait moins à faire une prédiction qu'une menace. En effet, il voulait humilier les coupables, et ce n'est point une humiliation d'être privé du son des cloches, lorsqu'on est inhumé un jour que l’Eglise défend de sonner. On peut donc croire[276] qu'il voulait seulement dire[277] à ces gens que leur friponnerie pourrait leur attirer le sort de ces malheureuses victimes de la justice humaine, qui sont privées de la sépulture pour être exposées sur les chemins ou du moins qu'on enterre sans, aucun appareil funèbre. Quoi qu'il en soit, l'événement et les paroles ont un rapport tout à fait surprenant.
 
Nous nous abstenons de nommer cette famille. Elle est assez connue dans tout le canton, sans qu'il soit nécessaire de[278] la faire connaître partout où on lira ce livre.
 
Bien plus content lorsqu’il faisait du bien que lorsqu'il annonçait des /94/ châtiments, le saint homme fit ressentir à une autre famille ce qu'il pouvait auprès de Dieu en faveur des pauvres. Voici le fait, tel que me l'ont raconté les personnes elles-mêmes, à qui la chose est arrivée, et que je fis venir à cet effet lorsque je donnais la mission à Challans en 1763.
 
M. de Montfort, pendant la mission de Saint-Christophe, allait quelquefois chez le sacristain, nommé Jean Cantin, homme de bien et craignant Dieu. Il trouva un jour une de ses filles occupée à boulanger pour[279] la maison où ils étaient en assez grand nombre et bien pauvres. L'homme de miséricorde lui dit : «Ma fille, avez-­vous bien prié Dieu avant de vous mettre au travail ? » Elle lui répondit bonnement : «Quelquefois je le prie, quelquefois j'y manque bien.» «Il ne faut jamais y manquer», répliqua-t-il. Lui-même se met à genoux proche de la huche, y prie quelque temps, et en se relevant fait dessus le signe de la croix, puis[280] sort de la maison. Quand la pâte fut prête, la mère dit à sa fille de la lui apporter pour l'arranger en pains, et la mettre dans le four, ce qu’elle fit. Le four étant rempli, la mère demanda s'il y en avait de reste. «Vous êtes bien à bout, répondit la fille, il en reste encore plus de la moitié.» Cette femme crut qu'elle voulait rire, sachant bien que la farine qu'on[281] avait mise ne pouvait faire, à très peu de chose près, qu'une fournée et, que la huche n'en pouvait guère contenir davantage. Elle fut bien surprise lorsque voulant voir la chose par elle-même elle trouva qu'il restait[282] pour faire encore presque deux fois autant de pain. Le père porta un de ces pains à la Providence (c'est ainsi qu’on appelait partout la maison où logeaient les missionnaires). M. de Montfort, voyant[283] cet homme lui dit : «Eh ! bien, maître Cantin, vous[284] apportez donc ; c'est ainsi qu'il faut faire. Donnez et on vous donnera. Puisque Dieu est si libéral envers vous, il faut que vous le soyez envers les pauvres.»
 
On ne doit[285] plus s'étonner qu'avec de pareilles ressources, l’homme de Dieu[286] ait fait constamment de si abondantes[287] aumônes. Mais peut-on voir sans un sensible plaisir[288], à la suite de ses humiliations, ces événements[289] merveilleux si propres à honorer son ministère ? En /95/ voici un autre arrivé pendant la même mission, et attesté par le curé, le vicaire, le Seigneur et le fabriqueur de la paroisse.
 
Un jour qu'il disait la messe, à laquelle il devait communier beaucoup de personnes, une petite clochette seule sur le coin de l'autel sonna d'elle-même. Dans le premier moment de surprise qui saisit les assistants, le saint prêtre en prit occasion de leur dire que la communion qu'on allait faire serait agréable au Seigneur. L'étonnement et la joie augmentèrent encore lorsque la clochette sonna une seconde fois sans aucune impulsion étrangère. Les anges assistent invisiblement à l'adorable sacrifice. Ne firent-ils point ici sensiblement l'office de ceux qui y répondent ? Le saint homme n'ouvrait, ce semble, la bouche que pour parler de Dieu ou pour prédire l'avenir. Lorsqu'à la fin de la mission, il fallut planter une croix, plusieurs personnes lui dirent que celle qu'on avait préparée était bien faible. Cependant il la fit placer, prêcha au pied comme c'est la coutume et dit[290] à la fin de son exhortation : «Non, non, ne craignez point que cette croix tombe, elle subsistera jusqu'à ce qu'il se fasse une autre mission dans cette paroisse. Pour lors, elle tombera et fera place à celle qu'on plantera.» Il se donna à Saint-Christophe une mission en 1735[291], c'est‑à-dire plus de trente ans après celle dont nous parlons. On cherchait[292] un emplacement pour mettre la nouvelle croix, ne voulant pas, par respect pour le souvenir[293] assez récent de M. de Montfort, ôter celle qu'il avait plantée, lorsque tout d'un coup elle fut renversée et brisée par un tourbillon de vent, et parut ainsi céder sa place pour vérifier la prédiction de l'homme de Dieu. «Je n'ai pas entendu les paroles de M. de Montfort, dit M. de Marconnay, mais le public me les répète sans cesse, et j'ai été témoin de la chute extraordinaire de l'ancienne croix.»
 
Tandis que Dieu préparait dans l'avenir des événements glorieux à la mémoire de son serviteur, les hommes cherchaient à lui procurer[294] des /96/ humiliations[295]. La croix qu'il plantait actuellement ne devait tomber que trente ans après et[296] sa chute devait être le pur effet de la volonté de Dieu. Une autre, qu'il avait plantée tout récemment[297],‑ venait d'être renversée par la malice des hommes. En effet, il n'y avait que trois semaines qu'il était à Saint-Christophe, lorsqu'on vint lui annoncer la destruction de son calvaire de Salertaine. Il avait toujours des ennemis qui pensaient ne pouvoir l’affliger plus sensiblement qu'en traversant ce qu'il faisait pour la gloire de Dieu. Ils se rappelèrent ce qui s'était passé, il n'y avait pas plus de dix-huit mois à Pontchâteau[298]. Ils mirent dans leur parti la dame qui l'avait publiquement insulté. Ils se servirent des mêmes prétextes[299] qui avaient déjà si bien réussi, et firent entendre au gouverneur qu'il ne fallait pas souffrir près de la côte[300] un édifice qui pouvait, disaient-ils, fournir une retraite aux ennemis.
 
Sur ce rapport, et sans autre examen, il envoya quelques soldats et cinquante canonniers avec des instruments[301] pour renverser le prétendu fort[302] de Salertaine. La troupe fut bien étonnée quand elle vit qu'il ne s'agissait que d'un petit oratoire où dans le moment un prêtre disait la messe, et d'une élévation de terre avec un escalier pour y monter. Si l'obéissance militaire était moins exacte et moins littérale, il y a apparence qu’ils seraient retournés auprès du gouverneur pour lui exposer quel était l'important objet de leur expédition. Mais accoutumés à exécuter des ordres qui ne souffrent point[303] de retardement, ils ne pensèrent qu'à obéir, et dans moins d'un quart d'heure la redoutable forteresse fut renversée. Le saint homme s'en consola aux pieds de Jésus-Christ, s'estimant heureux de pouvoir dire qu'il était souvent crucifié dans sa croix.
Au sortir de Saint-Christophe il retourna à La Garnache pour y donner une retraite[304], telle qu'il avait coutume de la donner dans les lieux où il avait fait mission et dont tous les exercices ne roulaient que sui la préparation à la mort. Ce fut la dernière fonction[305] de son zèle dans le diocèse de Luçon ; car il n'y retourna plus. Il était appelé pour évangéliser d'autres peuples, affermir quelques-uns de ceux qu'il avait déjà instruits, et pour former /97/ au ministère évangélique le vertueux[306] prêtre qui, après avoir été quelque temps le compagnon de ses travaux, devait être son successeur pour conduire l'œuvre des missions et gouverner ses établissements.
 


[1]
1er texte : M. de Montfort se voyant persécuté dans un lieu s'enfuyait dans un autre, conformément au conseil de l’évangile qu'il eut souvent occasion de pratiquer. Les diocèses…
[2]
1er texte : Ce serait rappeler ce que nous lavons dit ailleurs
[3]
1er texte : à en prendre un
[4]
1er texte : un ou deux mots barrés, en interligne, au-dessus de lui-même
[5]
1er texte : Que l'on compte, s'il se peut, tous les pauvres qu'il a nourris pendant tout le cours de ses missions ; on verra que, sans avoir ni revenu ni bénéfice, il en a peut-être fait subsister lui seul (suit le mot que, barré) plus que tous ceux des ecclésiastiques qui (suit le mot se, barré) ont mieux su faire un saint usage des biens et des richesses de l’église. Toute cette phrase a été barrée pour la raison signalée en marge : Réserver ce qui est barré pour mettre à la fin de sa vie, à l'article de sa charité pour les pauvres.
[6]
1er texte : un mot barré illisible
[7]
1er texte : sa tendre dévotion pour
[8]
1er texte : (remplacé par le précédent) ‑ Il fallait encore qu'il laissât en tous lieux des monuments de se rendre dévotion à la sainte Vierge (en interligne au-dessus de : sainte Vierge, Mère de Dieu). Ce 1er texte avait été substitué une première fois par le suivant : Ce qui contribua le plus à assurer les fruits de cette mission, et ce qui en éternisa la mémoire, c'est le pieux monument qu'il y faim de sa tendre ...
Le texte définitif, écrit en marge, y est indiqué par la lettre A, insérée d'abord en pleine page.
[9]
1er texte : le serviteur de Dieu
[10]
1er texte : comment se fit cette cérémonie.
[11]
1er texte : qu'il s'y.
[12]
1er texte : M. le curé de Saint-Hilaire de
[13]
1er texte : qu’aux environs
[14]
1er texte : ce qui augmente leur dépit le
 
[15]
1er texte : les comptes
[16]
1er texte : furent contraints
[17]
1er texte : elle se porte
[18]
1er texte : Il l'avait lui-même annoncé
[19]
1er texte : fait l'éloge
[20]
1er texte : il ne voulut pas lui
[21]
1er texte : le loger chez lui
[22]
1er texte : Il se retira avec la même tranquillité
[23]
1er texte : avec ce contentement
[24]
1er texte : si solennellement invité, Mr.
 
[25]
1er texte : soit qu'il ne voulût pas
[26]
1er texte : le saint homme
[27]
1er texte : et il était même réduit à ne pas même
[28]
1er texte : qui le voyant passer devant la porte de sa maison
[29]
1er texte : lui répond
[30]
1er texte : bénissait
[31]
1er texte : y célébra
[32]
1er texte : Le reste; toujours
[33]
1er texte : le saint homme
 
[34]
1er texte : de l’apparition passagère
[35]
1er texte : d'un ange qui leur venait du ciel
[36]
1er texte : se présenta lui-même
[37]
1er texte : vers Luçon
 
 
[38]
1er texte : qu'il allât
[39]
1er texte : le jeune écolier
[40]
1er texte : et n'osant le tirer parle chasuble pour l'avertir
[41]
1er texte : ne sachant pas d’ailleurs
[42]
1er texte :   et d'aller joindre les autres au réfectoire dont on était près de sortir
[43]
1er texte :   dans l'instant
[44]
1er texte :     et on allait bientôt sortir. Une première correction de ce texte portait : et le dîner allait
[45]
1er texte : Le supérieur le voyant entrer
[46]
1er texte : si la messe de M. de Montfort ne faisait que de finir
[47]
1er texte : il y a une demi-heure
[48]
1er texte : un mot barré illisible
 
[49]
1er texte : la position
[50]
1er texte : que pour
[51]
1er texte : Il ne, barré, puis repris. En marge : alinéa
[52]
1er texte : que lui rendit de son zèle et de son talent pour toucher les cœurs...
[53]
1er texte : qui est
[54]
1er texte : surtout, barré, puis repris et en interligne : parla
[55]
1er texte : dévotion au
[56]
1er texte : il eût
[57]
1er texte : un mot barré, illisible
[58]
1er texte : il se fût sans doute moins étendu
[59]
1er texte : On s'est entêté...
[60]
1er texte : des grandes
[61]
1er texte : à un
[62]
1er texte : tout en
[63]
1er texte : M. de Montfort
[64]
1er texte : fut charmé de ce trait de candeur et lui répondit
[65]
1er texte : un mot barré, Illisible
[66]
1er texte : et qu'il
[67]
1er texte : un mot barré, illisible
 
 
[68]
1er texte : de beaucoup
[69]
1er texte : cette, avec en interligne au-dessus : le, et un mot barré, illisible, à la suite.
[70]
1er texte : le saint missionnaire
[71]
1er texte : En effet, il
[72]
1er texte : en le faisant passer pour un fol et un extravagant
[73]
1er texte : Malgré (en interligne, au-dessus : mais) toutes ces contrariétés ne firent qu'attirer les bénédictions plus abondantes sur la mission. Une nouvelle rédaction de la fin de ce texte portait : ne servirent qu'à attirer sur ses travaux des bénédictions plus abondantes. Ainsi …
[74]
1er texte : pères Jacobins
[75]
1er texte : leur zèle
[76]
1er texte : le saint missionnaire
[77]
1er texte : crut devoir prendre
[78]
1er texte : à la conversion des
[79]
1er texte : qu'il fallait commencer à
[80]
1er texte : il substitua donc
[81]
1er texte : qu'il en reçut l'ordre
[82]
1er texte : se servit avec avantage
[83]
1er texte : on y fait
[84]
1er texte : évangélique(s)
[85]
1er texte : ne pouvant se
[86]
1er texte : qui doivent être
[87]
1er texte : une prédication générale
[88]
1er texte : se répandait
[89]
1er texte : plusieurs abjurèrent leurs erreurs
[90]
1er texte : du saint missionnaire
[91]
1er texte : toujours remplis d’onction et de force
[92]
1er texte : son séjour
[93]
1er texte : Après, des affaires
[94]
1er texte : et dans le cours de la mission
[95]
1er texte : de cet homme puissant en œuvres et en paroles
[96]
1er texte : de lui parler; puis, en surcharge : parler avec lui
[97]
1er texte : à notre missionnaire ; au saint...
[98]
1er texte : On convint du lieu où
[99]
1er texte : également propre à toucher, à persuader et à plaire. Il répondît à ses questions
[100]
1er texte : fit, barré, puis : en attira beaucoup d'autres et
[101]
1er texte : que les discours de la mission... suivent, ainsi qu'en surcharge, plusieurs mots illisibles
[102]
1er texte : M. de Montfort, puis, en surcharge : le saint controversiste
[103]
1er texte : à réciter ; en surcharge : dire tous les jours
[104]
1er texte : cette pieuse pratique
[105]
1er texte : Cette phrase, qui termine la p. 70 du manuscrit, ne continue pas à p. 71 mais saute à p. 73. Cependant, les 4 premières lignes de cette page sont suivies d'une dizaine d'autres toutes barrées et remplacées par un nouveau texte qui retourne à p. 71, qu'il occupe tout entier. Après cela le manuscrit revient à p. 73 avec le texte qui commence : «Il travaillait à déraciner.» La page 72 est restée en blanc au manuscrit.
[106]
1er texte : (la dizaine de lignes dont ci-dessus) : M. de Montfort travaillait à déraciner tous les vices, mais celui contre lequel son zèle éclatait davantage, c'était le vice abominable de l'impureté. On l'a vu, à l'exemple de saint François Régis, entrer au risque de sa vie dans des maisons de débauche, en arracher les malheureuses ‑ victimes du libertinage, qu'il dispersait ensuite dans des maisons non suspectes et où elles étaient hors de danger. Elles venaient ensuite se jeter à ses pieds et le prier d'achever l'ouvrage de leur conversion qu'il avait commencé. Il avait même quelquefois la consolation de voir leurs malheureux complices imiter leur pénitence. ‑ Les deux dernières phrases portent en surcharge des corrections dont seule est déchiffrable : Ailleurs nous faisons avec plaisir le détail de ses œuvres saintes ; ici nous croyons devoir passer rapidement sous le fer d'un malheureux qui voulut, dans une de ces occasions, le lui plonger dans le cœur
[107]
1er texte : M. de Montfort
[108]
1er texte : le vice abominable de l'impureté
[109]
1er texte : les ordres de Dieu au milieu
[110]
1er texte : Mais il est ici des objets dont nous nous hâtons de détourner nos yeux, déjà baignés de larmes en voyant le saint prêtre...
[111]
1er texte : prêt à le percer de l'autre avec son épée
[112]
1er texte : dès qu'il était entré
[113]
1er texte : du saint homme
[114]
1er texte : dont, puis en surcharge : qu', suivi dés mots: il sauva du péché
[115]
1er texte : la retraite que M. de Montfort
[116]
1er texte : qu'il donnait alors dire dans
[117]
1er texte : un mot barré, illisible, avec hypocrite en surcharge
[118]
1er texte : moins impérieux
 
[119]
1er texte : un commencement de phrase et une surcharge, où ne se lit que le mot : on, barrés et illisibles
[120]
1er texte : non barré: Le saint prélat ne donna...
[121]
1er texte : et ne se laissa point
[122]
1er texte : tous trois s'accordèrent à dire à sa grandeur… ‑ (deux lignes après, plusieurs mots barrés difficiles à déchiffrer)
[123]
1er texte : toutes les marques possibles
[124]
1er texte : plus en état que jamais
[125]
1er texte : qui savent placer
[126]
1er texte : de condition
[127]
1er texte : il vint
[128]
1er texte : le saint homme, puis l'humble et charitable prêtre
[129]
1er texte : Cependant les conjurés
[130]
1er texte : il serait assez difficile de dire
[131]
1er texte : courait
[132]
1er texte : Tandis cependant
[133]
1er texte : où il avait détourné
 
[134]
1er texte : à sept lieues, d'abord barré puis repris
[135]
1er texte : Nous l’attendîmes jusqu'à onze, mais il n’y vint point
[136]
1er texte : «Et qu'auriez-vous fait au frère Mathurin ?, dit un autre. Nous l'aurions envoyé au diable avec son maître. »
[137]
1er texte : le saisissement qui
[138]
1er texte : et quelques victimes à leur...
 
[139]
1er texte : séditieux, comme correction en surcharge mais aussitôt biffée.
[140]
1er texte : devint sensible
[141]
1er texte : Se santé fut toujours depuis faible et languissante
[142]
1er texte : un jour même
[143]
1er texte : de donner
[144]
1er texte : il ne prit
[145]
1er texte : un mot barré, illisible, avec : occupations en surcharge
 
[146]
1er texte : il se contentait de leur dire
[147]
1er texte : le texte premier de Besnard continuait par cet autre : «M. de Montfort après avoir répandu...», qui reviendra plus loin. Une longue ajoute, signalée en marge par un A majuscule et écrite sur une feuille détachée et épinglée entre les pages 78 et 79 du manuscrit doit être insérée ici. C'est le texte qui suit.
[148]
1er texte : fit
[149]
1er texte : il s'entendit
 
[150]
1er texte : se plaît à mêler toujours
[151]
1er texte : à embrasser enfin
[152]
1er texte : par la séparation de la mer
[153]
1er texte : ne pour(rait)
[154]
1er texte : quelle fut la joie du saint missionnaire en recevant cette nouvelle
[155]
1er texte : il fut arrêté
[156]
1er texte : Malheureusement pour eux, ils n'avaient donné là chose... En surcharge et suivi, tant à l'intérieur du texte qu'en marge, de nombreux mots barrés et illisibles, : ils n'en avaient fait confidence, membre de phrase non barré mais répété dans la marge.
[157]
1er texte : du parti huguenot
[158]
1er texte : mais apparemment (écrit deux fois et laissé tel, toujours en marge) qu'
[159]
1er texte : et le secret, etc. (encore en marge)
[160]
1er texte Guernesais (lecture douteuse)
[161]
1er texte : Que pour lui, supérieur à
[162]
1er texte : ces vaines fray(eurs)
[163]
1er texte : à propos d'arrêter
[164]
1er texte : lui ajouta-t-il
[165]
1er texte : un mot barré, et en surcharge : as pas
[166]
1er texte : qui n'est qu'à
[167]
1er texte : et le prie
[168]
1er texte : aucun mal
[169]
1er texte : une une
[170]
1er texte : la mît
[171]
1er texte : Effectivement, à peine
[172]
1er texte : qu'il, barré, et en surcharge : que le vent baissant
[173]
1er texte : à la vue de leurs
[174]
1er texte : et l'on chanta
[175]
1er texte : on savait
[176]
1er texte : ils avaient, barré, puis en surcharge un mot barré illisible, et au-dessus de celui-ci de nouveau : ils avaient
[177]
1er texte : le saint missionnaire
[178]
1er texte : les plus chers objets
[179]
1er texte : à lieu de po (voir ?)
[180]
1er texte : à faire leur mission.
[181]
1er texte : leur mission, d'où ils sortirent aussi édifiés...
[182]
1er texte : que de détailler au long
[183]
1er texte : Les moyens dont M. de Montfort se servait pour procurer le salut des âmes
[184]
1er texte : modèle (s)
[185]
1er texte : dans son voyage
[186]
1er texte : et hors d’état de se tromper
 
[187]
1er texte : vint le trouver lorsqu'il le sut à La Garnache. Le nouveau texte, en surcharge, comporte plusieurs mots barrés, ainsi qu'une finale également barrée, qui disait : prendre avec lui les arrangements nécessaires.
[188]
1er texte : se laissa prévenir
[189]
1er texte : de sorte que
[190]
1er texte : un mot barré, illisible
[191]
1er texte : s'étant réunies, allèrent ‑ barré ce dernier mot, on lisait ‑ vinrent ensemble au lieu. Les mots, s’étant réunies, avaient été remplacés d'abord par se réunissent
[192]
1er texte : de personnes
[193]
1er texte : s'avançait, puis en surcharge : marchait
[194]
1er texte : plus, barré, puis repris en surcharge.
[195]
1er texte : se tenaient aux fenêtres de leurs maisons et de celles des cabarets
[196]
1er texte : les paroissiens de la par(oisse)
[197]
1er texte : dans leurs boutiques
[198]
1er texte : de lui
[199]
1er texte : à peine l'homme de Dieu finissait-il
[200]
1er texte : qu'on puis(se)
[201]
1er texte : M. de Montfort
 
[202]
1er texte : une semblable
[203]
1er texte : Eh bien, venez donc
[204]
1er texte : tous, en effet, le suivirent
[205]
1er texte : qui lui était si
[206]
1er texte : un mot barré, illisible, et en surcharge : lui parut
[207]
le mot être est répété
[208]
1er texte : il eut
[209]
1er texte : se trouva pleine et tout le monde
[210]
1er texte : nulle ne fut
[211]
1er texte : les querelles, les dimensions, les procès
[212]
1er texte : M. le curé
[213]
1er texte : un nombre prodigieux
[214]
1er texte : un mot barré, illisible
[215]
1er texte : un mot barré, probablement : deux
[216]
1er texte : un mot barré, probablement : onze
[217]
1er texte : prêcher deux fois par jour et
[218]
1er texte : sermons, sans y
[219]
1er texte : les devoirs de leur état
[220]
1er texte : assez s’éton(ner)
[221]
1er texte : de sa présence dans cette variété (après Correction : cette foule) d’œuvres dissipantes où il se livrait pour sa gloire
[222]
1er texte : rien, barré, puis repris
[223]
1er texte : toujours dévoré
[224]
1er texte : il fit approprier incessamment
[225]
1er texte : en surcharge un mot barré, illisible
[226]
1er texte : il y avait aussi ; en marge : il y ; le mot : aussi, barré dans le premier texte et dans le texte définitif. En marge, le mot alinéa
[227]
1er texte : au-dessous de
[228]
1er texte : on en avait construit une autre
[229]
1er texte : un mot barré, illisible, devant : La voûte
[230]
1er texte : Ce fut au
[231]
1er texte : Par dedans la chapelle
[232]
1er texte : et par la
[233]
1er texte : et renfermée de
[234]
1er texte : à l'eau
[235]
1er texte : Il en obtint
[236]
1er texte : Sans aucun dérangement, prêtres...
[237]
1er texte : une si grande
[238]
1er texte : une telle
[239]
1er texte : de la
[240]
1er texte : Le saint missionnaire
 
[241]
1er texte : Sa remontrance fut mal reçue, et elle la prit
[242]
1er texte : une vengeance d'éclat
[243]
1er texte : et pour n'en pas
[244]
1er texte : une canne à la main
[245]
1er texte : l'accable d'injures
[246]
1er texte : de la canne qu'elle tenait à la main
[247]
1er texte : devait paraitre un peu gauche
[248]
1er texte : cette manière de maltraiter
[249]
1er texte : un coup d'essai
[250]
1er texte : sur les épaules des domestiques. Le membre de phrase : mais il est à croire.... remplace un premier texte impossible à rétablir par suite des ratures.
[251]
1er texte : répondit
[252]
1er texte : du plus
[253]
1er texte : contre
[254]
1er texte : qui, barré, puis repris après calvaire
 
[255]
1er texte : « Voici, avait-il dit, avant...
[256]
1er texte : mais ils voulurent
[257]
1er texte : devant
[258]
1er texte : C'était le 11 de juin, jour de saint Barnabé, qu'elle devait commencer
[259]
1er texte : au saint prêtre
[260]
1er texte : il eût eu
 
[261]
1er texte : de leur auteur
[262]
1er texte : un mot barré, illisible
[263]
1er texte : notre saint prêtre
[264]
1er texte : cet homme
[265]
1er texte : de témoins
[266]
1er texte : en leur présence. Puis : en présence des
 
[267]
1er texte : « Eh bien, j'irai
[268]
1er texte : de la salle
[269]
1er texte : la femme répliqua
[270]
1er texte : Cette
[271]
1er texte : ayant plus
[272]
1er texte : mère, d'abord barré puis repris en surcharge
[273]
1er texte : deux mots barrés illisibles, ainsi qu'un autre après 1738
[274]
1er texte : remplacé par les deux phrases qui précèdent : La mère étant morte (en surcharge : mourut) le jeudi-saint (un mot illisible) avril 1730, fut enterrée le lendemain, jour du vendredi-saint ; le père (avant correction : étant) mourut aussi le 2 avril 1738, qui était également le jeudi-saint et fut enterré le vendredi-saint, jour auquel on ne sonne point les cloches. Ces faits, aussi bien que le triste état de cette...
[275]
1er texte : il y a apparence; puis : il faut croire ; puis peut-être, barré deux fois puis repris.
[276]
1er texte : il y a donc apparence; puis : croire ; barré puis repris.
[277]
1er texte : qu'il voulait dire seulement
[278]
1er texte : la nommer ici et
[279]
1er texte : la famille, qui était assez nombreuse et bien pauvre.
[280]
1er texte : et sort de la maison.
[281]
1er texte : qu'elle avait mise
[282]
1er texte : qu’il y avait encore. En surcharge, rayés : de la pâte
[283]
1er texte : le voyant
[284]
1er texte : vous nous apportez donc
[285]
1er texte : il ne faut plus
[286]
1er texte : fit
[287]
1er texte : si prodigieuses
[288]
1er texte : On voit (après correction : le lecteur voit) sans doute avec plaisir
[289]
1er texte : à la suite des (après correction : des grandes) humiliations de M. de Montfort nombre d’événements...
[290]
1er texte : et ajoute
[291]
1er texte : en marge, non barré : vérifier l'époque
[292]
1er texte : On voulait
[293]
1er texte : la mémoire de
[294]
1er texte : lui cherchaient
[295]
1er texte : de nouveaux sujets d’humiliations
[296]
1er texte : trente ans après, par la chute on (ou : ne) devait
[297]
1er texte : un mot barré, illisible
[298]
1er texte : au calvaire de P
[299]
1er texte : Ils firent entendre, puis un mot barré, illisible
[300]
1er texte : sur la côte
[301]
1er texte : de fer
[302]
1er texte : la prétendue forteresse
[303]
1er texte : ne demandent point
[304]
1er texte : une retraite qu'il avait promis ; puis : une retraite de trois jours telle...
[305]
1er texte : la dernière entreprise
[306]
1er texte : le saint prêtre
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