Besnard 08 pp 467-511
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LIVRE HUITIEME
163 - La mission de Vouvant
Les
fruits que M. de Montfort venait de faire[1] à la mission de Fontenay
avaient préparé la voie à ceux qu'il devait recueillir à Vouvant. On l'y
connaissait par avance pour un homme puissant en œuvres et en paroles. On ne
fut pas longtemps à le connaître aussi pour[2] un homme rempli de
l'esprit de sagesse. Il fut en effet dans le cas d'en faire usage, pour ne pas
prendre le change dans ce qui devait être le[3] principal objet de son
zèle et de sa charité. Il y avait dans la paroisse une fille qui passait pour[4] être possédée du démon. On
a déjà pu remarquer que le saint homme avait bien plus d'empressement à le
chasser des âmes qu'à employer les moyens dont l'Eglise se sert pour le chasser
des corps. Après avoir fait quelques-unes des prières prescrites en présence de[5] M. Vatel et d'autres
prêtres du lieu, et voyant que cette fille ne répondait point aux demandes
qu'il lui faisait, il jugea que c'était un piège que l'ennemi du salut des
12ème cayer
hommes
lui tendait pour l'amuser pendant la mission et lui faire perdre un temps qu'il
devait employer à le[6] combattre avec plus
d'avantage, en travaillant à détruire l'empire du péché. Il la renvoya donc, et
se contenta de lui donner des avis salutaires pour faire un bon usage de l'état
pénible et affligeant où elle était. Elle le fit non seulement pour elle-même,
mais encore pour bien d'autres. Elle parut avoir le secret des consciences et,
soit que le démon remuât seulement ses organes soit qu'il la possédât
réellement[7], il fut forcé par l'ordre
de Dieu de déclarer à plusieurs personnes l'état déplorable où des habitudes de
péché mortel avaient depuis[8] /227/ longtemps réduit
leurs âmes. Elles changèrent de vie et firent pénitence.
Il
y avait dans cette paroisse des scandales si publics que l'homme apostolique,
après avoir fait tout ce qu'il avait pu[9] pour les arrêter en
secret, voyant que ses remontrances ne servaient de rien, crut devoir enfin
éclater et reprendre ouvertement les coupables. Cette conduite lui attira de rudes
croix. Les scandaleux portèrent[10] l'insolence jusqu'à
l'attaquer en public, l'insultèrent par des paroles que nous ne rapportons pas,
pour ne pas faire de cette vie comme un répertoire de ces injures atroces qu'il
eut tant de fois à essuyer. Ils lui reprochèrent d'être un perturbateur du
repos public. Ils avaient raison dans un sens. Il savait remuer tout un peuple,
porter le trouble et l'alarme dans les âmes les plus tranquilles et les plus endormies[11] dans le crime. Ils en
vinrent jusqu'à vouloir lui intenter un procès, faire saisir ses livres, son
crucifix et autres meubles à l'usage de ses missions. Le saint homme souffrit
tout avec une patience invincible. Rien[12] ne fut capable de lui
faire perdre la paix de son âme, ni de diminuer[13] le, zèle dont il brûlait
pour le salut de ses persécuteurs. Il recommanda qu'on ne parlât point de ce
qui se passait à son sujet dans la paroisse, et qu'on se contentât de prier
pour les auteurs du scandale, afin que Dieu leur amollît le cœur. it sa mission
après avoir fait réparer l'église qui en avait un grand besoin[14], et se disposa à aller
recommencer ses travaux à Saint-Pompain où M. Mulot l'emmena, comme ils en
étaient convenus.
164 - La mission de Saint-Pompain
Cette
mission ne fut pas une de celles qui eurent le moins d'éclat et de succès. En
voici le premier trait. Il y avait longtemps que le fermier du seigneur vivait
en mauvaise intelligence avec son curé et une autre personne de l'endroit. Cette
animosité alla si loin qu'elle devint publique et scandaleuse, M. l'évêque de
La Rochelle en avait été instruit et s'était employé[15] pour rétablir l'union et
la paix ; mais il n'avait pu réussir. M. de Montfort sentit bien la difficulté
d'une pareille réconciliation, et pensant que ce ne devait pas être l'ouvrage
de l'homme mais de Dieu, il eut recours à la prière, et implora le secours
/228/ de la Sainte Vierge par la récitation[16] du rosaire. Un jour,
après un sermon où il aperçut le fermier parmi ses auditeurs[17] il se mit à genoux et
commença les offrandes du chapelet que tout le monde[18] récita[19] à deux chœurs. Cet homme
y resta avec les autres. Ce fut là pour lui le moment[20] de la grâce. Le chapelet
fini, M. de Montfort descend de chaire, s'en va à sa rencontre au milieu de
l'église, l'embrasse tendrement, lui témoigne sa joie de le voir à la mission,
le loue de son assiduité et de l'édification qu'il donne par là aux
paroissiens, puis ajoute : «Eh ! quoi, monsieur, serait-il dit que Jésus-Christ
n'aura pas la victoire sur vous pour la haine que vous conservez dans le cœur !
Ne voulez-vous pas bien pardonner aux deux personnes que vous savez ? » On
n'entendit pas sa[21] réponse maison ne douta
plus[22] qu'il[23] n'eût répondu
favorablement[24]
lorsqu'on le vit[25]
donner exprès un repas auquel (il) invita M. le curé et l'autre personne dont
il avait été pareillement l'ennemi déclaré. Ce fut le commencement de cette
réconciliation sincère qui a duré jusqu'à la mort au grand contentement de tous
les gens de bien, qui avaient tant désiré de voir finir une si opiniâtre
division. On peut bien mettre au nombre des conversions le changement d'un
prêtre, qui fait succéder à une vie un peu trop dissipée l'amour du
recueillement et de la retraite, une tendre dévotion, une piété fervente et
exemplaire. Tel fut l'édifiant spectacle que donna le curé lui-même. B avait
toujours été un bon prêtre, tant pour les mœurs que pour la doctrine et le soin
de veiller à sa paroisse, mais il était de ceux qui craignent de paraître
dévots ; il aimait à se réjouir, à s'amuser, et à faire valoir le talent qu'il
avait pour amuser les autres. Un jour, après avoir entendu M. de Montfort,
lorsque dans l'intervalle qui restait entre le sermon et la bénédiction, on
entonna d'une voix touchante le cantique : J'ai
perdu mon Dieu par mon /229/ péché
et que tout le monde fondait en larmes, il se sentit lui-même si vivement
touché qu'il forma la résolution de faire une confession générale au serviteur
de Dieu, et de se tracer un plan de vie conforme à la sainteté et à la
perfection de son état, ce qu'il exécuta. Il suivit l'homme de Dieu[26] dans ses dernières
missions, et avait coutume de dire que le plus grand miracle qu'eut fait M. de
Montfort dans sa paroisse, c'était de l'avoir converti. Tout le monde profita
de la mission. Tout prit une nouvelle face. L'homme apostolique retira les hommes
de la débauche et de l'ivrognerie, en leur interdisant les cabarets surtout les
dimanches et les fêtes et en les enrôlant dans la confrérie des pénitents. Il
fit disparaître les danses, les bals, la fréquentation des personnes de
différent sexe, en établissant la compagnie des vierges. Enfin, il prêcha avec
tant de zèle contre les différents abus qui régnaient dans le canton qu'il s'y
fit une réforme générale, et depuis plus de cinquante ans on voit encore dans
la paroisse de Saint-Pompain des vestiges de ses travaux évangéliques. La
clôture de la[27]
mission qu'il venait d'y donner fut le commencement de celle qu'il fit à[28] Villiers-en-[29]Plaine, qui en est éloigné
d'une lieue.
165 - La mission de Villiers-en-Plaine
Il
y alla processionnellement avec tous les habitants, et pour former[30] une espèce de triomphe à
la parole de Dieu, il prit le livre de la sainte bible[31] fort proprement[32] relié et le fit porter
sous un dais jusque dans l'église du lieu, où la mission commença dès ce jour. C'était
au mois de février 1716. Nous ne[33] pouvons en donner un
détail plus circonstancié et plus sûr que celui qu'en a donné la dame de cette
paroisse. Le voici : «Monsieur d'Orion et moi ne demeurions point pour lors au
château de Villiers, nous y avions seulement des domestiques, et nous restions
à Orion[34]. J'avais déjà beaucoup
oui parler des missions de M. de Montfort dans tout ce qui est fabuleux, et non
dans le bien. On nous dit que M. de Champflour, pour lors évêque de La
Rochelle, envoyait M. de Montfort à Villiers, paroisse de son /230/ diocèse
pour y faire la mission. Mon premier mouvement fut de n'y pas aller, ne voulant
point être témoin de toutes les mômeries que l'on disait qu'il faisait.
Après
avoir réfléchi quelques jours sur ce que je ferais, ou sur ce que je ne ferais
pas, je pensai que je ferais mieux pour le bon exemple d'y aller, attendu que
mon mari était seigneur de cet endroit, et que les habitants, voyant que le
seigneur et la dame n'y étaient pas, penseraient que, ne demeurant qu'à une
lieue de là et ayant un ménage, ils regardaient avec[35] mépris cette mission, et
que cela en empêcherait le fruit, ce que je regardais comme un grand mal. J'engageai[36] donc M. d'Orion[37] à aller passer le temps
de la mission à Villiers, avec dessein formé intérieurement de ne point faire
ma mission, et aussi de bien examiner tout ce que ferait ou dirait M. de
Montfort, pour m'en divertir après la mission.
Il
ne logea point au château, attendu que nous n'y étions point allés loger
nous-mêmes. Il plaça la Providence chez madame de Villiers, belle-mère de feu
mon mari. J'assistai à tous les sermons, qui étaient trois par jour, un avant
jour, un à trois heures après-midi, et un après jour couché. Nous mangions
presque tous les jours ensemble, soit à la Providence qui était bien fournie, ou
chez nous au château, et à tous les repas il avait un pauvre ou deux à ses
côtés, qui quelquefois étaient fort dégoûtants. Il partageait avec eux tout ce
qu'on lui servait sur son assiette, et toujours leur donnait ce qu'il croyait
être le meilleur morceau ; ne buvait jamais sans leur en donner et, lorsque les
grâces étaient dites, il les embrassait et les conduisait jusqu'à la rue son
chapeau sous le bras. Il couchait dans une chambre où il avait tout ôté du
châlit, et il y avait mis des fagots de sarment, deux draps de lit et une
couverture. Car je dérobai un moment qu'il avait laissé, qu'il y avait
longtemps que je veillais pour visiter son lit, et je le trouvai tel que je le
dis. Au bout de quinze jours, que /231/ j'eus oui tous les sermons qui avaient
été faits et vu sa façon de vivre, et sa régularité dans tous ses moments
d'oraison, de prières, et toutes ses conversations qui étaient toutes très
gaies, très édifiantes et très amusantes, et même où souvenue badinais exprès
avec lui pour voir s'il ne se fâcherait point, ou ne se scandaliserait point de
bien des propos et chansons étourdies que je lui disais, il prenait tout en
badinant[38],
et me faisait en riant des morales très douces. Au bout de quinze jours,
dis-je, j'eus le cœur pénétré du désir de faire ma mission. J'avais 25 ans
faits. Il était comme un ange envoyé de Dieu au confessionnal. Il ne trouvait
jamais dans le tribunal personne de si criminel que lui. J'atteste bien ne lui
avoir jamais vu ni ouï dire rien dans tous les sermons qui ne fût très
évangélique et apostolique. Le nombre se monte bien pour le moins à
soixante-quatre, tant examens publics que sermons qu'il faisait en chaire... Je
ne lui ai jamais connu aucun mauvais scrupule, ni pour lui ni pour les autres. Il
n'avait que ceux qu'un vrai chrétien doit avoir, et toujours beaucoup de
douceur. Quoiqu'il fût né avec un tempérament très vif, il était toujours
maître de lui en tout[39].
Le
jour du carnaval, il fut planter une croix au village de Champ-Bertrand, qui
est de la paroisse de Villiers, que madame de la Porte Bouton avait fait faire,
et l'avait prié d'aller planter à la fin de la mission. Elle nous donna à tous
à dîner ce jour-là. Cela fit un concours de plus de cinq à six cents personnes
étrangères, qui ne mangèrent pas chez la dame. Il y vint entre autres une dame
et un chevalier, et lorsque M. de Montfort fut monté au pied de la croix, comme
il avait coutume de faire, pour exhorter le peuple à respecter ce signe de
notre rédemption, à la moitié de son discours, cette dame et le chevalier lui
dirent toutes les invectives que l'on peut dire en pareille occasion,
l'appelant antéchrist, lui disant qu'il séduisait le peuple pour avoir de
l'argent, et ne /232/ débitait que des faussetés, et mille autres choses qui
durèrent bien un quart d'heure et demi. M. de Montfort resta comme un terme,
les deux mains jointes et son bonnet dessus, d'une tranquillité comme s'il
avait écouté quelque discours utile au salut de son âme, les yeux baissés, jusqu'au
moment que les deux personnes fussent lassées de parler. Et, pour lors, il
descendit de dessus cette croix et fut se jeter à genoux, et leur demanda
pardon de ce qu'il avait dit qui les eût scandalisés, et de les avoir obligés
d'avoir tant offensé Dieu. Ils eurent tant de honte qu'ils s'enfuirent sans
dire mot, et M. de Montfort ne voulut jamais que pendant le dîner on en dit un
seul mot.
Etant
dans la grande basse-cour du château de Villiers pendant la mission, une troupe
de prêtres, mon mari et moi avec quelques autres gentilshommes, au sortir du dîner
du château, étions arrêtés à huit ou dix pas de la porte du jardin. M. de
Montfort se détacha de nous, entra dans le dit jardin[40]. Ayant ouvert à moitié la
porte du jardin, je m'aperçus que le domestique la retirait à lui, très
doucement, et était extrêmement étonné. L'instant d'après, sans partir de sa
place, il rouvre cette porte et regarde avec attention et referme pour lors la
porte tout à fait. Il retourne sur ses pas et fut dans l'écurie des chevaux,
où, quand ces messieurs avec qui j'étais furent partis, et M. de Montfort aussi
qui était ressorti du jardin, j'entrai et trouvai ce domestique assis sur un
coffre où l'on mettait l'avoine des chevaux, qui avait encore les bras croisés.
Il me dit qu'il avait grand peur, et qu'il avait vu M. de Montfort à genoux
dans l'allée de charmille qui faisait face à la porte du jardin, les bras en
croix ; et qu'il fallait que cet homme fût un saint, qu'il s'en fallait plus de
deux pieds qu'il ne touchât à terre, et qu'il ne pouvait pas comprendre qu'il
fût à genoux et ne pas toucher à terre ; et qu'il croyait s'être /233/ trompé
la première fois, mais qu'il avait regardé à deux fois, et qu'il était bien[41] sûr que cela était,
puisqu'il l'avait vu la seconde fois comme la première. Je ne lui répondis
rien, sinon que c'était un bon prêtre.
Je
dis cela à M. Mulot, prieur de Saint-Pompain et à M. Vatel, qui me dirent de
n'en point parler du tout. C'est pourquoi, je ne lui dis pas à lui-même.
A
l'égard de sa mort, en me disant adieu, il me dit «Vive Dieu ! je demanderai à
Dieu telle chose, avec tant de Veilles, des jeunes, des prières, qu’il me
l’accordera, et je mourrai avant que l'année soit finie. Souvenez-vous de ce
que je vous promets. » Et effectivement, il est mort à la fin de la même
année.
Voilà
le vrai de ce que j'ai vu, et que je sais par moi-même, et je me flatte que je
dis vrai. Dieu m'est à témoin.
J. M. Thébault d'Orion[42], la veuve.
A Niort, ce 20 Août 1749.»
166 - Le pèlerinage des Pénitents Blancs
Dans
le dessein où était depuis longtemps M. de Montfort, de laisser après lui une
Compagnie de prêtres[43] qui continuassent ses
missions et les exercices[44] de son zèle, et sachant
qu'il ne lui restait plus longtemps à vivre, il réitéra ses instances auprès de
Dieu et de la sainte Vierge pour obtenir[45] cette longue succession
d'ouvriers évangéliques et se proposa d'aller[46], à cette intention, en
pèlerinage à Notre-Dame des Ardilliers de Saumur[47]. Mais, pensant que[48] le succès d'une
entreprise[49]
aussi importante pour la gloire de Dieu et le salut des âmes ne pouvait être
sollicité et trop ardemment et par trop de personnes, il chargea Mrs Mulot et
Vatel de se mettre à la tète de trente-trois pénitents à qui il proposa de
faire ce pieux pèlerinage les premiers, se réservant à faire le sien en son
particulier lorsqu'ils en seraient de retour. Ces deux zélés missionnaires s'y
portèrent avec ardeur. M. Mulot avait acquis une santé si forte depuis qu'il
travaillait avec M. de Montfort qu'il se trouva en état de faire le voyage à
pied, et même souvent nu-pieds, ainsi que les trente-trois pénitents. /234/
Comme
le serviteur de Dieu savait que les pèlerinages servent plus communément[50] à favoriser la
dissipation qu'à nourrir la piété, il ne se contenta pas de donner à ces
pèlerins deux prêtres pour les conduire, il leur mit entre les mains un[51] règlement qu'ils devaient
observer exactement dans la route. Il est si sage et dévot qu'on le lira avec
autant de plaisir que d'édification. Nous le donnons[52] copié tout entier sur
l'original, écrit de la main de M. de Montfort avec le titre même :
Le Saint Pèlerinage
de Notre-Dame de Saumur fait par les pénitents
pour obtenir[53] de Dieu de bons
missionnaires
Premièrement.
Vous n'aurez d'autre vue en ce pèlerinage
I°
que d'obtenir de Dieu par l'intercession de la sainte Vierge de bons missionnaires
qui marchent sur les traces des apôtres par un entier abandon à la Providence
et la pratique de toutes les vertus sous la protection de la sainte Vierge ;
2°
le don de la sagesse pour connaître, goûter et pratiquer la vertu, et la faire
goûter et pratiquer aux autres.
Deuxièmement.
Vous n'aurez rien en vos habits qui vous distingue des autres qu'une grande
modestie, un silence religieux et une prière continuelle tout le long du
voyage. Vous pourrez cependant, sans singularité extraordinaire, avoir un
chapelet en votre main et un crucifix sur votre poitrine, pour marquer que ce
n'est pas un voyage que vous faites, mais un pèlerinage.
Troisièmement.
Vous vous mettrez deux à deux en passant au travers des villages et des bourgs
afin[54] d'édifier, et dans la
campagne vous irez tous ensemble sans vous séparer les uns des autres que par
nécessité et obéissance. Si quelqu'un, par nécessité ou par lassitude, demeure
derrière, les autres, par charité, l'attendront, et s'il est nécessaire le
feront monter à cheval, s'entr'aidant tous comme les membres d'un même corps.
Quatrièmement.
Dans leur marche, ou ils chanteront des cantiques, ou ils réciteront le saint
rosaire, ou ils prieront intérieurement en silence ; et Us ne parleront
ensemble qu'une heure le matin, environ sur les dix heures, et après le dîner,
environ entre une et deux.
Cinquièmement.
Voici l'ordre des actions de la journée :
1°
ils se coucheront, autant qu'ils pourront, dans la même auberge, les plus
pénitents dans les foins et les pailles, et les plus faibles dans les lits,
mais tous en silence et avec modestie, après avoir fait la prière du soir tous
ensemble ;
2°
ils se lèveront tous au point du jour, au signal que leur supérieur leur en
donnera. Ils feront une courte prière ensemble, savoir : un Pater, un Ave, un
Credo, les commandements de Dieu et de l'Eglise ;
3°
ensuite,[55]
si l'église est dans le lieu où ils ont couché, et qu'il ne faille pas beaucoup
s'écarter pour y aller, ils iront y adorer à la porte le saint sacrement,
chantant en son honneur Tantum ergo
etc., avec l'oraison
4°
en se mettant en chemin, ils chanteront d'abord et réciteront la petite
couronne de la sainte Vierge. Ensuite, pendant une demi-heure, ils garderont le
silence pour méditer la mort et la passion de Jésus-Christ ;
5°
après la méditation, ils réciteront à deux chœurs le premier chapelet, et pour
le mieux faire, ils tâcheront de se mettre à deux, ou quatre à quatre, si le
temps et le chemin le permettent ;
6°
après la récitation du chapelet, ils chanteront des cantiques pendant une heure
ou environ, et ensuite, au signal qu'ils en recevront du supérieur, ils
s'entretiendront de bonnes choses jusqu'à la dînée ; et, quand ils entreront
dans le bourg ou le village, ils chanteront en chœur des cantiques ;
7°
si dans le lieu de la dînée, il y a une église où repose le saint sacrement,
ils iront, la, visiter tous ensemble avant d'aller à l'auberge ;
8°
quand ils entreront dans l'auberge, ils monteront tous, autant que faire /236/
se pourra, dans une chambre haute, ou du moins ils se retireront dans la même
salle basse. Ils s'y mettront tous à genoux ; chanteront : O Saint-Esprit donnez-nous vos lumières, etc...., puis ils
réciteront un Ave Maria, et ensuite,
ils s'assiéront
9°
un de la compagnie, après avoir dit le Benedicite
tout haut, leur fera une petite lecture qu'ils écouteront en mangeant et sans
causer, après laquelle ils pourront parler en achevant leur repas, au signal du
supérieur, auquel ils obéiront en tout, pour l'amour de Jésus-Christ ;
10°
avant de partir de l'auberge ils chanteront Mère
de Dieu vous êtes notre Mère, etc., et le cantique Daignez rendre grâce à tous nos bienfaiteurs, etc. ensuite ils
réciteront un Ave
11°
après la dînée, ils se récréeront saintement en marchant. L'heure de récréation
finie, au signal du supérieur, ils réciteront à deux chœurs comme ci-dessus, le
second chapelet, chanteront ensuite des cantiques pendant une heure, garderont
une demi-heure de silence, et puis parleront de bonnes choses jusqu'à ce qu'ils
soient arrivés au lieu de la couchée ;
12°
quand ils seront au lieu, pendant que celui de la compagnie qui sera député
fera préparer le repas, ils réciteront à deux chœurs le troisième chapelet,
pour l'édification de ceux qui les verront et les entendront. Enfin ils
collationneront et ils iront se coucher comme il a été dit ci-dessus.
Sixièmement.
Ils tâcheront de jeûner tous les jours de leur marche, à moins que la maladie
survenant ne les en empêchât.
Septièmement.
Ils ne s'écarteront point de la troupe et n'entreprendront rien d'extraordinaire,
sans la permission et l'agrément de celui qu'ils ont choisi pour chef et
supérieur de leur pèlerinage, afin que la sainte obéissance les sanctifie plus
que la pénitence.
Huitièmement.
Ils pourront, un quart d'heure avant d'entrer dans la ville de Saumur, se
déchausser, et entrer deux à deux et les pieds nus, en chantant /237/ des
cantiques, dans la chapelle de la sainte Vierge. S'ils y arrivent le matin, il
faudra, à cause des messes, qu'ils cessent de chanter à la porte de la
chapelle. Quand les messes seront finies le matin, ou le soir lorsqu'on ne
chantera pas d'office, le supérieur pourra aller demander au sacristain la
permission de réciter le chapelet devant l'image de la sainte Vierge et de
chanter quelques cantiques. Si on leur refuse, ils se tiendront contents et
prieront Dieu en silence dans ladite chapelle, jusqu'au signal du supérieur, et
aucun ne sortira que par nécessité et par sa permission, afin de combattre et
de vaincre tous ensemble les ennemis de Dieu, le monde, le diable et la chair,
qui ne manqueront pas de s'unir ensemble pour en séparer et en renverser
quelqu'un de leur compagnie.
Neuvièmement.
Ils se confesseront tous et communieront au moins une fois, à Notre-Dame, et
tous ensemble, sur les dix heures, le lendemain de leur arrivée. Ils
demeureront le reste du jour à Saumur ; non pas pour voir la ville, comme font
les curieux, mais pour remercier et prier Dieu comme de bons pénitents.
Dixièmement.
Ils partiront le lendemain de leur communion, après avoir entendu la sainte
messe, à laquelle ils pourront encore communier s'ils n'ont pas fait de péché
considérable depuis leur dernière communion, et s'ils ont été fidèles à obéir à
cette règle et au supérieur.
Onzièmement.
On leur permet d'aller une fois, au signal du supérieur, chez les chapeliers
pour acheter quelque chose, et ensuite ils se rendront à leur auberge, sans
aller ailleurs.
Douzièmement.
Le lendemain de leur communion, après la messe entendue et une demi-heure de
prière ensuite, ils sortiront, deux à deux, en chantant des cantiques, de la
ville de Saumur, sans se mettre en peine des railleries des libertins,
auxquelles ils ne répondront que par leur modestie, leur silence et leurs
chants de joie divine. /238/
Treizièmement.
S'ils font ce voyage de cette manière, je suis persuadé qu'ils seront un
spectacle digne de Dieu, des anges et des hommes, et qu'ils obtiendront de
Dieu, par sa sainte Mère, de grandes grâces non seulement pour eux-mêmes mais
encore pour toute l'Eglise de Dieu.
Quatorzièmement.
Il est à propos qu'ils ne parlent point des missionnaires qui leur ont donné le
présent règlement, et on leur demande le secret afin que Dieu seul en soit
glorifié ; puisqu'il a seul été l'auteur de ce dessein, il en sera aussi seul
la récompense.
Quinzièmement.
Quand ils seront de retour, ils viendront rendre compte de toutes les croix
qu'ils auront portées et de toutes les choses qui leur seront arrivées, afin
qu'on dise pour eux une messe solennelle d'action de grâce.
Tous
les articles de ce règlement furent fidèlement exécutés. Voici comme en parle
M. Mulot : «Nous fûmes, dit-il, en pèlerinage à Saumur avec M. Vatel, qui était
avec M. de Montfort quinze mois avant moi. Nous fûmes avec trente-trois
pénitents, tous à pied et souvent pieds nus, à la réserve d'un bon vieillard
goutteux qui eut la dévotion de venir avec nous, qui était à cheval. Nous
faisions sept lieues par jour, en chantant des cantiques, psalmodiant le saint
rosaire et faisant l'oraison. On était deux à deux en passant par les villes et
bourgs qui étaient sur notre chemin, entrant dans les églises dans cet ordre
pour adorer le saint sacrement. Tout le monde venait en foule et pleurait
amèrement de voir un tel spectacle. Monsieur le curé de Saint-Jean de Thouars
vint en surplis, à la porte de son église, nous faire un petit discours sur la
pénitence des Ninivites, capable de toucher tout le peuple qui était présent. Nous
fîmes trois jours de marche dans les mêmes exercices et en jeûnant, étant un
temps de carême. Nous entrâmes dans cet ordre à Saumur dans toutes les églises.
Nous y restâmes un jour pour satisfaire à la dévotion de notre procession. Nous
dîmes la sainte messe à /239/ Notre-Dame de Saumur et tous communièrent. Le
lendemain nous nous en retournâmes en même ordre. On nous attendait à Saint-Pompain
avec impatience, M. de Montfort y étant resté en retraite pendant notre voyage.
Cela se termina par la bénédiction du saint sacrement, qu'on nous donner le
dimanche suivant. »
167 - M. de Montfort fait le même
pèlerinage
et poursuit pour Saint-Laurent
Pendant
ce voyage de dévotion, lequel dura sept jours, le serviteur de Dieu se disposa
par une profonde retraite à faire aussi le sien en son particulier, et s'il
donna aux autres des règles pour le faire si saintement, il les pratiqua
lui-même dans la dernière exactitude[56], avec quelques frères
dont il se fit accompagner. Après avoir satisfait sa dévotion à la sainte Vierge[57] et avoir mis sous sa
protection son âme, son corps, ses desseins, les deux sociétés des
missionnaires et des Filles de la Sagesse qui en étaient la fin, il alla chez
les Sœurs de la Providence de cette ville, pour lesquelles il avait une grande
estime.
On
savait qu'il avait une sœur religieuse dans l'abbaye de Fontevrault, qui n'est
éloignée que de quatre lieues de Saumur. On lui dit qu'il devrait bien aller la
voir, que ce serait et pour lui et pour elle une grande consolation. Que
c'était peut-être la dernière fois qu'ils se verraient dans ce monde. Mais M.
de Montfort ne tenait plus à la terre. Ses pensées et ses désirs ne se portaient
que vers le ciel, et dans le pressentiment qu'il avait que sa fin n'était pas
éloignée, il voulut faire à Dieu un dernier sacrifice en se privant de voir une
sœur pour qui il avait beaucoup d'amitié[58]. Il se contenta de lui
envoyer deux des frères qui le suivaient dans ses missions, et resta en
attendant leur retour dans la maison des Sœurs de la Providence.
C'est
ainsi que les saints savent étouffer jusqu'aux sentiments les plus justes de la
nature, pour donner à Dieu seul un cœur où il veut régner sans partage. /240/
Avant
que L.M. de Montfort fût parti de Saint-Pompain, tout était arrêté pour la
prochaine mission qui devait se faire a Saint-Laurent-sur-Sèvre, à la
sollicitation de M. Félix Rougeou qui en était doyen. On était convenu que M.
Vatel resterait pour se délasser du voyage de Saumur, et que M. Mulot le prieur
et M. Mulot[59]
le nouveau disciple[60] du saint missionnaire se
rendraient au jour marqué au lieu de la mission pour la commencer avec lui. Il
y alla[61] en droiture de Saumur,
faisant dans son voyage la plus rude pénitence et entrant souvent dans
l'épaisseur des bois qui se trouvaient sur son passage pour y faire[62] de sanglantes disciplines
; car c'est ainsi qu'il savait mêler les austérités des déserts aux fonctions
d'une vie toute apostolique.
168 - Mission de Saint-Laurent et mort de
M. de Montfort
Il
arriva à Saint-Laurent le premier jour d'avril 1716, et choisit à son
ordinaire, pour sa demeure, l'endroit le plus pauvre et le plus incommode. C'était
un petit galetas, où il trouva en effet tout ce qu'il fallait[63] pour satisfaire son
attrait, n'ayant pour lit qu'un peu de paille et pour tous meubles que ses
instruments de pénitence. Quatre jours après son arrivée, il écrivit à la
supérieure des Incurables de Nantes, où il comptait aller faire un tour après
la mission, n'en étant éloigné que de dix à douze lieues. On verra ici avec
plaisir la copie de sa lettre. C'est dans une lettre[64] que l'on connaît mieux
l'esprit et le caractère de celui qui écrit. Tout ce qui peut faire connaître
notre respectable père[65], nous paraît précieux.
De la Mission de Saint-Laurent-sur-Sèvre, le 4 avril 1716
Vive Jésus ! Vive sa croix
«Appuyé
sur le fonds inépuisable de la divine Providence, notre bonne mère, qui ne nous
a jamais manqué dans nos entreprises pour sa gloire, je réponds hardiment qu'on
peut faire et passer le bail à ferme de la maison en question, pourvu que les
sujets qui doivent avoir soin des pauvres incurables aient les qualités
suivantes. 1. Il faut qu'avec leur bien, grand ou petit, avec leur science ou
ignorance, elles ne s'appuient ni sur aucun /241/ bras de chair, ni sur aucun
talent naturel, mais uniquement sur les secours invisibles et inconnus de la
providence de notre Père céleste. 2. Qu'elles suivent universellement et
ponctuellement la même règle et le même directeur, sans qu'aucune,
quelqu'argent qu'elle apporte, ou quelque talent qu'elle ait, puisse, par
privilège ou condescendance, s'exempter de la communauté, de la règle et du
Directeur. 3. Enfin qu'elles soient préparées, si l'œuvre est de Dieu, à
souffrir joyeusement toutes sortes de croix. Car cette maison est la maison de
la croix, et on ne lui doit point donner d'autre nom ; et la première chose
qu'il faudra faire en cette maison sera d'y planter une croix, avec la
permission de Monseigneur, afin qu'elle en acquière le nom, la grâce et la
gloire à perpétuité. Il ne faudra d'abord planter dans le milieu du jardin ou
de la cour qu'une simple croix, en attendant mieux. C'est le premier meuble
qu'on y portera. Mais il faudra que monsieur notre bon ami la bénisse ou la
fasse bénir. Lorsque j'ai reçu cette nouvelle, je méditais d'envoyer chez vous
deux Filles de la Sagesse qui travaillent auprès des pauvres en[66] ce diocèse, dont l'une
est âgée de quarante ans ou environ, et que je crois toutes deux propres à cet
emploi. Prions Dieu tout bon qu'il nous fasse connaître son adorable volonté. Mais,
mon Dieu, qu'il y a peu de filles obéissantes, silencieuses, prudentes et
crucifiées ! Chacune a son suffisant quant à moi dans le cœur, ou du moins dans
la tête. Je crois que des filles étrangères, jointes à celles que je vous
marque, pourvu qu'elles aient les qualités susdites, seraient plus capables de
commencer et fonder l'ouvrage dont il est question, s'il est planté et remis
sur des pierres vives.
Je
salue avec un très profond respect M. du Portail et toutes ces bonnes âmes qui
entrent avec nous dans la charité du cœur de Jésus, le plus /242/ crucifié
d'entre les hommes. Si M. l'évêque de Nantes le juge à propos, (car je ne
partirai pas sans sa permission), je serai à Nantes le cinq[67] du mois de mai au soir. Voilà
une lettre que je me donne l'honneur d'écrire à sa Grandeur. Je salue avec le
plus profond respect M. l'abbé Barin, et je le prie de la présenter par M. de
Vertamont à sa Grandeur. Si elle me refuse quinze jours que je lui demande pour
me reposer de mes travaux à Nantes, sans perdre le trésor infini de la sainte
messe, c'est une marque certaine que ce n'est pas la volonté de Dieu que
j'aille à Nantes, et quand je n'irais pas, je crois fermement comme un article
de foi que les choses en iront mieux.
Je
me recommande aux prières de tous les amis de la croix, afin que Dieu ne tire
pas ici vengeance de mes péchés en refusant la conversion véritable aux pauvres
peuples qui m'entendent.
Tout
à vous en Jésus-Christ et sa sainte Mère. Je salue tous les anges de la ville
de Nantes et le vôtre en particulier. Humilité, humiliation, humiliation. Deo gratias.
L.
M. Grignion.»
La
mission de St Laurent ouvrit le dimanche. Le serviteur de Dieu commença[68] par y donner une marque
édifiante de son amour pour la croix dans une paroisse où toutes les siennes
devaient bientôt finir[69]. Comme on faisait la
procession avant la grand'messe au-dedans de l'église, M. de Montfort qui ne
s'était pas trouvé au commencement, devant prêcher, alla[70] se placer devant l'autel
de la sainte Vierge pour attendre le clergé, et lorsque celui qui portait la
croix fut proche, il la prit entre ses mains par un mouvement de dévotion et
d'amour pour elle, et la porta d'une manière touchante et recueillie le reste
de la procession.
Les
exercices de la mission étaient beaucoup suivis, et l'homme de Dieu y
travaillait avec son ardeur ordinaire, lorsqu'on apprit que monseigneur /243/
l'évêque de la Rochelle devait arriver dans peu à Saint-Laurent pour faire sa
visite. Cette nouvelle combla de joie M. de Montfort. Il la manifesta dans un
sermon, et dit qu'il fallait se préparer à aller en procession au-devant de sa
Grandeur. Le jour étant arrivé, il rangea tout le peuple deux à deux et le fit
marcher dans le plus bel ordre à la rencontre du prélat. Ce dût être un
spectacle de religion bien édifiant et bien touchant à en juger par la peine
qu'il s'y donna. Il la croyait nécessaire. On ne met[71] pas de file des milliers
de personnes de tout âge et de tout sexe, et on ne tient pas chacun dans son
rang sans faire bien des courses, et quelqu'exercé que fût le saint
missionnaire à ces sortes d'opérations, celle-ci le fatigua à l'excès. On a
remarqué que depuis quelques années son tempérament était très affaibli ;
cependant il n'avait rien retranché de ses travaux. Il succomba dans celui-ci. Dans
le fort d'une mission qu'il avait commencée à la suite d'un long et pénible
voyage, épuisé comme il devait l'être, il ne se ménagea pas assez dans un
exercice de cette nature. A peine eut-il reconduit la procession qu'il se
sentit atteint d'une fausse pleurésie. Il ne put dans cet état aller dîner au
doyenné avec M. l'évêque[72]. Il fallait encore qu'il
prêchât l'après-midi comme à l'ordinaire, et il voulut s'en acquitter. En vain
M. Mulot lui représenta qu'épuisé comme il était et ayant la respiration aussi
gênée, il n'était du tout point en état de prononcer un sermon[73]. Il lui répliqua que s'il
ne le faisait pas le ministère de la parole de Dieu en souffrirait, que bien
des gens l'observaient et qu'ils ne manqueraient pas de répandre parmi le
peuple qu'il n'avait osé prêcher devant l'évêque. Il monta donc en chaire, mais
avec un air qui fit compassion à tout l'auditoire. On croyait que sa faiblesse
ne lui permettrait pas de finir ; mais son zèle suppléa à ses forces. Il prit
pour matière de son discours la douceur de Jésus et traita son sujet avec une
onction la plus capable d'attendrir. Un trait surtout fit sur les auditeurs la
plus sensible[74]
impression. Ce fut lorsqu'il parla du baiser que /244/ le Sauveur voulut bien
recevoir de Judas, pour essayer de gagner son cœur endurci. Il s'étendit[75] sur cet endroit d'une
manière si tendre, si touchante et en même temps si naturelle que tout
l'auditoire fondait en larmes. Il ne devait plus en faire répandre que sur lui-même,
et il eut la consolation d'avoir pour témoin de ce dernier fruit de ses travaux[76] le saint évêque dans le
diocèse duquel il allait terminer sa carrière.
A
peine eut-il achevé son discours qu'il fut obligé de se mettre au lit, et
malgré tous les soins qu'on prit de lui et tous les remèdes qu'on pût apporter
à son mal, rien ne put le soulager. Sa maladie était mortelle, et lui-même
était un fruit mûr pour le ciel. Il mourrait victime de son zèle. Il eut bien
voulu mourir aussi victime de la pénitence et n'avoir d'autre lit que la paille
sur laquelle il était couché comme à son ordinaire ; mais son confesseur
l'obligea, par obéissance, à prendre un matelas. Sentant parfaitement l'état où
il était, il demanda à se confesser et à recevoir le saint viatique et
l'extrême-onction. Il reçut l'un et l'autre dans des sentiments de piété tels
qu'on pouvait les attendre d'un prêtre qui avait vécu avec la pureté d'un ange
et travaillé avec le zèle d'un apôtre. Il voulut aussi faire son testament. Comme
il est conçu en termes très édifiants nous croyons devoir en donner le précis.
Testament de M. de Montfort
«Je
soussigné, le plus grand des pécheurs, veux que mon corps soit mis dans le
cimetière et mon cœur sous le marchepieds de l'autel de la sainte Vierge. Je
mets entre les mains de M. l'évêque de la Rochelle et de M. Mulot mes petits
meubles et livres de mission, pour l'usage de mes frères unis avec moi dans
l'obéissance et la pauvreté, tandis qu'ils persévéreront à renouveler leurs vœux
tous les ans ; aussi pour l'usage de ceux que la divine Providence /245/
appellera à la même communauté du Saint-Esprit. Je donne toutes mes figures du
calvaire avec la croix à la maison des sœurs des Incurables de Nantes..... Je
n'ai point d'argent à moi en particulier, mais il y a cent trente-cinq livres
qui appartiennent à frère Nicolas de Poitiers ; il faut les lui rendre.....
Je
donne trois de mes étendards à Notre-Dame de sainte Patience à la Séguinière,
les quatre autres à Notre-Dame de la Victoire à la Garnache, et à chaque
paroisse d'Aunis, où le rosaire persévérera, une des bannières du saint
rosaire.
Je
donne à M. Bonny les six tomes de sermons de la Volpillière, et à M. Clisson
les quatre tomes de catéchismes des peuples de la campagne. S'il en est dû
quelque chose à l'imprimeur, on le paiera[77]... S'il y a du reste[78], il faudra rendre à M.
Vatel ce qui lui appartient, si monseigneur l'évêque le juge à propos. Voilà
mes dernières volontés que M. Mulot fera exécuter, avec un entier pouvoir que
je lui donne de disposer comme bon lui semblera, en faveur de la communauté du
Saint-Esprit, des chasubles, calices et ornements d'église et de mission. Fait
à la mission de Saint-Laurent-sur-Sèvre le 27 avril 1716.
Signé
Louis-Marie Grignion.»
Il
lui restait à désigner son successeur pour l'œuvre des missions. Il le fit en
homme inspiré, et le temps a fait voir qu'il avait en effet à cet égard des
connaissances plus qu'humaines. M. Mulot était alors auprès de son lit et
déplorait la perte que les missions allaient faire. Le serviteur de Dieu lui
prit la main et l'exhorta à continuer les travaux qu'il avait partagés avec
lui, et comme il[79]
répondit[80]
que la chose était[81] en quelque sorte
impossible, vu qu'il n'avait ni force ni talents, il le rassura[82], et lui dit en lui
serrant la main : «Ayez confiance, mon fils, ayez confiance, je prierai Dieu
pour vous, je prierai Dieu pour vous.» /246/ Paroles que M. Mulot dit avoir
opéré en lui le plus grand des miracles, savoir : «de lui avoir obtenu la force
et la santé pour soutenir pendant plus de trente ans les missions, tandis qu'il
ne croyait pas passer jamais l'âge de trente ans de vie.»
Voulant[83] mourir ainsi qu'il avait
toujours vécu, esclave de Jésus vivant en Marie, il défendit qu'on lui ôtât les
petites chaînes de fer qu'il avait attachées au col, aux bras et aux pieds. Il
prit dans sa main droite le crucifix qu'il avait apporté de Rome, auquel notre
Saint-Père le Pape avait accordé une indulgence plénière à la mort, et,[84] dans sa main gauche l'image
de la sainte Vierge qu'il avait toujours coutume de porter sur lui, et baisait
tendrement ces images l'une après l'autre, en invoquant Jésus et Marie.
Quelques
heures avant qu'il mourût, le peuple était assemblé en foule à la porte de sa
chambre et demandait à y entrer pour recevoir sa bénédiction. Entendant[85] le bruit, il voulut
savoir ce que c'était. On le lui dit, et il pria qu'on laissât entrer tout ce
monde. La chambre fut bientôt remplie. Tout se mit à genoux pour lui demander
sa bénédiction. Il s'en excusa en disant qu'il était un trop grand pécheur, et
que ce pouvoir ne lui appartenait pas. Alors M. Mulot, son confesseur, lui
dit-: «Bénissez-les, monsieur, avec votre crucifix ; ce sera Jésus-Christ qui
leur donnera sa bénédiction et non pas vous.» Il le fit. La chambre étant trop
petite pour contenir toutes les personnes qui voulaient participer à la même
faveur, il fallut les laisser entrer les uns après, les autres jusqu'à trois
fois. Ce n'était qu'une continuité de larmes et de sanglots. Alors M. de
Montfort voulant[86]
s'encourager lui-même et adoucir la douleur amère de[87] ce bon peuple, réunit
tout ce qu'il avait de forces et se mit à chanter deux couplets d'un cantique
de la mission
«Allons, mes chers amis,
Allons en paradis : /247/
Quoi qu'on gagne en ces lieux,
Le paradis vaut mieux.»
Un
moment après il tomba dans une espèce d'assoupissement, puis il se réveilla
tout tremblant et en frémissant, et dit à haute voix : «C'est en vain que tu
m'attaques; je suis entre Jésus et Marie (dont il tenait les images). Deo gratias et Mariae. Je suis au bout
de ma carrière. C'en est fait, je ne pécherai plus.» Et il expira avec beaucoup
de paix et de tranquillité. Ce fut un mardi 28 avril 1716, sur les huit heures
du soir, après sept à huit jours de maladie. Il avait quarante-trois ans deux
mois et vingt-huit jours. Sa taille était au-dessus de la médiocre, sa
constitution robuste, un air de grandeur, mais avec cela de bonté, prévenant,
affable, agréable[88]. Il avait les joues assez
vermeilles, le visage long, le front large et élevé, les yeux grands et vifs,
cependant très modestes, le nez aquilin sans être trop cavé, comme on le
représente, le menton un peu long, les cheveux châtains, plats et fort courts,
et retombant modestement sur le haut de la tête, un peu au-dessus du front.
Quand
on eut appris sa mort, la consternation fut générale. Chacun croyait avoir
perdu un père et ne se consolait que par la ferme confiance d'avoir en lui un
puissant protecteur dans le ciel. On le pleurait comme on pleure à la mort des
saints, c'est-à-dire avec un attendrissement mêlé de vénération, et des regrets
adoucis par la pensée du bonheur dont ils jouissent. On répétait partout : «Le
saint père Montfort est donc mort !»[89] Lorsqu'on l'annonça à Mr
de Champflour, qui continuait[90] le cours de ses visites
dans les paroisses voisines, les larmes lui vinrent aux yeux et il dit qu'il
venait de perdre le meilleur prêtre de son diocèse.
Le
bourg de Saint-Laurent fut bientôt inondé d'un nombre infini de personnes qui
venaient de tous côtés pour assister aux funérailles /248/ du serviteur de
Dieu. Il en vint jusque de la ville de Nantes. On fit le lendemain au soir le
service funèbre. Le corps fut porté à l'église et exposé au milieu de la nef,
pour satisfaire l'empressement du peuple qui venait le vénérer : y faire
toucher des images, des chapelets et crucifix ; jusqu'à des mouchoirs. On fut
obligé de ranger une garde autour du cercueil pour empêcher qu'on ne coupât ses
cheveux et ses habits, et ce furent les pénitents qu'il avait établis à qui
l'on confia cet emploi. Digne cortège, et bien glorieux à un prêtre qui n'avait
jamais cessé de pratiquer et de prêcher la pénitence. Cependant on s'empressait
d'avoir quelque chose qui lui eut appartenu. Plusieurs personnes eurent cet
avantage, mais malgré cette abondante distribution sa soutane est demeurée à
Saint-Laurent chez les Filles de la Sagesse.
Après
avoir satisfait la piété des peuples, on célébra ses funérailles. Il s'y trouva
un nombreux clergé composé de plusieurs curés et autres prêtres respectables
des environs qui[91]
vinrent rendre ce dernier devoir à un saint missionnaire dont ils avaient tant
de fois admiré le zèle et la charité. On l'inhuma dans la chapelle de la sainte
Vierge, à main gauche, proche de la balustrade. Quand on le mit en terre cette
multitude de peuple jeta des cris lamentables, en perdant de vue ce précieux
objet de sa tendresse et de sa vénération : mais bientôt un sentiment de piété
et de dévotion prit la place de tous les autres sentiments. On avait uni ses
prières à celles de l'Eglise pour le serviteur de Dieu. Chacun[92] ne pensa plus qu'à
l'invoquer lui-même dans la juste persuasion que Dieu avait déjà couronné ses
vertus. Cette confiance a toujours continué. Depuis, on a vu et l'on voit
encore un grand nombre de personnes venir à son tombeau ; quelques fois de
vingt à trente lieues et presque toutes assurant quelles ont été exaucées, et
qu'elles ont obtenu des guérisons miraculeuses. Nous le rapportons sans vouloir
prévenir /249/ en rien le jugement de l'Eglise à qui seule il appartient de
prononcer sur le culte public et la vérité des miracles ; et c'est pour cette
même raison que l'on avait encore ni vœux ni offrandes à son tombeau.
M.
l'abbé Clisson, Missionnaire, qui avait prêché et travaillé avec lui dans plusieurs
de ses missions, prononça son oraison funèbre, le vingtième du mois de juin
suivant, dans l'église de Saint-Laurent-sur-Sèvre,[93] lieu de sa sépulture.
Le
corps était demeuré en terre sans caveau, pendant dix-huit mois. Mais, quelques
personnes zélées pour l'honneur du serviteur de Dieu, et entre autres Madame la
marquise de Bouillé, demandèrent permission à l'évêque diocésain de faire lever
sa tombe, pour lui faire un tombeau[94] élevé à peu près comme un
autel, sur lequel on placerait une pierre de marbre avec une épitaphe[95]. L'évêque y consentit,
comme il paraît par sa réponse en date du 31 juillet 1718.
«Je
suis très édifié, Madame, lui marque-t-il, des bons sentiments que vous avez
pour la mémoire de M. de Montfort. J'en ai aussi de très avantageux, et je le
crois très agréable aux yeux de Dieu. Ayant vécu aussi saintement qu'il a fait,
il y a tout lieu de croire que Dieu lui a fait miséricorde et qu'il l'a mis au
rang des bienheureux dans le ciel. Il est vrai, Madame, que j'ai défendu qu'on
lui rendît aucun culte public de religion, parce que l'Eglise ne l'ayant pas
reconnu ni déclaré saint, on ne peut sans abus, lui rendre aucun culte
public... Mais on peut bien avoir pour lui une dévotion particulière, aller à
son tombeau... Je ne blâme pas cela, au contraire. Je ne blâme pas non plus
qu'on boive sur quelque chose qui lui ait servi, même sur le bois de son
cercueil. Enfin, j'approuve la dévotion particulière qu'on peut avoir à cet
illustre défunt, et la confiance qu'on a dans ses prières et son intercession ;
mais je condamne le culte public et les /250/ pratiques publiques de piété
qu'on ne peut et qu'on ne doit rendre qu'aux saints reconnus et déclarés tels
par l'Eglise.
Signé : Etienne, évêque de La Rochelle.»
M.
de Champflour veut donc bien qu'on honore M. de Montfort ; mais il ne veut pas
qu'on lui rende un culte public. Or, ce qu'on entend par un culte public, selon
le Pape Benoît XIV et la Congrégation des Rites, ce n'est pas celui qui se rend
devant d'autres personnes, mais celui qu'on rend au nom de toute l'Eglise, et
institué par l'Eglise ; comme de proclamer ouvertement quelqu'un comme saint,
de l'invoquer publiquement, de le nommer dans les litanies et prières
publiques, d'ériger des autels ou des églises à sa mémoire, le peindre avec la couronne
de gloire qu'on appelle l'auréole, placer ses[96] tableaux dans les
temples, célébrer ses fêtes avec la pompe des offices ecclésiastiques et
honorer publiquement ses reliques. Voilà ce qu'on entend par un culte public,
et ce qu'on ne doit rendre, avant le jugement de l'Eglise, à aucune personne
morte en odeur de sainteté. Mais nous disons avec le même Pape Benoît XIV, que
les simples fidèles peuvent, en particulier, regarder comme bienheureux les
serviteurs de Dieu morts en odeur de sainteté dans le sein de l'Eglise
catholique, apostolique et romaine, les juger dignes des honneurs de la
canonisation, et, en ce sens, leur donner même le titre de saints. Qu'on peut
être pénétré pour eux de la vénération qu'inspire la sainteté, qu'on peut, dans
ses besoins, les invoquer avec confiance, et solliciter leur intercession
auprès de Dieu qu'il est permis de célébrer une espèce de fête ou de
réjouissance le jour de leur mort, et s'occuper ce jour-là de Dieu en leur
mémoire ; permis enfin de garder leurs images avec dévotion, et de conserver
leurs reliques avec décence ; mais hors des lieux sacrés. On peut donc faire
tout cela envers M. de Montfort, /251/ et tout cela est compris dans la
permission que M. de Champflour a accordée par sa lettre.
Ce
fut en conséquence de cette même permission que l'on prit jour pour faire
l'exhumation du corps. M. le doyen curé de Saint-Laurent ne voulut pas s'y
trouver d'abord, se persuadant qu'il s'exhalerait une mauvaise odeur qu'il ne
pourrait soutenir. Il députa M. son vicaire pour y assister à sa place. C'est
la relation de ce témoin oculaire que nous allons donner telle que lui-même l'a
donnée par écrit.
«Vous
me demandez, Monsieur, un mémoire circonstancié de l'exhumation du corps de feu
M. de Montfort, prêtre missionnaire, mort en odeur de sainteté à Saint-Laurent-sur-Sèvre
le 28 d'avril 1716, et dont le corps fut exhumé par la permission de Mgr de
Champflour, pour lors évêque de La Rochelle, la nuit du douzième de novembre de
l'année suivante, mil sept cent dix-sept. Il paraissait fort convenable que le
corps d'un si grand homme fut réservé et mis en dépôt dans un caveau fait
exprès, afin que quand il plaira au Tout-Puissant de faire honorer les cendres
de son serviteur par la canonisation de son Eglise en terre[97], on ne puisse se
méprendre d'avec celles du commun des hommes. Mais, comme il n'y avait pas
longtemps que ce corps gisait en terre, et qu'il ne pouvait encore[98] guère être consommé,
c'est ce qui fit que la plupart de ceux qui y assistèrent s'étaient munis de
liqueurs et d'herbes fortes pour prévenir la mauvaise odeur de la putréfaction
que devait causer ce corps. Moi-même, qui était commis en qualité de vicaire de
ladite paroisse, pour être présent et empêcher, de la part de mon dit évêque,
qu'on ne touchât à son dit corps, mais seulement pour donner[99] aux vivants par dévotion
des parcelles des habits sacerdotaux, /252/ dont on l'habilla après sa mort et
avec lesquels son dit corps fut inhumé. J'avais de la menue sauge en les
narines pour ne sentir aucune mauvaise odeur. Tout étant donc préparé pour
ladite exhumation, qui se fit devant moi et en présence de M. le marquis de
Trézididy, de mademoiselle Bauvais, de la sœur Mathurine, lesquels faisaient la
dépense dudit caveau et de la pierre de marbre qui est dessus, les sacristains
(furent) appelés pour le désenterrement. Lorsque le cercueil parut tous les
assistants furent surpris de ne sentir aucune mauvaise odeur, ce qui occasionna
tout le monde à s'approcher de près de la fosse ; d'où étant sorti ledit
cercueil, par plusieurs personnes qui y descendirent pour l'en tirer et le
poser au-delà de la balustrade de la chapelle de la sainte Vierge sur deux
bancs, on fut également surpris, lorsqu'ôtant l'ais de dessus ledit cercueil,
on vit une infinité de petites mouches, ayant des ailes vertes, murmurant et
chantant à leur façon comme des abeilles sorties de leurs ruches. Quelque chose
qu'on puisse dire sur ce fait, il sera toujours vrai que, comme c'est le propre
de ces petites bêtes d'engendrer la corruption, et que n'ayant aucun limon ni
putréfaction au corps dudit de Montfort, dont la chair était blanche comme du
papier, pour moi, je conjecture de ceci, que Dieu a voulu nous donner une idée
de l'exaltation qu'il fera un jour de la sainteté de son serviteur par la
canonisation que l'Eglise en fera. Il est vrai que ces mouches ne sont pas une
marque de sainteté. Il est encore vrai que dans les endroits où la terre était
tombée sur le corps de M. de Montfort, la chair en était minée, ce qui nous
fait voir que ce corps deviendra comme ceux des autres hommes, cendre et
poussière. Cependant, comment ces mouches se sont-elles engendrées au milieu de
la terre ? Qui est-ce qui les a occasionnées ? Comment ce corps a-t-il /253/
été préservé de leur contagion ? On n'en saurait donner des règles naturelles. J'aime
mieux dire que c'est un prélude de ce qui devait arriver dans le temps que le
Seigneur nous a voulu montrer à l'égard de son serviteur. Bien loin que le
corps de M. de Montfort sentît mauvais lors de son exhumation, la terre qui en
était autour et qui le couvrait avait une odeur suave. Au dire des sacristains,
la terre qui était sur son corps et ses vêtements, que je distribuai au peuple,
sentait comme de la fenouillette.
M.
de Montfort, de son vivant, était rempli du Saint-Esprit et a fait des choses
surprenantes et des conversions, en grand nombre, des pécheurs. Tout se rendait
à l'ardeur de son zèle, mais surtout il avait une dévotion particulière à la
sainte Vierge. Il m'a dit plusieurs fois qu'il obtenait du Sauveur tout ce qu'il
demandait par elle. Sa foi était vive et pleine de confiance en Dieu. Un jour
d'Ascension, qui était la procession générale d'une mission qu'il faisait à
Saint-Amand-sur-Sèvre en 1715, la pluie commença à tomber dès le matin en
abondance, et semblait devoir durer toute la journée. Le temps venu de la
procession, il s'enferme un moment en[100] sa chambre et prie, et
sort rempli de confiance, fait mettre la procession en état, nonobstant la
pluie. On sort de l'église, et dès le moment, voilà le soleil à paraître avec
un temps fort serein. Il avait le don de prophétiser. Il m'a prédit à moi-même
ce qui m'est arrivé. Il n'est pas surprenant qu'on dise qu'il s'est fait
plusieurs guérisons miraculeuses à son tombeau. La première qui arriva, de mon
temps, à Saint-Laurent, fut la guérison de Marie Devaud. Cette fille était
depuis longtemps perclüe des deux jambes, de sorte qu'elle ne pouvait marcher
qu'avec deux abourdes, et que, quand il s'agissait de la communier à l'église,
il fallait deux personnes pour la présenter à la table de la communion. Sitôt
après la /254/ mort dudit de Montfort elle fait une neuvaine à son tombeau,
après de saintes dispositions, et recouvre[101] la santé, qui l'a mise
aussitôt en état de servir en qualité de domestique chez M. Lemercier, pour lors
huissier des tailles au dit bourg de Saint-Laurent. Voilà ce que j'ai vu, et
c'est le témoignage que je dois rendre à la vérité, à la gloire du Seigneur.
A
Saint-Aubin-des-Ormeaux près Tiffauges, le huit de mai, mil sept cent
quarante-deux.
F. Triaut prêtre, curé de Saint-Aubin.»
Ce
témoignage est simple et non suspect. M. Rougeon, doyen, qui n'avait pas voulu
assister d'abord à l'exhumation, ayant été averti de ce qui s'y passait, y
alla, et s'étant approché du cercueil ne sentit aucune mauvaise odeur, et a
assuré que le visage du serviteur de Dieu était tout entier, fort
reconnaissable, et nullement défiguré. Malgré les défenses et les précautions
qu'on prit pour ne laisser entrer aucunes personnes dans l'église, tandis que
les maçons faisaient le caveau, il ne laissa pas de s'en glisser beaucoup qui
déchirèrent des morceaux de sa soutane et de son aube, et coupèrent des
esquisses de son cercueil. On lui en fit un second de chêne dans lequel on le
renferma avec le premier. On le mit ainsi sur deux traiteaux dans le caveau
préparé et on éleva au-dessus une pierre de marbre avec cette épitaphe :[102]
Quid cernis, viator
Lumen obscurum,
Virum charitatis igne consumptum,
Omnibus omnia factum,
Ludovicum-Mariam Grignion de Montfort.
Si
vitam petis, nulla integrior,
Si
poenitentiam, nulla austerior,
Si
zelum, nullus ardentior, /255/
Si
pietatem in Mariam,
Nullus
Bernardo similior.
Sacerdos
Christi Christum moribus expressit,
Verbis
ubique docuit,
Indefessus,
nonnisi in feretro recubuit.
Pauperum pater,
Orphanorum patronus,
Peccatorum reconciliator.
Mors gloriosa vitae similis,
Ut vixerat, devixit,
Ad
coelum Deo maturus evolavit. Die 28 mensis Aprilis
Anno
Domini 1716 obiit,
43
aetatis suae.
M.
l'abbé Barin, grand vicaire de Nantes, avec qui M. de Montfort avait été lié
d'une amitié particulière, voulut contribuer à faire rendre à son ancien ami
tous les honneurs que méritaient ses vertus sacerdotales et évangéliques. Il
envoya à Saint-Laurent une plaque de marbre, qui fut placée au-dessus et à côté
du tombeau du serviteur de Dieu, sur laquelle on lit ces mots :
«Ici
repose le corps de Mre Louis-Marie Grignion de Montfort, excellent
missionnaire, dont la vie a été très innocente, dont la pénitence a été
admirable, dont les discours remplis de la grâce du Saint-Esprit ont converti
un nombre infini d'hérétiques et de pécheurs, dont le zèle pour l'honneur de la[103] très sainte Vierge et
l'établissement du saint rosaire a persévéré jusqu'au dernier jour de sa vie. Il
est mort en faisant mission dans cette paroisse, le 28 avril 1716.
Pour
gage de sa tendresse, Mre Barin, chantre, chanoine dignitaire et
grand vicaire de l'église cathédrale de Nantes.» /256/
Outre
ces monuments, qui transmettent à la postérité les vertus de M. de Montfort, on
écrivit dans le même temps plusieurs lettres également glorieuses à sa mémoire.
Nous allons en donner quelques-unes. M. Mulot, ayant écrit à M. l'évêque de La Rochelle
sur ce que quelques-uns[104] blâmaient certaines
pratiques pieuses du saint prêtre défunt, il en reçut cette réponse.
«On
a tort, monsieur, de me faire parler. Je n'ai jamais désapprouvé le vœu de
chasteté que M. de Montfort faisait faire pour un temps limité. Au contraire,
je l'ai regardé comme une bonne pratique. Il ne faut pas être surpris de tous
les mauvais discours qu'on pourrait tenir de ce pauvre défunt. Il a eu pendant
sa vie assez de traverses et de contradictions, pour qu'après sa mort on
continue à le calomnier ; mais je le crois toujours un grand saint devant Dieu,
et partout où il a fait des missions on lui donne des marques de
reconnaissance, d'estime et d'attachement.
M.
de la Poype, ce saint évêque de Poitiers, en parla en ces termes à celui qui
écrivait sa première vie :
«Comme
vous écrivez, mon cher Monsieur, la vie de feu M. Grignion de Montfort, voici
un événement miraculeux qui vient d'arriver à Poitiers. J'ai eu la consolation
de voir guérir deux bonnes filles maléficiées, par le moyen de l'eau où a
détrempé du linge du serviteur de Dieu, laquelle j'envoyai pour la leur faire
prendre. Elles ont été guéries dès qu'elles en ont pris, et auparavant elles
tombaient toujours dans leurs accidents de maléfice, où les médecins ont avoué
qu'ils ne connaissaient rien, et que cela n'était pas de leur compétence. Dieu
soit béni, qui manifeste combien ce serviteur de sa divine Majesté lui a été
agréable pendant sa vie. Il l'est encore après sa mort.
Signé,
Jean-Claude, évêque de /257/ Poitiers.»
M.
l'abbé des Jonchères, archidiacre de Nantes, en parle en cette sorte au même :
«J'ai connu très particulièrement M. de Montfort. C'était un homme d'une
mortification très grande, d'un détachement entier, d'un zèle saint, d'un
travail infatigable, ayant beaucoup de facilité et de talent pour parler. Mais
en quoi il excellait, c'était dans un don et une grâce singulière à gagner les cœurs,
et on avait une confiance entière en lui dès qu'on l'avait entendu. Il trouvait
le moyen de faire subsister les pauvres pendant ses missions, et la confiance
prompte et facile que les peuples avaient en lui était si grande, qu'il a
établi en plusieurs paroisses la prière du soir et le chapelet, et la sépulture
dans les cimetières, qu'on ne pouvait établir à cause d'un arrêt du Parlement
de Bretagne. Il en vint facilement à bout, à la première proposition qu'il en
fit. »
Monsieur
Normand, Procureur du Roi de l'élection de Poitiers, en rend un témoignage bien
avantageux : «Il est vrai, écrit-il à M. Grandet, que j'ai eu l'honneur de
connaître très particulièrement M. de Montfort. J'ai même été pendant plusieurs
mois d'une petite société qu'il avait établie à Poitiers pour de jeunes gens,
et dans laquelle il nous entretenait par des exercices de piété très édifiants.
Il nous y faisait tous les jours des exhortations si naturelles et avec tant de
zèle, qu'il est certain que ceux qui avaient l'avantage d'en être, et qui en
ont su profiter, ont pris le parti de l'Eglise, dans lequel ils ont depuis vécu
avec autant de dévotion et d'édification qu'il en avait lui-même. J'ai
connaissance qu'il y en a deux particulièrement qui ont toujours porté comme
lui le cilice, et qui ont mortifié leur corps par les peines les plus rudes. L'un
de ces deux, appelé Monsieur Brunet, curé de Celle-l'Evescaut, est mort depuis
quinze jours /258/ en odeur de sainteté..... Il est nombre de filles, pour
lesquelles il avait aussi établi une petite société de piété, qui ont pris le
parti d'être religieuses. D'autres vivent dans le monde avec une dévotion sans
exemple. Son zèle était sans égal et sans ménagement. Il n'était personne pour
lui de respectable dans l'église quand on n'y avait pas de respect pour Dieu. Je
puis vous certifier qu'il ne vivait que de la Providence ; que souvent à midi
il n'avait rien, et qu'un jour qu'il nous retint avec lui pour y passer
jusqu'au soir, nous lui témoignâmes avoir envie de manger, qu'il nous répliqua
n'avoir rien ; mais que la Providence y pourvoirait. En effet, il lui fut
envoyé plus qu'il ne nous en fallait. Il a longtemps demeuré à l'hôpital
général, où il a fait beaucoup de bien par le rétablissement de l'église, par
les dons qu'il y a fait faire, par ses prédications et ses cantiques.
Voilà,
Monsieur, ce que je puis vous dire de M. Grignion pour l'avoir vu, et au reste,
nous sommes très persuadés en cette ville, qu'il est bienheureux dans le ciel.
»
Voici
ce qu'écrivit M. Dubois, prêtre directeur de l'hôpital général de Poitiers.[105]
«Pendant
le temps d'environ trois mois que j'ai demeuré avec ce saint prêtre et
travaillé sous lui à l'hôpital général de cette ville, j'ai été si attentif à
considérer avec admiration sa conduite extérieure, qui était telle qu'il
m'aurait été impossible de n'en pas tirer de pieuses conséquences en faveur de
sa sainteté intérieure. Depuis quatre heures du matin jusqu'à dix heures du
soir, on ne l'a jamais vu un seul instant dans l'inaction. Ses exercices de piété
n'étaient jamais interrompus que par des exercices de charité publique ou de
mortification cachée.»
Il
entre dans le détail de toutes ses pieuses actions[106] /259/ et[107] il continue :
«Les
travaux de M. Grignion ont été si pénibles pour le corps et l'esprit, ses
exercices de piété si continuels, et ses mortifications tellement sans relâche
que j'ai toujours regardé comme une espèce de miracle qu'il pût suffire sans
mourir mille fois ; et comme je marquais un jour à M. Revol, évêque d'Oléron,
alors vicaire général de Poitiers, mes sentiments et ma surprise à ce sujet, il
me fit l'honneur de me répondre : que lui aussi, de tous les miracles qu'on
attribuait à M. Grignion, c'était celui qu'il admirait le plus. Ce même prélat
a dit dans quelque autre occasion, avec[108] aussi beaucoup
d'admiration, que M. Grignion avait comme un droit acquis sur les
ecclésiastiques des plus marqués, et sur lui-même en particulier, pour les
engager, sans réplique de leur part, dans toutes ses pénibles fonctions, et
qu'il n'avait qu'à dire : Fac hoc et
facit. On lui a vu plusieurs fois des torrents de larmes couler de ses
yeux, pendant la célébration des saints mystères. Il ne vivait que d'aumônes et
un jour qu'on lui avait donné vingt francs, ou environ, pour ses besoins, il se
présenta à lui deux officiers en mauvais équipage ; il les leur donna
généreusement.»[109]
Sa
mort fut annoncée jusqu'à Québec, et voici[110] un extrait de la lettre
qu'en écrivit L. Bertrand Gérard, religieux missionnaire au Canada, à ceux qui
devaient continuer les missions du serviteur de Dieu[111].
«Messieurs,
Celui
qui se donne l'honneur de vous écrire n'a point l'avantage d'être connu de
vous, mais il a eu le bonheur de connaître M. Grignion, de vivre et d'étudier
avec lui et de profiter des grands exemples de ferveur qu'il donnait dans la
/260/ Congrégation des grands écoliers du collège de Rennes. Il est vrai que je
me séparai de lui après le cours de philosophie que nous fîmes ensemble, mais
nous nous retrouvâmes bientôt à Paris, où nous nous sommes vus durant quatre
années. Depuis ce temps là, je le perdis de vue, et tout ce que j'en pus savoir
c'est qu'il travaillait avec chaleur à la vigne du Seigneur dans le Poitou. Enfin
M. Robert, supérieur du petit séminaire de Saint-Sulpice, m'apprit en Canada sa
mort précieuse aux yeux de Dieu, et depuis M. Lyon de Saint-Ferréol, supérieur
du séminaire de Québec, me prêta sa vie que je lus avec une extrême
édification.»[112]
Il ajoute qu'il le regarde comme un homme extraordinaire, comme l'une des
merveilles de notre siècle, comme un autre Le Nobletz destiné à sanctifier le
pays nantais, le Poitou et le Rochellais. Il finit en priant Dieu de verser
mille bénédictions sur leurs travaux, et de rendre, tous les missionnaires de
la communauté du Saint-Esprit tels, en réalité, que Mr Grignion les dépeint
dans l'éloquente préface qu'il a placée à la tête de leurs sages règlements.
Nous
verrons[113]
comment ils se sont efforcés d'entrer dans ses vues et de remplir ses vastes
projets, après que nous aurons complété l'histoire de sa vie en donnant[114] le détail abrégé de ses
vertus.
[1]
1er
texte : Les fruits que le zèle
de M. de Montfort avait produits
(puis : faits)
[2]
1er
texte : comme un homme
[3]
1er
texte : devait être les
[4]
1er texte : qu'on disait être
[5]
1er texte : de quelques prêtres
[6]
1er
texte : à lui
[7]
1er
texte : réellement, Dieu
[8]
1er
texte : depuis, répété puis barré
[9]
1er
texte : ce qu'il avait pu, barré puis
repris ; en surcharge son possible
[10]
1er texte : poussèrent l'insolence
[11]
1er
texte : les plus endormies et les plus
tranquilles
[12]
1er
texte : Rien, barré puis repris en
surcharge : aucun de ces injurieux
traitements
[13]
1er
texte : diminuer en rien
[14]
1er
texte : qui était fort dégradé
[15]
1er
texte : et avait fait son possible
[16]
1er
texte : par la récitation
[17]
1er
texte : après avoir prêché et ayant
aperçu le particulier parmi ses auditeurs
[18]
1er
texte : du chapelet qu'il
[19]
1er
texte : un mot barré, illisible, avec en surcharge : récita
[20]
1er
texte : ce fut pour lui le coup
[21]
1er
texte : la réponse
[22]
1er
texte : ne douta plus de
[23]
1er
texte : qu’elle
[24]
1er
texte : (substitué par le membre de phrase qui précède) mais ce qui montra l'efficacité de ses paroles
[25]
1er
texte : lorsqu'on vit ce particulier
[26]
1er texte : M. de Montfort
[27]
1er
texte : de cette mission
[28]
1er
texte : de celle de Villiers
[29]
1er
texte : Villiers-en (barré, puis
repris)
[30]
1er
texte : pour faire
[31]
1er
texte : il fit porter (en
surcharge : relier fort) sous un dais le livre de la sainte bible
[32]
1er
texte : une lettre barrée
[33]
1er
texte : un mot barré, illisible
[34]
1er
texte : Orion (?), avec dernière
lettre barrée, illisible, et en surcharge une autre lettre également barrée et
illisible ; puis, encore en surcharge, le nom: Oriou, répété en marge sur
renvoi d'une petite croix.
[35]
1er
texte : regardaient, barré puis repris
en surcharge, et suivi de deux mots barrés, illisibles.
[36]
1er
texte : J’engageai, mal écrit,
barré, repris en surcharge.
[37]
1er
texte : Orion (?), avec dernière lettre barrée et en
surcharge la lettre u
[38]
1er texte : en bonne part
[39]
1er texte : de lui-même
[40]
1er
texte : un ou deux mots barrés, illisibles
[41]
1er
texte : un mot barré, illisible
[42]
1er
texte : Orion(?), avec dernière
lettre barrée, illisible, et en surcharge la lettre u
[43]
1er texte : de missionnaires
[44]
1er
texte : les pratiques de son
zèle
[45]
1er
texte : pour les obtenir
[46]
1er
texte : des lettres barrées, illisibles
[47]
1er
texte : Saum..., avec finale barrée, illisible
[48]
1er
texte : pensant qu'une
[49]
1er
texte : entreprise d'une aussi grande
[50]
1er
texte : servent plus souvent
[51]
1er texte : lettres barrées,
illisibles
[52]
1er texte : le voici copié
[53]
1er
texte : pour demand(er)
[54]
1er texte : affin
[55]
1er
texte: si l'église, et en surcharge :
ensuite
[56]
1er
texte : un mot barré, illisible
[57]
1er
texte : à Notre-Dame de Saumur
[58]
1er texte : une tendre amitié
[59]
1er
texte : et que Mrs les deux Mrs
Mulot
[60]
1er
texte : le nouveau missionnaire
; en surcharge : disciple du saint,
barré puis repris
[61]
1er
texte : il s'y rendit
[62]
1er texte : pour y prendre
[63]
1er
texte : tout ce qui était nécessaire
[64]
1er texte : C'est là que
[65]
1er texte : notre saint missionnaire
[66]
1er texte : dans
[67]
1er texte : le 5
[68]
1er
texte : commença aussi(tôt)
[69]
1er
texte : où il devait les finir
toutes par la mort
[70]
1er texte : allant
[71]
1er
texte : on ne dispose pas
[72]
1er texte : avec sa Grandeur
[73]
1er
texte : en état de monter de monter
en chaire
[74]
1er
texte : la plus toucha(nte)
[75]
1er
texte : il toucha cet endroit
[76]
1er
texte : plusieurs lettres barrées, illisibles
[77]
1er
texte : il le faudra payer
[78]
1er
texte : il faudra rendre
[79]
1er
texte : il lui répondit
[80]
1er
texte : qu'il n'y avait pas d'apparence et
que
[81]
1er
texte : la chose lui paraissait
[82]
1er
texte : rassura, barré puis
repris
[83]
1er
texte : Comme M. de Montfort voulait
[84]
1er
texte : et mit dans sa main
[85]
1er texte : Une entendant
[86]
1er
texte : M. de Montfort réunissait
[87]
1er
texte : et consoler ce bon peuple
[88]
1er
texte : agréable, plein de bonté
[89]
1er
texte : toute cette phrase est soulignée, puis le souligné est barré
[90]
1er texte : qui était
[91]
1er
texte : mot barré, illisible
[92]
1er
texte : on ne pensa plus
[93]
1er
texte : Saint-Laurent-sur-Sa(yvre),
les derniers mots barrés, puis repris
[94]
1er
texte : et élevé
[95]
1er
texte : une épitaphe à sa louange
[96]
1er texte : son
[97]
1er
texte : par la canonication de son Eglise,
barré et repris
[98]
1er
texte : ne pouvait encore être
[99]
1er
texte : pour donner, barré puis
repris
[100]
1er texte : dans
[101]
1er
texte : dernière lettre barrée et corrigée
[102]
1er
texte : On le mit ainsi dans le caveau
préparé sur deux traiteaux, et après
l'avoir muré par-dessus, on éleva une pierre de marbre
[103]
1er texte : de la sainte
[104]
1er texte : quelqu'un
[105]
Note :
A cet endroit, une croix renvoie en margé où on lit : D'abord copier la lettre telle queue est dans l'ancienne Vie. Mettre
trois points après ces mots de sa lettre : causé par.. Après ces mots: le
nettoya, mettre : etc. Passer ensuite à cet endroit : tout le monde sait encore
les travaux pénibles.... Ensuite : Les travaux de M. Grignion, comme il est
écrit ici.
[106]
1er
texte : Il a même raconté (qui,
barré) à quelqu'un qui l'ajoute ici, que
quelquefois, se rendant de ville, il l'abordait d'un air riant et lui disait :
«Mon ami, je n'ai rien gagné aujourd'hui pour mes pauvres, mais j'ai bien gagné
pour moi.» C'était lorsqu'il avait essuyé bien des humiliations, sans avoir pu
recueillir aucunes aumônes pour l'hôpital
[107]
1er
texte : M. Dubois continue
[108]
1er
texte : des lettres barrées, illisibles
[109]
1er
texte : Je me trouverais… Puis :
Je me trouverais bien récompensé, etc., comme dans la vie imprimée. Enfin, ce qu'il y a de bien singulier dans
la vie de M. Grignion, c'est qu'il ne s’est jamais relâché en rien, ni paru un seul instant différent de
lui-même. »
[110]
1er
texte : voici la lettre
[111]
1er
texte : après sa m(ort)
[112]
1er
texte : «En la parcourant, j'ai
trouvé (barré, puis repris) une
épitaphe assez courte et bien faite, mais un peu trop générique et qui semblait
ne pas caractérisé assez son héros. Pour donner donc à ce saint défunt, qui
m'avait honoré de son amitié, une marque de mon estime et de ma gratitude»
[113]
1er
texte : nous verrons dans la suite
[114]
1er
texte : en donnant le précis et